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jeanneovertheworld - Page 21

  • nuageux

    IMG00271-20101006-0728.jpgEn poussant ma porte ce matin, le ciel m’envoyait un message que je ne sus décoder.

    Je n’ai su que le regarder.

    Entre les câbles électriques des hommes, des lignes roses de nuages dans le ciel, aériennes compositions.

      

    Le soleil aidant, la vie prenant le dessous, j’avance dans la ville sans me retourner, vers un futur dont je ne sais rien.

     

    Mon futur est quelque part, suspendu.

    A tes lèvres, mon amour…

    A ses lèvres, mon oncologue.

     

    Et je ne sais pas si ces câbles sont là pour me pendre, ou si les nuages m’invitent à un nième voyage.

     

    Je poursuis ma journée, jaune comme les rayons d’un soleil d’automne, jaune comme les feuilles fatiguées que la chlorophylle abandonne, avant qu’un souffle de vent ne les cloue au sol.

     

    nuages avion.JPGLes nuages…

    je rêve en regardant par le hublot, dans un univers ouaté, je suis bien, nulle part, en lévitation, détachée de tout, détachée de toi, mais bien.

     

    Je vole et je vis, je vole à la vie.

    Souvent j’ai raconté cette histoire étrange, pour expliquer les années qui nous séparent, expliquer pourquoi tu as tant vécu sans moi. Je nous imaginais déjà amoureux, dans un autre monde, aérien, ouaté, dans les nuages, un monde appelé «le paradis des enfants», là où on habite avant de venir sur terre. Je connais l’adresse, j’envoie une lettre de temps à autre aux enfants que nous n’auront pas.  De ce paradis des enfants tu serais tombé très tôt, avant moi, qui un instant seulement avais lâché ta main. Et toutes ces années sans moi sur terre, tu as attendu que je vienne, que je naisse. C’est pour cela que mes parents ont du précipiter leurs épousailles : parce que j’étais pressée de te rejoindre.

     

    écho.JPGJe regarde mon échographie axillaire, indéchiffrable.

    Avec la parole faussement réconfortante de l‘opérateur « absence d‘hypertrophie des nœuds lymphatiques»

    On ne voit rien, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a rien.

    Je regarde plus attentivement.

    Elle est douce cette image en noir et blanc, ouateuse.

    On dirait des nuages…

    Sous ma peau il y a des nuages, cumulo-nimbus, radius et cubitus.

    Sous ma peau il voyage peut-être, le crabe, dans des avions globuleux qui laissent des traces rouges à l’aisselle.

     

    Tu es tombé trop tôt du ciel et il a fallu que tu attendes pour me connaître.

     

    Est-ce que mon cancer est tombé trop tôt du ciel lui aussi ?

    Est-ce que maintenant il doit m’attendre, avant de m’avoir ???

     

     

     

  • " homo sum "

    l’homme qui posait sa main sur les arbres pour trouver ses racines…

     

    On rencontre parfois les gens pour de mauvaises raisons, puisque pour découvrir, il ne faut pas chercher. Mais la vie, pas rancunière, nous réserve encore des surprises : sous les pavés, le sable émouvant.

      

    « Tu ne poses pas de question… »

    Sans doute a-t-il cru que je ne voulais rien savoir de lui.

    Sans doute n’a-t-il pas compris, lorsqu’il s’est agit de ne pas consommer, ce qu’était venu faire cette fille qui ne demandait rien.

     

    Je ne pose pas de question auxquelles on  pourrait répondre par des clichés sociétaux, je ne pose pas de questions qui pourraient ouvrir la porte à la banalité, réponses réchauffées, rayon traiteur des supermarchés.

    Je ne me pose même pas de questions à voix basse, je ne fais qu’ouvrir mes yeux, mon âme, mon cœur et tous les autres capteurs, pour récupérer à la dérobade ce que les gens laissent traîner derrière eux.

    Je collecte la vie qui s’échappe comme autant de vérités.

     

    roger.JPGLa seule question qui vaille est « qui es-tu ? », mais lui-même ne le sait pas.

    Je ne pose pas de question et il ne dit rien, il attend pour se construire et se définir, mes mots pour s’appuyer. Je ne veux pas de construction, pas d’image, juste l’essence.

    Et il est quoi au juste ? Ce que l’on voit trompe tout le monde et lorsqu’il se regarde dans la glace il ne se reconnaît que par habitude. Si chaque être est unique, on trouve souvent des mots pour les décrire, des cases pour les ranger. De lui on n’a que des fragments : des origines, une famille, une langue oubliée, un continent, puis un autre continent, des études, un métier, une vocation, un don, la descendance, la souffrance, le chant, les signes, les gens, la vie...

    Et cette couleur aux mains qui ne s’en va pas, même en frottant bien.

    Si ses mains sont si râpeuses, c’est pour dire les écorchures de la vie, même ses allergies sont des cris de son corps, de cet être qui est coincé à l’intérieur, qui voudrait être lui, pas victime, pas exemple, juste lui.

    Et le bleu dans le sombre de ses yeux …

     

    Je le regarde, lui qui fuit vers un demain qu’il aimerait certain, en oubliant de vivre ici et maintenant. Il dit Carpe Diem pour se freiner, ne pas oublier, s’excuser presque. Le temps, c’est pas de l’argent comptant, c’est de l’espoir et lui veut du savoir, en poésie. Je regarde son ombre sur le trottoir, elle va moins vite que lui, elle attend qu’on le retienne.

     

    Et ces yeux posés sur lui, dans le bus, qui lui rappellent ce qu’il parait, tuant encore plus ce qu’il tente d’être...

     

    Je suis revenue à moi, sans grand émoi, indemne, en apparence...

     Mais j’ai depuis longtemps appris à me méfier des « riens ».

     Depuis pourtant, je ne fais que me poser cette question : « QUI êtes-vous ? ».  

     Et cette éternelle question boomerang que je ne peux ignorer : " QUI suis-je ? "

     

    .

  • main vers demain

    Certes, parfois on commet des erreurs.
    Mais souvent ce sont des regrets que j’ai trimballés, petits, mais regrets tout de même.
    De n’avoir pas osé dire, de n’avoir pas osé faire, des petites choses, des petits gestes, ou de grands sauts, faute à mon éducation, faute aux idées communes d’une société qui bride en faisant des rêves de liberté.
    Avec l’âge, je me détache du qu’en-dire-t-on, je suis moins lâche.
    Et si l’on se demande ce qui me prend, je sors la carte de la moribonde qui tente de vivre dans un dernier élan. Mon excuse favorite…

    Il y a quelque chose que je ne regrette pas d’avoir osé…
    Tenir la main de Mamie, morte.

    La vie venait juste de quitter son corps usé.
    Je t’ai demandé la permission de lui prendre la main, ce n’était pas ma grand-mère.

    On se fait des idées sur les morts, on se fait des idées sur la mort.

    J’ai beau l’avoir tutoyée, on ne la voit pas souvent en face, on ne voit que les stigmates, les plaies ouvertes dans les cœurs de ceux qui restent, les yeux rougis de ceux qui se retrouvent en vie et si seuls. C’est cela que je ne supporte pas dans la mort : les victimes co-latérales.

    DSCF0033bbjjje.JPGLa mort de mamie avait l’air si douce, on avait ramené sa couverture en patchwork, qu’elle avait du tricoter elle-même il y a des années, c’était un hôpital mais on devinait sa chambre à elle et j’ai rarement vu autant d’individualité en milieu hospitalier, on était presque chez elle, juste en milieu stérile.

    Je voulais prendre sa main pour savoir.
    J’ai pris sa main.
    Elle n’était ni froide ni raide.
    Encore tiède.
    Plus chaude que ma propre main.
    Mais j’ai toujours froid à ces bouts là.
    Et si douce.
    Ses ongles parfaitement faits.
    Sa bague, anneau d’un mariage si lointain.
    Ses doigts si fins de vieille dame bien.
    Ses rides profondes et délicieuses.
    Ses doigts morts qui me racontaient encore son histoire de femme, qui taisaient encore ses blessures d’épouse, qui hurlaient encore ses amours de mère.
    Des doigts morts qui se refermaient quand je les laissais aller sur le drap blanc.

    Et cette couverture que l’on remonte, pour qu’elle n’aie pas froid, dans l’au-delà.

    Je lui ai juste dit au revoir, je crois.

    Un geste que j’aurais vraiment regretté de ne pas avoir fait.
    Un geste que je garde en moi comme un souvenir d’une rare intensité.
    Au point que je me demande si ce n’est pas elle qui me tenait, comme pour m’accompagner dans ma vie, pour m’encourager à vivre encore.

  • l'ombre des hommes

     

    Je suis une contemplative, jamais hâtive.

    Parfois je m’arrête pour regarder où certains ne voient rien.

    Ça t’agace, tu penses que je me la joue, surtout quand coule une larme sur ma joue, devant le maelström.

    Parce que j’aime que tout prenne sens, il faut que je prenne chance, de savoir, de ça voir.

    Avide, je me remplis du monde, à vie.

    Entre Danaïdes et Sisyphe, avec humilité j’assume ma boulimie d’humanité et avoue mon refus de la satiété dans ce monde trop normé.

     

    ombre.JPG

    Je les regarde avancer dans la rue, les hommes.

    J’aime les regarder marcher, mes hommes.

     

    Leur carrure, leurs parures, une fragrance, une apparence, un jeu, un vous ou un tu.

     

    Moi, je regarde par terre, ce que les hommes trimballent.

    Leur vécu su, les histoires tues, ce qu’ils ne veulent pas montrer mais ont tant de mal à cacher. Je cherche le toi de celui qui ne sait même pas le soi.

     

    Je ne collectionne pas les hommes, je ne vole que leur ombre, ça prend moins de place, ça fait moins de casse et ils continuent leur route, débarrassés de ce surplus d’eux, plus sûrs d’eux, ils continuent à faire croire et moi je reste là, contemplative, le savoir dans la poche.

    .

  • ce que la vie dit

     

    Je n’arrête pas de leur dire, aux enfants, en voulant les convertir au scientifique de la géographie en les éloignant du touristique, qu’il faut regarder et pas seulement voir, que l’image doit passer par l’analyse pour nous parler.

    Même si le cœur peut s’émerveiller, même si le corps peut vibrer, le passage par le cérébral, pour le plaisir, est vital.

    La connaissance, toucher l’essence, et combler tous les sens.

     

    Je n’arrête pas de leur dire, à tous, que l’on ne voit qu’une infime partie de ce qui nous entoure au quotidien, faute à l’habitude, faute au temps qui nous manque pour profiter de chaque petit rien.

    Même si j’aime avancer dans la nuit, sans lampe, en visualisant tout ce qui m’entoure, même si j’aime reconnaître une voix à mon dos sans ajouter l’image, je le sais mais je n’échappe pas au piège.

     

    Je connais chaque détail de ma maison, je crois en tout cas la connaître, alors, comme chacun, je la considère comme un élément d’un décor que je ne regarde plus, je vis en courant vers ailleurs et je n’écoute plus ce que ces détails me disent.

    Ce que je ne leur ai jamais laissé me dire.

     

    craby bb.JPGDans ma salle de bain, décor de tropiques, décor marin et les rames en bois du radeau de mon grand-père.

    Une boule de verre dans ses filets, une vraie, des fausses.

    Et au plafond, un filet de décoration, une vraie étoile de mer, et un petit animal marin, comme une peluche répondant au nom anglo-saxon de « Craby ».

     

    Et je prends un bain comme ça, avec de la mousse, de la vapeur, de l’eau toujours trop chaude, n’en déplaise à mon ectasie, la tête à l’ombre d’un bananier de bois sculpté des Antilles.

     

    Rien de changé dans ce décor.

    C’est moi qui ai vécu.

    C’est moi qui ai changé.

     

    Aujourd’hui j’écoute ce que ma maison me dit…

     

    Je regarde ce filet au plafond, moi qui parfois souris en disant que j’ai une araignée au plafond.

    Oui, bargeotte la Jeanne…

    Aujourd’hui je vois Craby et pour la première fois, j’entends cette ironie, la vie qui me dit : 

    « N’oublie pas, Jeanne, le crabe que tu as au dessus de la tête... »

     

    Comme une épée de Damoclès.

     

    Je n’oublie pas…

     

    Mais je veille à me tenir le plus longtemps possible loin de lui, je sais qu’il touche mon ombre. Qu’il me suit… comme mon ombre…

    craby main.JPG

    Une larme.

     

    Je sors du bain, je me sèche le corps et les joues.

     

    Pas une seconde à perdre.

     

    Vie, me voici !

     

    ...

  • maelström

    maelstrom.JPGIl nait là, devant moi, le maelström.

    A 67 degrés Nord.

    J’ai tant adoré ce mot étrange, présent dans les dictionnaires de France mais traînant avec lui ses origines d’ailleurs, ses origines du froid, portant sur son O des points comme un bonnet de laine à pompon.

    Comme un mot familier, un mot de ma famille, moi, l’iceberg.

    J’ai tant aimé son sens, figuré.

    Ce tourbillon des sens, imaginé, vécu dans mon sein, souvent.

    J’ai aimé instantanément les auteurs qui osaient le coucher dans leurs romans.

    Ce mot, on ne l’emploie que lorsqu’on le vit, que lorsqu’on le sent en soi.

    Car jamais il ne se traduit.

    Comme la Saudade portugaise.

    Je suis allée aussi loin que la route des Lofoten allait, je suis allée aussi loin que les hommes ont tenté de domestiquer la nature.

    Et regardé au loin, tendant l’oreille, comme Ulysse, écoutant les sirènes.

    Regardé au loin pour sentir le monde.

    Et moi toute petite, mais solidement ancrée, pieds dans la roche agressive, inhospitalière à qui ne la comprend pas.

    Je respire et je tremble, au vent.

    Je respire et je pleure, faute au vent à mes yeux trop sensibles ou faute à l’émotion du cérébral à fleur de peau.

    Je suis au bord du maelström comme au bord d’une falaise de possibles, d’un océan de mystères, bien plus grand, bien plus dense, protégé par des eaux sombres.

    Au bord du maelström, je suis au bord de la vie.

    Je devine son secret sans pouvoir encore le répéter.

    Je souris.

    Une larme encore trahit mon petit bonheur de vie.

    Il me donne cette force, il me donne cette foi, clairvoyance aveuglante, j’en emplis mes poches, j’en emplis mes rêves.

    Dans le maelström je tourbillonne mais jamais je ne m’abîme.

    mouettes floues.JPGDans le maelström je vis.

    Je n’ai pas peur de lui.

    Je n’ai pas peur de la mort.

    Il est la vie, le mouvement, la folie, l’ivresse.

    Au terme d’enfer je lui préfère celui de «  nombril de l’océan », par là, on est attaché à la mère, à la vie.

    Je suis là debout, devant le maelström et je t’aime.

    Je suis là debout devant le maelström et je suis en paix.

    Un pas en avant, un pas vers demain, la vie est en marche.

  • sur les marches du coeur

    OJ.JPG

     

     

     

     

     

    Il l’a jeté dans l’escalier,

    Olivier,

    Je le regarde avec émotion,

    Son caleçon.

     

     

    Une trace de lui, une signature, lui qui vit, lui qui court, lui qui veut, lui qui rêve encore, lorsqu’il dort, de plus en plus tard.

    Et tout ces gens qui gravitent, ce monde qu’il évite, cet univers qu’il traine avec lui.

    Avec la peinture écaillée,

    De l’escalier,

    On voit bien ce qui lui manque, qui lui manque.

    Un terrible résumé

    D’Olivier.

    Je n’ose le déranger, j’aimerais le ramasser, j’aimerais épousseter.

    Je n’a pas besoin de carte, je le sais trésor.

    Je le veux

    Heureux.

    Amitiés

    Olivier.

     

  • autant en emporte l'aorte

    Ça ne se fait pas, de survivre, de garder ses cheveux, de continuer sans que le monde entier ne se doute.

    Alors, au premier scanner, au premier anniversaire, l’interne de service n’a pas pu me laisser repartir comme ça. D’accord, il n’avait pas vu de crabe, en miettes ou en boite, rien. Mais on ne dira jamais « vous allez bien ». Juste un « c’est bon » sur le même ton que « c’est fichu », comme si c’était plié d’avance. Dans un couloir, alors que les corps s’éloignent, la blouse blanche fait un pas en arrière, hésite et demande «  savez-vous que vous avez une ectasie de l’aorte ? »

    L%20arbre%20Aortique.jpg

    L’aorte c’est cette canne rouge sur laquelle s’appuie le cœur,

    Comme un appui nécessaire au système

    On parle d‘arbre aortique, arbre de vie, généalogie des organes,

    A la sortie du cœur, c’est le dispatcheur de sang.

    « C’est quoi une ectasie ? Non, mais ne vous inquiétez pas, c’est très léger... Je pensais que vous saviez… »

    Que je savais quoi, blouse blanche dans un couloir, entre deux portes, entre la salle d’attente et les rayons nocifs, que je savais quoi ?

    Que je risque l’anévrisme, un rien, juste un passage, vers l’au-delà, une hémorragie interne et on ne se parle plus, un épanchement de sang, pschitt, une petite fuite ? !

    aortique-debakey-type-i-456x499_tb.jpgVous savez ce qu’elle vous dit mon aorte ? Vous savez ?

    Mon aorte, elle est tellement gourmande de vie qu’elle a un peu abusé des bonnes choses, c’est vrai, elle s’est enflée, qu’elle a épaissi ses parois, je veux bien l’avouer…

    Mais ce que je ne peux pas vous dire, c’est que si mon aorte est plus grosse que la moyenne des gens, c’est qu’elle espère bien se faire remarquer, qu’elle ne supporterait pas d’être « dans la moyenne » et qu’elle se moque bien de ce qu’on peut dire d’elle… Elle qui en secret fait de son mieux pour apporter au cœur tout ce qu’il a besoin, ce débit anormalement élevé de sang sert à alimenter tout ce que je cache en moi, à arroser mon jardin secret : mes souvenirs de vous, mes désirs de toi.

    Mon aorte est une canne bien nécessaire, épaisse et solide pour ancrer un cœur qui veut voler plus haut que mon corps.

    coeur.jpg 

    Mon ectasie de l’aorte ?

    Une extase de toi,

    à peine dissimulée.

  • petits riens, bouts de moi

    Arrêt sur image – Norvège 1.

    roros géné.JPGLe désert intérieur de Roros est une curiosité, comme une bêtise que les hommes essaient de camoufler. A tant couper les arbres, pour les maisons, pour le feu et surtout l’étayage des mines de fer, le vent frappant sans vergogne un sol dénudé a crée des petits bouts de Sahara et l’on trouve à Roros des amas de sable en été, comme il y a des congères en hiver. Les politiques de reboisement cachent cette réponse aux offenses faites à la nature, mais parfois cela échoue.
    Je me suis promenée sur les dunes, de sable pas doux, de sable pas doré, un peu gris, de sable pas chaud.
    Juste le bruit de mes pas en descendant la dune.
    Mes pas dans le silence de silice.
    Grain de poussière sur grain de sable, je hurle à la vie.

    Ecoutez : je suis !

    roros pied.JPG



    Arrêt sur image – Norvège 2.

    oppdal géné.JPGOppdal, station de ski l’hiver, station aussi l’été, au vert. Le téléphérique a troqué ses sièges pour skieurs contre des petites cabines pour promeneurs. Quelques minutes pour attendre les sommets, voir le panorama, emprunter les chemins aux moutons en cloches.
    Quelques minutes pour redescendre sur terre, retrouver la route n°6. Cette cabine-là ne se fermait pas. Barrière de sécurité. Plein air.
    Assise sur mon petit banc de bois, je prends le vent.
    Je prends le vent. Et tout ce qu’il me donne : la folie dans mes cheveux, la fraîcheur à mes poumons, des picotements à mes joues et les larmes à mes yeux, sans que l’on sache jamais si cela est dû au vent froid à mes pupilles ou à un trop plein de vie, qui déborde soudain.


    Moi, je sais….

    oppdal air.JPG


    Arrêt sur image – Norvège 3.

    vague géné.JPGJe regarde les vagues que crée le ferry.
    Cette danse magique que les eaux font à son passage,
    comme une haie d’honneur de dentelles.
    Je regarde toutes ces bulles doucement mourir au loin, en silence.
    Eloge de l’éphémère.
    Sans ce bateau, ces eaux dorment. Leur persévérance à exister m’émeut.
    Ces bulles sont de l’art, elles ne servent à rien, rien qu’à l’émerveillement de mes yeux à cet instant précis.
    Les autres passagers sont blasés.
    Moi je regarde le spectacle et j’applaudis des paupières.

    Tu es là.

    vague geiranger.JPG



    Arrêt sur image – Norvège 4.

    pont geiranger géné.JPGIl y a un vieux pont abandonné, où passait naguère les chariots, où passait naguère les chevaux, à Geiranger, sur les hauts.
    On prend ce bru en photo.
    J’y passe à pied, prends le temps de la voir, de le sentir, le parcourir.
    Je cours un peu, pour voler un maximum de temps où il n’y aurait personne, sur le pont.
    Je ne sais pas ce qui me prend, je trottine, j’emplis mes poumons.
    Je ne sais pas ce qui me prend, j’écarte les bras et je crie : « je suis Jeanne ».

    Je pense à toi.

    pont geiranger.JPG




     

  • voyage intime, voyage ultime

    « La maladie, c’est aussi un voyage immobile.

    bernard 2ème note.jpgUn voyage extrêmement violent, contraignant, unique, que l’on ne trouvera nulle part ailleurs, même chez un autre malade atteint du même mal.

    Je ne me suis jamais demandé « pourquoi moi ? » mais « pourquoi ? ». Il y a une raison, elle existe. Est-ce que je suis ce que je dois être ? Est-ce que je suis à la bonne place ? La vie est si complexe qu’on reste sourd et aveugle, longtemps. La maladie m’a appris à vivre l’instant. 

    La notion de bonheur est plus calme, plus franche, plus immédiate, je ne suis pas en quête. C’est un long voyage que de renaître.»                   Bernard Giraudeau, VSD, 2009.

     

    Cher Bernard,

     

    Vous êtes parti.

    Je pars aussi.

    En voyage mobile.

     

    Le voyage immobile dont vous parlez n’est pas, pour moi, terminé : je fais tamponner mon passeport régulièrement et renouvelle mon permis de séjour pour trois mois à chaque fois. Il n’y a pas de hiérarchie dans la souffrance, il n’y a que des vécus, uniques.

     

    A cette étape du voyage au fond de ma vie, je ne me demande même plus « pourquoi », je ne verbalise plus, je vis et contemple, boulimique de sensations, j’observe et attends paisiblement toutes les réponses. J’ai changé de rythme, dans ma deuxième vie, je ne demande plus, je reçois.

     

    LofotenHowie.jpgJe pars en voyage, au delà du cercle pôlaire, à la frontière du monde. Je remonterai le temps dans les vallées glaciaires, je relierai l’infiniment grand à l’infiniment petit, mais c’est bien moi que je pars explorer, poussière dans l’immensité, perdue j’espère me trouver.

    Il faut que je laisse derrière moi les images de moi, le carcan des habitudes sociales, les couvertures.

    Au rorbu du monde, je ne veux rien faire d’autre qu’être moi.

     

    Je penserai à vous.