En poussant ma porte ce matin, le ciel m’envoyait un message que je ne sus décoder.
Je n’ai su que le regarder.
Entre les câbles électriques des hommes, des lignes roses de nuages dans le ciel, aériennes compositions.
Le soleil aidant, la vie prenant le dessous, j’avance dans la ville sans me retourner, vers un futur dont je ne sais rien.
Mon futur est quelque part, suspendu.
A tes lèvres, mon amour…
A ses lèvres, mon oncologue.
Et je ne sais pas si ces câbles sont là pour me pendre, ou si les nuages m’invitent à un nième voyage.
Je poursuis ma journée, jaune comme les rayons d’un soleil d’automne, jaune comme les feuilles fatiguées que la chlorophylle abandonne, avant qu’un souffle de vent ne les cloue au sol.
Les nuages…
je rêve en regardant par le hublot, dans un univers ouaté, je suis bien, nulle part, en lévitation, détachée de tout, détachée de toi, mais bien.
Je vole et je vis, je vole à la vie.
Souvent j’ai raconté cette histoire étrange, pour expliquer les années qui nous séparent, expliquer pourquoi tu as tant vécu sans moi. Je nous imaginais déjà amoureux, dans un autre monde, aérien, ouaté, dans les nuages, un monde appelé «le paradis des enfants», là où on habite avant de venir sur terre. Je connais l’adresse, j’envoie une lettre de temps à autre aux enfants que nous n’auront pas. De ce paradis des enfants tu serais tombé très tôt, avant moi, qui un instant seulement avais lâché ta main. Et toutes ces années sans moi sur terre, tu as attendu que je vienne, que je naisse. C’est pour cela que mes parents ont du précipiter leurs épousailles : parce que j’étais pressée de te rejoindre.
Je regarde mon échographie axillaire, indéchiffrable.
Avec la parole faussement réconfortante de l‘opérateur « absence d‘hypertrophie des nœuds lymphatiques»
On ne voit rien, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a rien.
Je regarde plus attentivement.
Elle est douce cette image en noir et blanc, ouateuse.
On dirait des nuages…
Sous ma peau il y a des nuages, cumulo-nimbus, radius et cubitus.
Sous ma peau il voyage peut-être, le crabe, dans des avions globuleux qui laissent des traces rouges à l’aisselle.
Tu es tombé trop tôt du ciel et il a fallu que tu attendes pour me connaître.
Est-ce que mon cancer est tombé trop tôt du ciel lui aussi ?
Est-ce que maintenant il doit m’attendre, avant de m’avoir ???
Commentaires
Et si, d'un câble à l'autre, il cherchait la sortie ?