Dans mon établissement scolaire il y a encore de vieux ordinateurs, qui, lorsque je les allume, me transportent ailleurs.
C’est tout con, un fond d’écran. Sa seule fonction est d’habiller le vide. Ça a été inventé pour qu’on l’oublie, qu’on n’y prête pas attention, quelque chose de neutre et d’universel, quelque chose d’irréel. De ces riens que j’aime tant.
Lorsque j’allume l’ordinateur, je pars en voyage.
Je retourne immédiatement sur cette plage, océan pacifique, péninsule de Coromandel.
Quand j’allume l’ordinateur obsolète de la salle des professeurs je souris, je me dis que je suis en vie et que j’ai une chance folle, que ma vie est un cadeau. Qu’importent les pas qui raisonnent dans le couloir, les bruits de chaises et les cris des surveillants dans la salle de permanence voisine, qu’importe ce rappel incessant aux sombres aspects de mon travail, mes yeux se perdent dans ce fond d’écran à s’en humidifier.
J’ai foulé cette plage, aux antipodes parfaite de ma petite ville de province.
Par deux fois même, pour vérifier qu’elle existe et que je n’ai pas rêvé.
Je me souviens.
C’est moi qui ai vécu.