Un samedi soir sur la terre.
Un samedi soir à Folschviller.
Revenir en arrière
Quinze, vingt, vingt-cinq ans…
Tant ?
Mon frère bébé, ma sœur enfant, à la maison avec maman, un père qui s’investit dans l’associatif, et moi « la grande » qui le suis.
Comme son ombre.
Moi, sa fierté, sa fille, sa complice, presque son fils…
Je suis retournée, 20 ans après, au gymnase.
Il s’est refait une beauté, agrandit, modernisé.
J’y suis retournée, avec mon père, tempes argentées.
Juste pour qu’un ancien joueur, poivre et sel – ça doit être la mode – me reconnaisse et s’exclame :
« - ha… le père et la fille…
- - Ha ? tu la reconnais encore ?
- - Bien, sûr… elle n’a pas changée… »
Je me suis assise à côté de lui, mon père.
Match tendu, Nationale I oblige, à ce niveau on joue au handball mais ça n’a rien d’un jeu : défendre, attaquer, marquer, le sportif est un guerrier. On prendra du plaisir une autre fois…
Cette tension, les cris sourds, le son de la balle qui claque à deux mètres de moi, stoppée par des mains gluantes, des gouttes de transpiration, des hommes.
Des hommes…
Je vois cela aujourd’hui, adulte.
Et dans ce brouhaha, sous les projecteurs puissants, entre deux coups de sifflet stridents, je remonte le temps.
Mes années collège, mes années lycée, c’était le samedi au gymnase.
Regarder l’équipe. Supporter, à domicile. Et puisque papa y allait, je pouvais aussi suivre les déplacements, en bus, en train, départ parfois le matin. France parcourue, campagne et banlieues, de Paris, de Lyon, Joinville le pont, Joinville sans pont. Les restos, les gueules de bois, les coups de gueule, j’étais bien, innocente, jeune, si jeune... Les vestiaires, les blagues un peu vulgaires, les caleçons qui volent, les hommes. Sur un coin de table, un ingénieur en short vert m’aide à percer le mystère de mes devoirs de mathématiques, première S.
Ado, je ne trainais pas les rues,
ado, je ne trainais pas les boites, la nuit,
ado, je suivais une équipe de handballeurs…
Assise à côté de mon père, dans ce gymnase sans rides, je vois tout ce qui a changé : l’esprit, les règles même, le public.
Je ne me sens pas vieille, il m’a reconnue dès le début « Spoogy »…
J’ai une place dans ce gymnase.
Et ce gymnase a une place en moi…
Trois coups de sifflet.
Fin du match.
Retour en 2010.
Je quitte le bal du hand.
Heureuse de ce bain dans ce qui fait ce que je suis.
« C’est moi qui ai vécu ».