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main vers demain

Certes, parfois on commet des erreurs.
Mais souvent ce sont des regrets que j’ai trimballés, petits, mais regrets tout de même.
De n’avoir pas osé dire, de n’avoir pas osé faire, des petites choses, des petits gestes, ou de grands sauts, faute à mon éducation, faute aux idées communes d’une société qui bride en faisant des rêves de liberté.
Avec l’âge, je me détache du qu’en-dire-t-on, je suis moins lâche.
Et si l’on se demande ce qui me prend, je sors la carte de la moribonde qui tente de vivre dans un dernier élan. Mon excuse favorite…

Il y a quelque chose que je ne regrette pas d’avoir osé…
Tenir la main de Mamie, morte.

La vie venait juste de quitter son corps usé.
Je t’ai demandé la permission de lui prendre la main, ce n’était pas ma grand-mère.

On se fait des idées sur les morts, on se fait des idées sur la mort.

J’ai beau l’avoir tutoyée, on ne la voit pas souvent en face, on ne voit que les stigmates, les plaies ouvertes dans les cœurs de ceux qui restent, les yeux rougis de ceux qui se retrouvent en vie et si seuls. C’est cela que je ne supporte pas dans la mort : les victimes co-latérales.

DSCF0033bbjjje.JPGLa mort de mamie avait l’air si douce, on avait ramené sa couverture en patchwork, qu’elle avait du tricoter elle-même il y a des années, c’était un hôpital mais on devinait sa chambre à elle et j’ai rarement vu autant d’individualité en milieu hospitalier, on était presque chez elle, juste en milieu stérile.

Je voulais prendre sa main pour savoir.
J’ai pris sa main.
Elle n’était ni froide ni raide.
Encore tiède.
Plus chaude que ma propre main.
Mais j’ai toujours froid à ces bouts là.
Et si douce.
Ses ongles parfaitement faits.
Sa bague, anneau d’un mariage si lointain.
Ses doigts si fins de vieille dame bien.
Ses rides profondes et délicieuses.
Ses doigts morts qui me racontaient encore son histoire de femme, qui taisaient encore ses blessures d’épouse, qui hurlaient encore ses amours de mère.
Des doigts morts qui se refermaient quand je les laissais aller sur le drap blanc.

Et cette couverture que l’on remonte, pour qu’elle n’aie pas froid, dans l’au-delà.

Je lui ai juste dit au revoir, je crois.

Un geste que j’aurais vraiment regretté de ne pas avoir fait.
Un geste que je garde en moi comme un souvenir d’une rare intensité.
Au point que je me demande si ce n’est pas elle qui me tenait, comme pour m’accompagner dans ma vie, pour m’encourager à vivre encore.

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