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jeanneovertheworld - Page 20

  • en cage

               Je ne sais pas bien comment je peux m’en souvenir… de la cage d’escalier, celle de l’immeuble  que j’habitais quand j’étais enfant unique, l’appart au premier étage où l’on m’a ramenée dans un couffin, un mois de novembre blanc et ensoleillé, et d’où je suis partie, six ans plus tard, avec une maman grosse d’une petite sœur qui allait venir.

    escaliers 2.JPGPourtant je me revois dans cette cage d’escalier, moi la fille qui n’a jamais trainé.

    J’y ai tant joué.

    J’y ai si bien joué.

    Avec rien.

    Avec les marches, avec ces barres qui servaient de piano et qui devaient rendre fous les voisins qui n’ont jamais rien dit.

    Je ne me souviens pas bien.

    Je ressens simplement.

    Et je me souviens que dans cette cage, j’ai trouvé de la liberté.

    Je me dis que de rien j’ai fait tout un monde, dans ma tête.

    J’ai fait d’un endroit triste et gris un endroit de paradis.

    Avec mon cœur d’enfant, de mon seuil œil emmétrope je restais sur terre et de l’autre je voyageais, je volais, légère.

    Toute petite dans le monde des grands, je faisais d’une entrée commune un peu glauque, subie, une aire de jeux, un lieu d’observation… on ne prête pas attention à une petite tête blonde qui joue en silence.

    J’apprenais à faire d’un rien un bien.

    J’apprenais à être bien, seule avec moi.

     

    escalier 1.JPGJe me suis assise dans l’escalier.

    Jeanne Magnani, 38 ans.

    Je sens l’air qui entre plus difficilement dans mes poumons, avec le souvenir, l’émotion de l’évocation.

     

    Qu’est-ce que j’aime cette douce douleur de vivre, ce piquant qui m’empêche de dormir, qu’est-ce que j’aime ces riens qui font ce que je suis, je me sens si vivante, si entière et mon ombre n’en finit pas de grandir à mesure que j’avance vers la lumière.

    Sereine.

    Reine.

     

     

     

  • regres-snif

    pouce.JPGQuand je dis que je suce… mon pouce, ils rêvent une fraction de seconde de prendre la place du complément d’objet.

    Pourtant… j’ai tant sucé.

    Et je suce encore parfois. Rarement.

    Je suis toujours déçue, mon pouce a grandi, rude à mon palais délicat, mais vite je retrouve le geste : le pouce au plafond de ma bouche, ma langue en matelas. Très vite aussi, les autres doigts, frustrés, retrouvent leur place et boudent, enroulés sur mon nez, l’index coquin parfois caresse l’arrête.

    Non, je n’ai pas de grand plaisir aujourd’hui à sucer mon pouce.

    Je veux juste parfois voir ce que cela fait, me retrouver petite, me recentrer sur moi, me retrouver.

    Je regardais le monde et je me calmais en suçant mon pouce, avec ma main sur le visage j’avais l’impression de ne pas être vue, mes peurs mourraient avec la succion.

     

    canard bain.JPGQuand je parle de mon petit canard en plastique, ils rêvent une fraction de seconde d’actionner un hypothétique bouton pour le faire vibrer et m’inonder de plaisir.

    Portant… j’ai tant inondé, la salle de bain avec ce canard comme partenaire de jeux de bains, jeux malins sans malice.

     

    Je la regarde la petite fille dans la bassine, celle qui suçait son pouce et jouait au canard…

     

    V au bain.JPGEst-elle trop grande, ou est-ce le monde qui est trop étroit pour elle ?

     

    Je sais qu’elle me demande ce que j’ai fait de nous.

    Son innocence…

    Je ne peux plus redevenir vierge, je ne le veux pas, tout juste peut-être redevenir…

    Je garde tout ce que j’ai vécu, tous les autres.

    Mais parfois j’ai mal à l’adultie.

     

    Parfois j’aimerais pouvoir sucer mon pouce… en toute innocence…

     

    .

     

     

     

  • elle s'appelait Anna...

    Anna et Jeanne.JPG1909-1997

     

    Je la revois sur la chaise devant sa maison, si calme, paisible doyenne, détentrice de tous les secrets.

    Depuis mon enfance je la regardais sans tout comprendre, mais je ressentais tellement…

     

    Aller à Hotviller, c’était comme remonter le temps, pas seulement parce que nous rejoignions une partie de la Moselle à la ruralité exacerbée, mais aussi parce que nous remontions le temps, nous remontions à l’arbre généalogique. J’ai une image sombre de cette maison familiale, construite par mon arrière grand-père, maçon-agriculteur, parce que nous étions nombreux autour de la table, parce que les maisons d’autrefois étaient profondes, aux murs épais, aux murmures lancinants, aux ouvertures comptées, forteresses tribales. Image sombre mais chaleureuse, brûlante à mon souvenir, une idée de la veille médiévale, tous assemblés, réunions autour d’un feu qui portait son prénom : Anna.

     

    Nous n’avons jamais parlé en adultes ensemble, encore moins en femmes.

    Je le regrette mais je peux puiser dans ses silences passés les conseils pour aujourd’hui avancer.

     

    lotanna.JPGElle ne parlait pas beaucoup, comme les vieux, son corps existait dans un monde qui lui était devenu étranger, son cœur et ses tripes étaient restés en arrière, elle avait fait assez de guerres pour vivre et renoncer à la lutte de l’existence.

     

    La semaine dernière, alors que ma voiture passait devant une porte fortifiée de Metz, j’ai manqué d’air.

    J’ai repensé à elle, sous ce soleil insolent d’automne.

    A elle et son amour pour Joseph.

     

    Joseph ayant nourri un aviateur anglais tombé dans son champ en 1944, a échappé de peu à la déportation pour assistance à ennemi en temps de guerre par le régime nazi.

    queuleu porte.JPGLa paix signée, les Français l’enfermèrent à Queuleu pour avoir livré ce même aviateur aux Allemands, crime dont il fut blanchi après quatre mois d’enferment.

    Quatre mois d’incertitude pour Anna et ses deux filles.

     

    Elle a écrit ce poème :

    Gedanken an einen Zivilgefangenen    

     Pensées à un prisonnier civil 

     

    Hinter Queuleu’s hohen Mauern 

    Dans les haut murs de Fort Queuleu

    Sitzt mein Gatte lieb und traut,

    Mon cher et pauvre époux gémit

    Schlafet dort auf kaltem Boden 

    La terre est froide au malheureux

    Von Heimatglück und Lieb’ beraubt.

    Sans sa famille et sa fratrie.

    Und die Wächter, fast Halunken,

    Et les gardiens, presque bandits

    Die die Arbeit nicht erdacht,

    Qui n’ont jamais vu de travail

    Suchen noch das wegzuschmuggeln

    Veulent encor voler, la nuit

    Das dem Liebsten man hin’bracht.

    Ce qu’on lui porte en victuailles. 

    Meiner Kinder Hände heben

    Les mains levées vers toi Seigneur,

    Tag und Nacht sich zum Gebet,

    Entends mes deux petits enfants

    Wie es wohl dem guten Vater

    Les yeux voilés, séchant leurs pleurs,

    Dort im Fort von Queuleu geht.     

    Te priant pour leur père absent. 

    Lieber Gott im Himmel droben

    Vois l’inquiétude et nos chagrins

    Sieh das Elend, sieh die Not,

    Et nous redonne, ô bon Pasteur,

    Schenk’mir meinen Gatten wieder 

    Aux enfants leur feu et leur pain

    Meiner Kinder Herd und Brot.       

    A moi la moitié de mon coeur.

    Queuleucellules.jpgCelle que nous appelions tendrement Oma nous cachait ses peurs, ne nous a jamais parlé du deuil de ses rêves, mais nous ressentions.

    Je ressentais.

     

    Parfois tout cela remonte, en marchant dans des rues ensoleillées, on peut parfois se souvenir des ombres. C’est peut-être pour cela que je regarde toujours au sol. L’ombre des hommes, leur totale dimension, le vu et le tu.

     

    Penser à cela ne me ralentit pas, et si des larmes coulent elles libèrent, l’air à mes poumons est aussi douloureux qu’au premier jour, celui du cri au sortir de ma mère, mais je me sens si bien, si heureuse d’être, simplement.

    Trop émue un instant sans doute par tous ces vécus qui m’ont menée où je suis.

    Tout cela me rend si forte…

     

     

  • les apparts de filles seules

    psuché.JPGune pensée tendre à mon amie Hélène... et à toutes les autres.

    Les filles seules
    Elles rêvent pourtant d'aventures et de voyages
    De promenades sans chaussures le long d'une plage

    http://www.lynda-lemay.net/albums/1998/5.html

     

    Je ne sais pas pourquoi, finalement j’en connais plein…

    Le Premier Homme disait « on est toujours tout seul », la vie m’a montré que certains le sont plus que d’autres.

    Certaines aussi…

    Parfois on se demande s’il faut croire au dicton, comme on accepte un lot de consolation : que vaut-il mieux, être seule ou mâle accompagnée ?

     

    Les filles seules ont attendu trop longtemps à un abribus non desservi.

    Les filles seules le sont justement car elles sont trop.

    Trop belles.

    Trop intelligentes.

    Trop indépendantes.

     

     zebre.JPGDans les apparts des filles seules, y’a des dentelles, des psychés, des armoires de grand-mère, des petits mouchoirs dans les armoires.

     

    Dans les apparts de filles seules, il y a des doudous sous la couette, et plusieurs oreillers, pour mieux rêver.

     

    Dans les apparts de filles seules, il y a des amis de peluche, plus fidèles que des amants de paille, des nounours, pas des ours.

    étagère.JPGLes filles seules, elles laissent toujours leur soutien-gorge « push up » à vue…

     

    Il y a aussi ce chat qu’on ne voit pas, dont on entend juste parler,  un chat craintif, un chat blessé qui reste sous le lit planqué, une bête qui ne se montre qu’à sa belle.

     

    Tout est rangé dans des boites gigognes car on sait que la cigogne ne passera plus.

    Dans les apparts des filles seules il y a surtout ce qu’on ne sait pas bien où ranger, ce qu‘on aimerait ne pas voir mais qui prend tant de place : le regard des autres.

    Le regard des hommes… qui admirent, fantasment et finalement intimidés, envoutés ou inquiets renoncent à oser.

    Le regard des femmes… qui décryptent ou jalousent,  les observent comme des bêtes curieuses…

    Le regard du monde qui leur colle des étiquettes.

     

    Les filles seules, elles ne veulent pas forcément changer,

    elles aimeraient juste un peu plus souvent être,

    sans être « fille seule ».

     

     

  • cris sans t'aime

     De chrysanthèmes en chrysanthèmes
    La mort potence nos dulcinées

    norvège 2.JPG (Jacques Brel, j'arrive )

     

    La Toussaint, c’est pire que la Saint Valentin.

    J’ai vu toutes ces fleurs en pots, alignées, qui attendaient près de la caisse enregistreuse.

    Est-ce que l’on fait l’addition des bonnes intentions chez Leclerc ?

    Est-ce qu’on s’achète une bonne conscience avec une carte de fidélité ?

    Ça m’a fait gerber.

    Et je t’ai fait promettre de ne jamais m’en déposer…

    de gerbe…

    sur ma tombe.

     

    Déjà les tombes, les messes, les enterrements, je te l’ai dit, c’est pour les vivants.

    Rien à foutre du pin ou de l’ébène, des poignées dorées ou poignées d’argent, j'aimais tes poignées d'amour, alors pourquoi pas les cendres…  Je n’ai aucune certitude sur la mort, à part qu’elle arrivera et que la mienne te fera plus de mal qu’à moi. Alors urne ronde ou grès des Vosges, fais comme tu veux….

     

    Je n’ai qu’une demande, qu’un ordre : ne viens pas à la Toussaint.

     

    Ils sont tous là, avec leurs pots, avec leur peine, il y a des embouteillages devant le cimetière d’ordinaire désert.

    Si tu veux retrouver ce qu’il reste de moi, ferme les yeux et repasse nos souvenirs en boucle, si tu veux me retrouver rêve de ma bouche et de mes bras.

    Les fleurs je ne les aimais pas déjà de mon vivant, parce que je n’ai jamais compris quelle joie il y avait à recevoir la mort en bouquet, roses sacrifiées sur l’autel d’un romantisme de carton pâte.

    Alors tu penses… sur ma tombe !!!

    caillou tombe.jpgSi tu voulais revenir, là où tu m’auras laissé dormir, dépose une pierre,

    un baiser,

    un bout de bois,

    un bout de toi,

    ou même un bonbon,

    « parce que les fleurs, c’est périssable » !

    Si tu viens, je veux que cela soit par envie, par besoin mais jamais par devoir, fut-il conjugal.

    Conjugue plutôt, au temps où tu seras…

    Je vis.

    C’est moi qui ai vécu.

    C’est moi qui l’ai connue.

    Je vis….

     

  • au bord de moi

    CIMG2867 b.JPG

    Border line

    Border life

    Border wife

    Border l’homme

    Border love

    Border flamme

    Border l’âme

    Border larmes

    Border Jeanne

     

  • Sarah et les autres...

    "Elle s’appelait Sarah, elle n’avait pas huit ans, sa vie c’était douceur, rêves et nuages blancs, mais d’autres gens en avaient décidé autrement…"



    Sarah-1942-06.jpgJe sais ce que vous allez dire : faut que j’arrête d’aller voir des films comme ça, où les Juifs sont déportés, où les noirs sont torturés... Je sais, on ne se refait pas …

    Je suis allée voir « Elle s’appelait Sarah », au cinéma.

    C'était très bien, très beau aussi, juste assez pour qu’on n’aie pas besoin de se dire que le réalisateur a voulu « faire beau ».
    A côté de moi, un homme a pleuré.
    Moi, je suis sortie de là, comme souvent, pas indemne, mais pleine de vie, de confiance en demain, si on peut en avoir.
    Bon, d’accord, il y a le Vel d’Hiv, simplement insoutenable, mais malheureusement dans l’horreur rien de nouveau, La Rafle avait déjà bien insisté (bonjour à Jean Reno s'il me lit).
    Mais si ce film est intéressant c’est qu’il nous pose au XXIème siècle, donc un siècle plus tard, si loin déjà, de l’autre côté d’un certain oubli, des événements qui deviennent faits historiques et de moins en moins faits vécus.
    Et aujourd’hui, on fait quoi de cet encombrant passé ?
    Ce film pose de très bonnes questions. Et comme les questions sont bonnes, il ne donne aucune réponse et nous laisse quitter la salle avec un paquet d’énergie pour que chaque spectateur vive.

    Elle-s-appelait-Sarah%20(2).jpgComment partager un passé douloureux ?
    Suffit-il de taire pour dépasser la douleur ?
    Ne pas dire, est-ce oublier ?
    Doit-on fermer les yeux sur le passé pour vivre au présent ?
    Peut-on vivre normalement auprès de fantômes et de cadavres sous prétexte qu’ils nous sont étrangers ?
    Ne rien dire est-ce protéger ?
    Peut-on se construire sur des bases fausses ?
    Doit-on nier ce que l’on est pour survivre ?
    Quand peut-on être soi ?
    Doit-on mentir aux siens pour les laisser devenir eux ?

    Ce film, il pose subtilement une question que personne n’a réglé, quelque soit le pays, quelque soit l’époque : on fait comment pour vivre au présent avec notre passé et on fait comment pour devenir ?

    .

  • Petite fille

    "Petite fille de novembre
    Si blanche dans la nuit de cendre.."
    (JJG)

    Buenos aires petite fille.JPGPetite fille de Buenos Aires

    Que vois-tu ainsi, le nez en l'air ?

    Me vois-tu Boucle d'Or toi aussi ?

    Que vois-tu derrière la grande dame blanche que je suis ?

  • Entends-tu ?

    Que fait Jeanne en ce moment ?
    Elle lit ?
    Elle dort ?
    Elle lit son corps en braille ?
    Elle se sert du lait dans la cuisine, les pieds nus sur le sol froid ?

    Comment sont les sols chez toi ?

    Ici il a plu, l'électricité est revenue, les motos motardent et les moineaux pépient.
    Les bananiers ploient lentement.
    Des bruits : marteaux, autos, soudures, appels.

    Mais Jeanne ?
    Que fait Jeanne en ce moment ?

    Jeanne dort.
    Jeanne dîne.
    J'adore, jardine, j'attends ?

    Jeanne panse pense pense en corps.

    Jeanne entend-elle ces coups d'agrafeuse qui scandent les gloussements des poules et toujours le bruit de ces véhicules qui ne cesse ?

    Non. Elle dort.
    Tout à l'heure elle rêvait. Mais là non. Là elle dort.

    Jeanne n'a pas besoin de rêver.
    De rêver qu'elle dîne. De rêver qu'elle vole. De rêver qu'elle aime. De rêver qu'elle écoute chanter les agrafeuses, là-bas, qui se mêlent au cri du coq.
    De rêver qu'elle prend sa faucille et s'en va couper des joncs. Jeanne tond. Jeanne-t-on ? Jamais assez dit-on ?
    De rêver qu'elle prend sa faux, cille, Jeanne donc ne rêve pas. Laisse la faucille et puis s'en va. S'en fout des champs et du chant là. De l'agrafeuse.
    Jeanne tond le réel, fait des tas, puis s'en va.
    Ailleurs.

    Mais Jeanne rêve tout de même ?
    Oui, parfois.
    Pas là.
    Là Jeanne dort.
    Foutez-lui la paix, puisqu'on vous dit qu'elle dort !

    Jeanne ?

    « Vous entendez bien que vous n'entendez rien !
    - Ça ?
    - C'est son souffle.
    - Ça ?
    - C'est sa peau.
    - Ça ?
    - C'est un bateau qui file grand largue, vent de 5 Beauforts, grand-voile toute bordée, génois gonflé, spi tendu sous deux bras, allons ! »

    Jeanne sous spi.
    Spi naked.
    Jeanne nue à la barre assure grave aux empannages.
    Songez-y.
    Pas elle. Qui songe pas. Qui dort.

    Jeanne, que fais-tu en ce moment ?

    «Je ne veux pas vous le dire, garnements. Prenez vos larmes et vos jouets, chut, et refermez bien le ciel en partant ; moi, je sors un instant.»

    Jeanne.

    ( texte publié avec l'autorisation de l'auteur )

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    Je pleure à chaque fois que je lis ce texte.

    Un mail espéré et inattendu, du bout du monde, un jour ou une nuit, nous n’étions plus à la même heure.

    Mais l’avons nous été un jour ?

    Un mail qui ne dit rien, un mail qui dit tout.

    Ce qu’il a vu en moi, ce qu’il a perçu et tout ce qu’il a si bien compris.

    Je ne l’ai jamais vu, je ne lui ai jamais touché la main…

    smile.JPGJe crois qu’il n’existe pas…

    Mais d’où me viennent ces mots qui trahissent ce que je suis si fidèlement ?

    Du ciel, après un orage cette nuit ?

    Du hell ?

    Duel en elle. 

    Oui, je dors…

    Mais ce sourire, il est pour toi.

    J’avance, suivant la marche lente des glaciers.  

    J'avance car je sais en mon cœur, « c’est moi qui ai vécu ».

     

     

    "Jeanne tond le réel, fait des tas, puis s'en va.
    Ailleurs."

     

     

      

  • à l'époque...

    Un samedi soir sur la terre.

    Un samedi soir à Folschviller.

    Revenir en arrière

    Quinze, vingt, vingt-cinq ans…

    Tant ?

     

    Mon frère bébé, ma sœur enfant, à la maison avec maman, un père qui s’investit dans l’associatif, et moi « la grande » qui le suis.

    Comme son ombre.

    Moi, sa fierté, sa fille, sa complice, presque son fils…

     

    Je suis retournée, 20 ans après, au gymnase.

    Il s’est refait une beauté, agrandit, modernisé.

    J’y suis retournée, avec mon père, tempes argentées.

    Juste pour qu’un ancien joueur, poivre et sel – ça doit être la mode – me reconnaisse et s’exclame :

    « - ha… le père et la fille…

    -          -    Ha ? tu la reconnais encore ?

    -          -   Bien, sûr… elle n’a pas changée… »

     

    hand action.JPGJe me suis assise à côté de lui, mon père.

    Match tendu,  Nationale I oblige, à ce niveau on joue au handball mais ça n’a rien d’un jeu : défendre, attaquer, marquer, le sportif est un guerrier. On prendra du plaisir une autre fois…

    Cette tension, les cris sourds, le son de la balle qui claque à deux mètres de moi, stoppée par des mains gluantes, des gouttes de transpiration, des hommes.

    Des hommes…

     

    Je vois cela aujourd’hui, adulte.

    Et dans ce brouhaha, sous les projecteurs puissants, entre deux coups de sifflet stridents, je remonte le temps.

     

    Mes années collège, mes années lycée, c’était le samedi au gymnase.

    Regarder l’équipe. Supporter, à domicile. Et puisque papa y allait, je pouvais aussi suivre les déplacements, en bus, en train, départ parfois le matin. France parcourue, campagne et banlieues, de Paris, de Lyon, Joinville le pont, Joinville sans pont. Les restos, les gueules de bois, les coups de gueule, j’étais bien, innocente, jeune, si jeune... Les vestiaires, les blagues un peu vulgaires, les caleçons qui volent, les hommes. Sur un coin de table, un ingénieur en short vert  m’aide à percer le mystère de mes devoirs de mathématiques, première S.

     

    hand regard vers.JPG 

    Ado, je ne trainais pas les rues,

    ado, je ne trainais pas les boites, la nuit,

    ado, je suivais une équipe de handballeurs…

     

     

    Assise à côté de mon père, dans ce gymnase sans rides, je vois tout ce qui a changé : l’esprit, les règles même, le public.

    Je ne me sens pas vieille, il m’a reconnue dès le début « Spoogy »…

     

    J’ai une place dans ce gymnase.

    Et ce gymnase a une place en moi…

     

    hand sol.JPGTrois coups de sifflet.

    Fin du match.

    Retour en 2010.

    Je quitte le bal du hand.

    Heureuse de ce bain dans ce qui fait ce que je suis.

    « C’est moi qui ai vécu ».