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jeanneovertheworld - Page 4

  • contrecoup

     

    Coup de poignard dans le dos

    La mort tente une nouvelle approche

    La salope n’a pas le courage de me le dire en face

    Elle attaque par l’arrière

    Pensant que je la laisserais fairedos.jpg

    Pas vue pas combattue

    Par derrière, niquée, enculée...

     

    Sa faux m’entaille le dos

    Me met à genoux

    Me fait plier

    Me fait pleurer

     

    La mort frappe à ma porte

    Frappe encore

    Je ne lui ouvre pas

    Sutures, double nœud

    Casse-toi !

     

    Je suis roseau

    «Je plie et ne romps pas »

    J’esquive, je me couche, je suis à terre

    Mais je relève la tête

    Fatiguée, décoiffée mais en vie.

    Je suis lasse…

                                JE SUIS LÀ !!!

     

     

    .

  • sur le coup

    Quand tu veux pleurer et que tu n’as pas vraiment de larmes,

    Quand ta gorge est serrée et que tu as mal à reprendre ton souffle.

     

    Quand le dermatologue veut impérativement te voir avant de partir en vacances, tu te doutes bien que c’est pas pour te faire choisir ses maillots de bain…

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    «  C’est un mélanome. »

    Il a juste oublié de dire « encore ».

     

    Jeudi dernier, je me souviens bien avoir pensé, en descendant les escaliers du collège après ma journée de travail «  je suis bien, tout peut s’arrêter ».

    J’ai des projets, j’espère les réaliser et pourtant…

     

    Tout peut s’arrêter, ça veut dire « je n’ai rien à regretter ».

     

    Mais là, sur le coup, une heure après, le réel dans la gueule, j’ai mal.

    Je n’ai pas peur de mourir, d’ailleurs ce deuxième mélanome est minuscule, cent fois plus petit que celui auquel j’ai déjà survécu.

    Merde, j’ai dit deuxième et pas second, je me fais déjà une raison...

    Je n’ai pas peur mais je suis fatiguée, je sais ce qui m’attend.

    Chirurgie pour tenter de tout enlever. Examens, vérifications, examens…

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    Je suis prête à mourir, mais putain que c’est bon de vivre !

     

    Demain j’aurais moins mal, j’aurais sans doute repris mon souffle, je retournerai travailler.

    Je sais bien que je suis en marge du monde.

    Tous les petits énervements de votre quotidien me sont tellement dérisoires.

    Aux yeux de mes collègues je passe pour une sage, une philosophe qui sait relativiser et positiver.

    C’est juste que je suis ailleurs, dans une autre dimension, celle de ceux qui sont déjà morts.

     

    Qu’est-ce qui a vraiment de l’importance ?

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    Les moments partagés.

    Ces instants uniques.

    Mon vécu avec toi.

  • Super Jaimie, c'est moi !

     

    De la télévision de mon enfance restent de nombreux souvenirs de dessins animés, j’ai grandi le mercredi après-midi avec Dorothée.

    Le reste de la semaine on regardait peu la télé, à part le dimanche où le repas se prenait dans la salle à manger devant l’écran alors que le reste des repas se déroulaient dans la cuisine, avec la radio.

    J’étais encore de ces enfants qui vont jouer dehors, qui partent des heures dans les rues avec leurs copains sans que les parents sachent où ils sont, sans que les parents s’inquiètent.

     

    J’ai eu cependant le droit de regarder une fois par semaine ma série à moi, le mardi soir, parce que le mercredi il n’y avait pas école, j’avais le droit de veiller un peu.

    Le mardi soir passait Super Jaimie.bionic woman.jpg

    Pendant féminin de l’Homme qui valait 3 milliards, je me passionne pour cette femme, elle va devenir mon image féminine de référence.

     

    Super Jaimie, c’est moi.

     

    Officiellement, elle est une prof.

    Elle a un accident, elle a survécu.

    Elle travaille en secret pour le gouvernement. Elle a une vie que personne ne soupçonne, à chaque fois, elle endosse une autre identité pour les besoins de l’enquête, infiltrée.

     

    Je n’ai que de vagues souvenirs des histoires des différents épisodes, je ne ferai donc pas ici la sociologie de la série, juste ce que ma mémoire a retenu.

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    À bien y réfléchir, grandir avec Super Jaimie pour une fille, c’est intéressant.

    À part une romance récurrente avec Steve Austin, l’homme qui valait trois milliards, c’est une femme indépendante, une héroïne active, qui sauve des vies.

    C’est une femme intrinsèquement très belle mais qui ne joue pas sur la sexualité ou la sensualité pour exister. Elle n’est d’ailleurs pas très bien habillée, elle est tout le temps en train de courir ( donc en pantalon ) ou de s’entraîner en survêtement… c’est elle qui porte la culotte.

    D’ailleurs être une femme ne change rien, elle mène les mêmes enquêtes, elle ne passe pas l’aspirateur et n’a pas de gosses.

     

    Super Jaimie, c’est moi.

     

    Je suivais tellement cette série, enfant, que mon oncle m’avait surnommée « BIONIQUE ». Encore aujourd’hui il m’appelle ainsi, et j’en suis fière.

     

    En repensant à cette anecdote, je cherche sur le net et tombe sur cette photo…

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    Super Jaimie, c’est moi !

    C’est évident !

     

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    Tiens...

    Je regarde cette autre photo et je me dis…

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    Vous ne trouvez pas que Lee Majors à l’époque de la série ressemble à Bruno Masure ?

    Mais ça, c’est une autre histoire...

  • Raconte-toi

    Qui est ce type qui passe à la télé et s’éclate à tout dézinguer ?

    Pourquoi répond-il à cette fille qui lui demande des conseils pour des études de journaliste ? Combien reçoit-il de lettres ? Il est qui lui, est-il journaliste ?

    Qui est ce type qui propose à cette fille d’inventer des histoires, de jouer, de se jouer, c’est quoi cette complicité qui naît ?

    Qui est ce type qui lui propose de coucher, sans se parler, sans se voir ?

    Qui est ce type qui lui demande ensuite de coucher les mots ?

    Qui est ce type qui fut son premier ?

    C’est quoi cette relation sans quotidien dans le noir de chambres anonymes, à la marge du monde ?

    C’est quoi cette histoire qui somnole et reprend son souffle par à-coups comme pour repousser l’amor ?

    Qui est ce type qui fait sa vie, puis qui la cherche ?

    C’est qui ce type qui revient taper à sa porte, caché derrière un crabe, qui l’accompagne, qui lui tend la main sans jamais la prendre ?

    BH6.jpgPourquoi s’efface-t-il sans qu’elle ne puisse l’oublier ?

    C’est qui ce type qui veut refaire le chemin, qui veut parfaire les gestes, encore une fois ?

    C’est qui ce type qui ne donne rien mais s’inquiète, s’informe ?

    Pourquoi la vouloir en corps ? Pourquoi l’allécher ? Pourquoi la lécher ?

    Viendra-t-il la sauver, l’assommer, la sommer, la tuer ?

     

    Raconte-toi !

     

    Tableau : Philippe Ketterlin

     

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=lL2UY1CcJuE&feature=emb_logo

     

     

     



  • la semaine des quatre jeudis

    jeanne.jpgLe confinement m'a replongée dans mes archives.

    Je vous soumets ce texte érotique qui est un de mes préférés.

    Tous droits réservés.

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  • Nullipare

    Nullipare

    du latin

    nul, égal à zéro

    parere, engendrer, accoucher


    J’aime toujours les mots.

    Celui-là, pourtant si simple et précis, est peu utilisé.

    On entend parfois primipare... multipare ?

    Cela reste un terme médical, bien froid et cartésien.

    Et l’animal n’est pas loin. Ovipare ?

     

    Nul, égal à zéro. Clair, net, simple.

    Si simple ?

    Comme un jugement de valeur, une désapprobation.

    Moi qui fait toujours ( un peu sadiquement j’avoue ) le distinguo avec mes élèves «  ton travail, ton attitude est nulle, ça ne veut pas dure que tu es nul », je sais bien que la généralisation est vite faite.

    La femme qui n’a pas accouché n’est pas perçue comme complète, pas considérée comme normale.

    Tu es nulle, tu n’es pas capable.

    Tu es inutile aussi, creuset du vivant, si ton ventre reste mort, à quoi sers-tu ?

    Si on n’a pas vécu cette aventure, on ne peut pas être une femme accomplie. Certains vont jusqu’à dire qu’on n’est pas vraiment femme…

    Les couples sans enfants sont parfois stigmatisés et subissent une pression de leur famille, de toute la société, on regarde, on suppute, on accuse. En cas d’infertilité, on formulera «  madame ne peut avoir d’enfant » alors que parfois c’est de la faute à monsieur.

    Et est-ce une faute ?

    Juste un fait.

     


    Je n’ai conscience d’aucun traumatisme d’enfance.

    Aucune excuse pour justifier une déviance, rien que de la norme.

    Est-ce cela qui provoque le hors-norme ?

     


    Non, à vrai dire, j’ai voulu un enfant, je n’en ai pas eu.

    J’ai du faire mon deuil.

    Un deuil, ce n’est pas l’oubli de l’être aimé.v kid.PNG

    On peut faire le deuil de ce qui n’a pas existé, car, en pensée, cet enfant vivait.

    On doit faire le deuil aussi de la parentalité, de tous ces moments décrits comme uniques, magiques : les premiers pas, les premiers mots « maman », « papa » prononcés maladroitement.

    J’aurais voulu qu’il ait tes yeux, j’aurais aimé chercher dans les les traits de son visage les héritages de mes aïeux, j’aurais tant voulu voir ce qu’aurait donné le mélange de nous.

    J’ai du enfin faire le deuil de moi-même. La maternité étant le prolongement de soi, la perpétuation à travers un autre, avoir une descendance.

    Enfanter, c’est refuser ou repousser sa propre finitude.

    Je sais que je suis mortelle.

    Je sais que je ne suis rien.

    Adios gringo.

     


    Ce n’est pas mon choix.

    Mais je ne suis pas triste. C’est juste un fait.

    Je suis même heureuse de ne pas être assignée, résumée au rôle de mère.

    La maternité, forcement heureuse, permet au sexe féminin de se réaliser, d’accomplir ce pour quoi il est fait. A ce qu’il paraît...

    Mais quelle horreur...

    En fait, je ne suis pas militante, pas révoltée, mais je suis contente si ma nulliparité dérange.

    À ceux qui s’interrogent, je fournis un miroir de conformisme, et leur balance leur incapacité à voir le monde autrement.

    Les femmes ont un utérus, elle sont faite pour engendrer, la nature les a destinées à cela.

    Ne pas enfanter serait vouloir échapper à sa féminité ? A sa condition ou à son genre ?

    Cette idée ne me dérange pas. Je ne me suis jamais sentie femme, jamais sentie homme, juste un être vivant d’attributs féminins.

    La classification s’arrête là.

    La nulliparité, c’est une question qui me rendrait féministe ! La femme n’est pas qu’un moyen, pas qu’un utérus, le passage obligé pour la bite royale trop feignasse pour faire fructifier seule sa divine semence.

    Sois mère et tais-toi.

     


    Je respecte les désirs d’enfants, je les comprends.

    Je ne les considère ni comme conformisme, ni comme passivité devant la domination masculine.

    Je leur reproche juste de ne pas avoir pris le temps de se poser la question du pourquoi.

    Moi j’ai eu la possibilité de me le demander alors que je sais très bien que j’étais bien partie pour enfanter sans réfléchir, « comme tout le monde ».

     


    Mon ventre, je le regarde et il ne me dit rien.

    J’ai cherché à le remplir, c’est vrai.

    Par le bas. Encore et encore. Viens semer ta graine tout au fond, viens, bine encore.

    Par le haut aussi, boulimique de vie.

    Péché de chair ou amour de la bonne chair, le ventre s’arrondit mais reste vide.

     


    J’ai eu l’impression de rentrer en moi, de me faire bouffer par ce gouffre non comblé, de me recroqueviller, de mourir par le vide, comme aspirée à l’intérieur de mon corps sec, attirée par le néant, un trou noir.

     

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    Mon ventre, je le regarde encore aujourd’hui.

    Raccommodé, cicatrisé, détruit, reconstruit.

    Quiconque a déjà vu une laparotomie ne pourra plus enlever ces images de sa tête, un corps ouvert et toutes les viscères sorties, délicatement.

    C’est ce qu’on m’a fait.

    Le chirurgien a plongé ses mains en moi et n’a pas trouvé d’enfant, pas un petit être qui traîne, qui se cache. Il a bien regardé partout, enlever l’appendicite par prévention. Il a trouvé la métastase et il a du couper, nettoyer et raccorder les tuyaux, mes boyaux.

    Puis il a essayé de tout remettre en place et de refermer.

    Comme si de rien n’était, ni vu ni connu, rien conçu.

    Et quelques mois plus tard il a du recommencer, ré-inciser pour aller encore chercher la métastase planquée, isolée.

    En voyant mon ventre tout déformé, distendu, les vergetures, en voyant la cicatrice, bien que verticale, on pourrait se dire qu’un enfant est passé par là.

    Mais non.

     


    Mon ventre est mon histoire, toutes mes histoires.

     

     

     

     

     

     

  • Backstage

    Je suis une fille de coulisses.

     

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    D’aussi loin que je me souvienne, je regardais le monde, de loin.

    Enfant, on me posait sur le tapis et j’observais les grands.

    On finissait par m’oublier mais je ne manquais rien de ce spectacle fascinant.

    Grandissant, je restais dans un coin de la pièce, silencieuse, pendant que les adultes parlaient, échangeaient, refaisaient un monde que je ne connaissais pas encore.

    Seule enfant dans un univers de géants, on n’a que peu babillé avec moi, j’ai vite parlé, j’ai vite aimé les mots.

    Et en jouer.

    Timide, introvertie, oui, comme un volcan qui sommeille...

     

    Enfant j’allais à la messe. Je dois même dire qu’il a été des années où j’y allais seule. Un devoir au départ, une éducation imposée, certes.

    Et puis on m’a proposé d’y participer.

    Lire des textes, parfois écrire les prières universelles.

    Tout un monde s’est alors ouvert à moi : m’exprimer devant un micro, devant une foule, tenir un rôle, assurer le show.

    J’adorais aussi aller dans la sacristie, accès de privilégié.

    Accéder aux coulisses de cette mise en scène. Les objets sacrés banalisés, lavés, essuyés, rangés. Tous ces artifices repliés. Et le prêtre qui retire son aube pour redevenir homme ordinaire.

    L’envers du décor.

    Je n’ai pas trouvé Dieu.

    Que des hommes, imparfaits.

     

    Puis la télé couleur est arrivée.

    Je regardais ce spectacle merveilleux, ce monde à paillettes, où la vie semblait si facile, les gens si heureux.

    Ils utilisaient parfois des mots que je ne comprenais pas, ce devait être des gens importants… je me sentais moins intelligente, mais cela constituait un challenge.

    Et derrière c’est comment ?

    Alors j’ai écris aux gens de la télé.

    Certains ont répondu et m’ont laissé voir.

    De l’inattendu, de l’inédit, jamais ce que j’imaginais.

    Invitée en coulisse, je n’ai jamais assisté au 20 heures du type en charentaises mais j’ai vite appris qu’il y a des choses que l’on ne montre pas.

    Tout cela c’est du spectacle.

     

    Ancrée dans la bonne société, j’ai pu assister à des conférences de presse, m’incruster à quelques inaugurations très officielles, autant de mises en scène, de réorganisations du réel. Arrangement avec l’histoire. Intercepter des « off », boire de ces verres qui délient les langues, les mains et plus bas parfois…

     

    Aujourd’hui encore, quand je vais au concert, je reste une fille de coulisse.

     

    backstage.jpgJ’ai parfois la chance d’aller saluer les artistes, ou d’assister aux répétitions. L’homme est rarement le même que celui qui vient plus tard sur scène, maquillé, grimé, ayant endossé la rôle de lui-même.

    Souvenir de cette réalisatrice de documentaire sur Pierre Rabhi qui venta son expérience en conférence-débat, puis, devant son jambon à l’os n’a pas mis un verre de vin à dire à quel point cet homme l’avait déçu. Mais on ne crache pas sur ce qui nous fait vivre.

    Souvenir de Futoshi Sato, réalisateur japonais, vraiment désagréable en coulisse, adulé par les spectateurs en débat.

    Je le regarde sans le mépriser, je souris, détentrice d’une sorte de secret.

    L’impression, avec une vision de l’envers du décor, d’entrevoir un tout, de m’approcher d’une sorte de vérité plus vraie.

     

    J’ai été moi-même dans les coulisses, avant la représentation théâtrale, actrice amateure.

    Je crois que c’est ce que je préfère : les instants d’avant.
    On prépare, on tente de prévoir l’imprévisible, on envisage, on répète et on se lance.

    Encore une fois, même dans les coulisses, je suis spectatrice.

    De ces amis, de ces potes acteurs amateurs qui stressent, qui pleurent, qui entrent en eux, qui ont besoin de câlins.

    Des choses que le spectateur ne voit jamais, des petits riens si précieux qui font l’intérêt de l’humanité.

    Un peu plus de réel, au-delà des projecteurs.

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    Je crois que ce qui m’intéresse, c’est de voir l’envers des choses pour ensuite faire une synthèse être/paraître.

    Je crois que ce qui m’intéresse, c’est de voir l’envers des gens.

    J’aime les retrouver nus, débarrassés du social.

    Ceux qui n’ont plus besoin de jouer un rôle.

    J’aime trouver leur humanité à des moments d’intimité qui auraient justement autorisé l’expression de leur bestialité.

    Trouver les failles, les fragilités voire les faiblesses.

    Ces moments d’ivresse et de totale liberté, où l’on ouvre enfin les yeux, même dans le noir, constituent une autre prison, celle du secret.

    Parce que tout cela n’existe pas aux yeux du monde.

    Tout ce qui est tu, n’existe pas.

     

    Boulimique de réel, je me balade dans la rue avec ces secrets, mes vérités.

     

    Et toi, est-ce que tu me vois ?

    Est-ce que tu sais qui je suis ?

    Viens, dans mes coulisses

    Viens, coulisse...

     

     

     

    .

  • nos vies parallèles

    Les élèves sont souvent en quête de sens, comme les petits enfants en crise de pourquoi, les ados du collège, déjà désabusés, demandent plus facilement « à quoi ça sert ? », comme si tout dans la vie devait être utile, avoir une fonction propre, une rentabilité aussi. J’essaie de leur ouvrir les yeux au beau, que j’appelle art. Le beau est ce qui n’est pas nécessaire mais pourtant indispensable. Ce qui fait peut-être de nous des hommes.

    « À quoi ça sert ? », cette question me révolte car, enseignant l’histoire et la géographie, il est évident pour moi qu’une meilleure connaissance du passé et des conditions actuelles peut faire de nous des acteurs du monde et non de simples spectateurs. Bien sûr l’utilité de la matière est intangible. On parlera pour simplifier de culture générale même si cette culture est plus sociétale voire sociale. Qu’est-ce qui est en effet général sur cette Terre ?

    J’exhorte mes élèves de ne pas généraliser, tous les Chinois ne sont pas petits, tous les Étatusiens ne sont pas riches. Je ne concède qu’une universalité : nous allons tous mourir.

    Enfant, je me demandais aussi à quoi certains cours allaient pouvoir me servir.

    De mes cours de mathématiques subsistent quelques formules approximatives et une phrase «  deux droites parallèles ne se rencontrent jamais ». Cette phrase m’a servi à ne plus confondre latitude et longitude, visualisant parallèles solitaires et méridiens se joignant aux pôles.

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    Mon âme romantique peste, mon âme romanesque tique.

    Ne jamais dire jamais...

    Que dire de nos âmes, de nos vies ? Parallèles. Toi dans ton monde, moi dans le mien.

    La vie n’est pas un long fleuve tranquille, si nous devions la dessiner par une ligne, ce ne serait pas une droite mais un tracé fait de méandres, de cascades, de zones tumultueuses et de parties plus calmes. Jusqu’à la fin, l’embouchure sur l’océan du néant.

    Deux vies parallèles ne se rencontrent jamais…

    Je révise mes théorèmes, relis les règles, refais les calculs, refusant ce déterminisme.

    Les choses ne sont pas toujours ce que l’on croit, ne sont pas pas seulement ce que l’on voit.

    Il suffit de sortir de la vision euclidienne pour se dire qu’une ligne est un cercle de rayon infini.

    Nos vies parallèles ne se rencontrent jamais.

    Je ne maîtrise pas suffisamment les mathématiques, surtout la géométrie dans l’espace, pour expliquer comment des parallèles peuvent se croiser. Cela arrive pourtant dans une dimension particulière, dans des espaces hors du temps et du monde.

    Puisque ce qui est parallèle ne se rencontre officiellement pas, ces rencontres n’existent que pour ceux qui les vivent. Libérés du regard de la société, ces lieux donnent un accès à un moi inexploré, permettent de s’ouvrir, de se découvrir.

    Et de se dire … « c’est moi qui ai vécu » !

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  • mots contre maux

    Les mots passés ne sont pas perdus pour tout le monde.

     

    On oublie beaucoup de choses, des détails, la mémoire déforme le réel, on recrée sa vérité.

    Communiquer est hasardeux, discuter périlleux.

    Je me souviens des phrases idiotes que j’ai pu prononcer «  non, c’est vrai ? » quand un ami m’annonça la mort de sa fiancée, comme si on pouvait s’amuser à inventer un accident de voiture…

    Je me souviens de tout ce que je n’ai pas dit, de ce silence entre nous, jardin des Tuileries.

    Pourtant communiquer est nécessaire.

    Qui ne peut pas ne pas être.

    La triste histoire de Vincent Lambert a eu le mérite de bousculer les consciences des vivants, de les interroger sur la mort, ou la définition même d’exister.

    Voilà la limite que j’ai fixée : si je ne peux plus communiquer, débranchez-moi.

    Même clouée dans un lit, si je peux encore, en clignant de l’œil te dire que je t’aime, la vie vaut d’être vécue. Peut-être pas longtemps, mais si je peux communiquer je peux décider.

     

    La Vie c’est le Partage

     

    Je parviens donc, maladroitement, à exprimer mon attachement aux gens, à m’inquiéter pour eux, à les encourager, à partager des moments et des bons sentiments. Les mauvais, eux, ne servent à rien même si la colère est salutaire.

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    Deux personnes m’ont récemment avoué avoir été marquées par mes mots, au point de modifier leurs vies en guidant leurs décisions.

    Pas les mots écrits pour faire joli.

    Des mots prononcés, nus, dans des discussions de Grands.

     

    «  Veille à ne pas avoir de regret »

    Elle fait tellement cliché cette phrase, et pourtant qui ose agir dans cet esprit d’absolu ?

    Quand on aime quelqu’un à qui on voudrait hurler «  reste », il faut savoir dire « tu peux partir ».
    Il faut savoir être égoïste, savoir être soi, pour être ensuite avec les autres. Alors ne regrette pas… Laissons faire la Vie.

     

    « Je ne toucherai probablement jamais ma retraite, alors je profite maintenant »

    La secrétaire du collège a de gros soucis de santé, nous discutons souvent. Il n’y a pas de hiérarchie dans la douleur ou la maladie, mais elle est aussi pessimiste que je suis positive.

    Il est possible que je meure avant de toucher ma retraite. C’est d’ailleurs le cas de milliers d’accidentés par an, sans parler forcément de cancer.

    Elle m’a répété cette phrase, comme un retour de gifle, parce que cela devenait de plus en plus réel, pour elle. Mais je crois que cela l’ai aidée à accepter l’inacceptable. Il faut avouer ses faiblesses, ouvrir les yeux sur nos blessures mais surtout avancer et prendre tout ce que la Vie donne, avidement.

     

    Les deux phrases sont les mêmes.

    Ce ne sont pas mes mots qui ont touchés les gens mais juste la lumière et le soutien que j’y ai mis.

    « Carpe diem quam minimum credula postero », ce n’est pas nouveau, mais qui réfléchit vraiment à ce que cela veut dire ?

    Qui agit en conséquence ?

    Qui ose ?

     

    Vivre aussi intensément que possible car je peux mourir demain, c’est fatigant !

    Je me contente de vivre en paix avec moi-même, je savoure de petites choses. Mon frigo est rempli, j’ai un toit, mes désirs et mes dépenses sont assez raisonnables pour me permettre de ne pas compter, j’appelle cela le luxe.

     

    Et je t’aime.

    Infiniment.

  • L'Inévitable

     

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    Et les douleurs reviennent…

    Et les analyses deviennent suspectes…

    Alors on reprend l’enquête, la quête aux métastases.

    Putain de cancer qui s’affranchit des marqueurs, qui renie la chimiothérapie.

    Rien d’autre à faire que d’attendre que cela dégénère.

    Et re-dégénère.

    Combien de fois cela va-t-il recommencer ?

    Combien de fois vais-je renaître ?

    Seule certitude : on ne meurt qu’une fois.

     

    J’avais l’impression de m’être bien préparée.

    D’avoir tant dit, tant fait.

    Mais on s’habitue à vivre.

     

    Rien d’original.

    Qui supporterait l’idée de souffrir ?

    J’ai rendez-vous avec la mort mais je ne veux pas de ces moments qui précèdent.

    Je ne veux pas de ce cœur qui devient fou la nuit, à l’autre bout de le planète.

    Je ne veux pas de cette tête qui tourne et de ces pieds qui s’emmêlent au Sud de l’Europe.

    Je ne veux pas de ces vertiges quand je suis devant les élèves.

    Je veux vivre sans que rien ne me rappelle sans cesse mon rendez-vous.

    Et j’aimerais aussi que la rencontre soit repoussée.

     

    Il faudrait que les autres se préparent.

    Car moi, je ne peux rien.

    Je ne serai pas là pour les aider.

    Je ne serai plus là.