Je suis allée visiter la cite de l’immigration. Je cherchais un musée, quelque chose d’un peu nouveau à visiter à Paris, j’ai suivi le conseil d’un ami.
Ce musée est situé Porte Dorée, ça serait amusant si ce n’était pas cynique.
Moi, je suis géographe, l’étude des flux et des hommes, on ne me la fait pas : les périodes, les modes, les besoins derrière l’humain et l’info manipulée par une cartographie aux couleurs bien choisies pour parler à l’inconscient de celui qui ne décode pas les légendes.
J’ai visité Elis Island.
C’est un peu pareil, rayon bonne conscience.
Et les mêmes expositions sur les monticules de valises, ça m’a rappelé Auschwitz, je n’ai pas pu m’empêcher la comparaison…
Les conditions de vie précaires, l’eldorado, l’intégration….
Le miracle du melting-pot…
The Star-Spangled Banner comme la Marseillaise, abreuvée de sang impur…
L’histoire c’est bien, la vie c’est maintenant.
On en est où avec l’immigration ?
Moi, je dis aux enfants que nous sommes tous fils d’immigrés, moi qui ne suis pas uniquement Border Line, qui suis une fille à la frontière. Et y’a toujours un pour dire que lui est un Vrai Français, y’en a toujours un pour exclure au lieu de s’interroger sur sa propre identité, y’en a toujours un pour faire des catégories, pour classer par couleur, par sonorités de prénom, toujours un musulman pour dire « les Juifs, ils… » et m’assurer qu’il en est ainsi, même s’ils n’en ont jamais rencontré un. Ils sont jeunes, je me dis qu’il y a encore de l’espoir, mais je sens bien que parfois ils répètent mon cours sans y croire, par automatisme. Moi-même, j’ai du mal à les imaginer libres plus tard. Quelle réalité de l’égalité vont-ils connaître dans leur vie, quelle est leur marge d’évolution hors des déterminismes sociaux ?
Pourquoi on a mis la Vie dans un musée ?
On trouve une étrange image de l’immigration dans ce musée.
Certaines expos sont très bien faites, scientifiquement irréprochables, des témoignages précieux aussi.
J’ai beaucoup aimé cette « sculpture » intitulée « la machine à rêve » de Kader Attia : un mannequin habillé en « hallal » devant un distributeur d’objets symboles d’intégration : préservatifs, rouge à lèvres, passeport, sous vêtements affriolants mais aussi chador. Conflit d’identité.
Que me dit ce musée, à part les expos ?
On a beau être à Paris, je n’ai jamais vu autant de « minorités visibles » employées, c’est même trop.
Mais ce que me dit le musée se trouve au rez-de-chaussée.
Je ne parle pas des manifestations devant la porte en faveur des sans papiers. Le rez-de chaussée est un asile pour demandeurs de droits. Des familles entières trainent par terre, beaucoup d’homme seuls aussi, presque tous africains. Ils jouent au baby foot pour tuer un temps qui ne leur apportera rien. Ils jouent à côté d’un panneau où est notée cette belle pensée « un voyageur pour être sans bagage n’a pas pour autant la tête vide »… Je leur souhaite de ne savoir lire le français, pour ne pas devenir amères.
Souffrances, sous-France
Au sous-sol de la cité de l’immigration un autre musée : un aquarium, pour nager encore plus en eaux troubles ? Se faire bouffer par les caïmans ?
Je sors de ce beau bâtiment art-déco sans réponses, pleine d’interrogations : sur moi, sur mon pays, sur le monde.
Juste avant de repasser le contrôle de sécurité, je le vois...
L’homme noir qui lit là-bas, assis.
Il s’est isolé des autres, ceux qui tapent le carreau ou la balle de baby.
Il n’est pas chez lui, il n’est pas en France, il est avec les mots qu’il ne quitte ni des yeux ni du doigt.
Il a trouvé la liberté.
Il lit.
Je le regarde un long moment.
J’ai très envie d’aller m’asseoir à côté de lui.
Envie d’humanité.
http://www.histoire-immigration.fr/