Et l’homme est arrivé...
Et l’homme a poussé la porte de cet univers de femmes.
Et plus rien n’a été comme avant.
Dix ans que je fréquente ce groupe de l’atelier « terre » ouvert à tous mais fréquenté en quasi exclusivité par des femmes, de 16 à 65 ans.
Quelques enfants, quelques papas poules, quelques artistes mâles, mais que de passage.
Et l’homme est arrivé.
Un vrai, grand et fin, les traits marqués, anguleux, poilu ce qu’il faut, jeune mais pas trop, carré, timide mais finalement pas tant que cela.
Un homme.
Pas un rigolo, pas un travelo, un homme, comme descendu d’une autre planète.
Et depuis qu’il est là, rien n’est plus comme avant.
Tous les mots que l’on employait, notre fausse innocence, tout cela devient provocation, allusion, jeu de séduction ou d’affirmation.
Elle n’est pas trop molle ?
Mouille un peu !
Toutes les formes oblongues deviennent phalliques, tout se connote de rose.
Depuis que l’homme est là, nous avons perdu notre innocence sans avoir risqué notre vertu.
Tous les outils deviennent accessoires et les conseils anatomiques pour l’ébauche d’une sculpture de nue deviennent débauches.
Nos petites manies, nos chansons « et tu tapes, tape, tapes, c’est ta façon d’aimer » deviennent odes au sadomasochisme ou à la luxure.
Chaque geste même.
Ce qui m’est le plus insupportable, ce qui me trouble le plus, c’est lorsqu‘il prend la batte à pleine main pour donner forme à son pain de terre, lorsqu’il frappe sur la glaise humide. Ce bruit, cette musique presque, un tapotis comme le clapotis des chairs intimes, et il frappe plus fort, et mon imagination s’envole…
Et je censure…
Et il est parti en regardant ma théière et en me demandant :
« vous avez la queue bien en main ? »
...