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  • Sarah et les autres...

    "Elle s’appelait Sarah, elle n’avait pas huit ans, sa vie c’était douceur, rêves et nuages blancs, mais d’autres gens en avaient décidé autrement…"



    Sarah-1942-06.jpgJe sais ce que vous allez dire : faut que j’arrête d’aller voir des films comme ça, où les Juifs sont déportés, où les noirs sont torturés... Je sais, on ne se refait pas …

    Je suis allée voir « Elle s’appelait Sarah », au cinéma.

    C'était très bien, très beau aussi, juste assez pour qu’on n’aie pas besoin de se dire que le réalisateur a voulu « faire beau ».
    A côté de moi, un homme a pleuré.
    Moi, je suis sortie de là, comme souvent, pas indemne, mais pleine de vie, de confiance en demain, si on peut en avoir.
    Bon, d’accord, il y a le Vel d’Hiv, simplement insoutenable, mais malheureusement dans l’horreur rien de nouveau, La Rafle avait déjà bien insisté (bonjour à Jean Reno s'il me lit).
    Mais si ce film est intéressant c’est qu’il nous pose au XXIème siècle, donc un siècle plus tard, si loin déjà, de l’autre côté d’un certain oubli, des événements qui deviennent faits historiques et de moins en moins faits vécus.
    Et aujourd’hui, on fait quoi de cet encombrant passé ?
    Ce film pose de très bonnes questions. Et comme les questions sont bonnes, il ne donne aucune réponse et nous laisse quitter la salle avec un paquet d’énergie pour que chaque spectateur vive.

    Elle-s-appelait-Sarah%20(2).jpgComment partager un passé douloureux ?
    Suffit-il de taire pour dépasser la douleur ?
    Ne pas dire, est-ce oublier ?
    Doit-on fermer les yeux sur le passé pour vivre au présent ?
    Peut-on vivre normalement auprès de fantômes et de cadavres sous prétexte qu’ils nous sont étrangers ?
    Ne rien dire est-ce protéger ?
    Peut-on se construire sur des bases fausses ?
    Doit-on nier ce que l’on est pour survivre ?
    Quand peut-on être soi ?
    Doit-on mentir aux siens pour les laisser devenir eux ?

    Ce film, il pose subtilement une question que personne n’a réglé, quelque soit le pays, quelque soit l’époque : on fait comment pour vivre au présent avec notre passé et on fait comment pour devenir ?

    .

  • Petite fille

    "Petite fille de novembre
    Si blanche dans la nuit de cendre.."
    (JJG)

    Buenos aires petite fille.JPGPetite fille de Buenos Aires

    Que vois-tu ainsi, le nez en l'air ?

    Me vois-tu Boucle d'Or toi aussi ?

    Que vois-tu derrière la grande dame blanche que je suis ?

  • Entends-tu ?

    Que fait Jeanne en ce moment ?
    Elle lit ?
    Elle dort ?
    Elle lit son corps en braille ?
    Elle se sert du lait dans la cuisine, les pieds nus sur le sol froid ?

    Comment sont les sols chez toi ?

    Ici il a plu, l'électricité est revenue, les motos motardent et les moineaux pépient.
    Les bananiers ploient lentement.
    Des bruits : marteaux, autos, soudures, appels.

    Mais Jeanne ?
    Que fait Jeanne en ce moment ?

    Jeanne dort.
    Jeanne dîne.
    J'adore, jardine, j'attends ?

    Jeanne panse pense pense en corps.

    Jeanne entend-elle ces coups d'agrafeuse qui scandent les gloussements des poules et toujours le bruit de ces véhicules qui ne cesse ?

    Non. Elle dort.
    Tout à l'heure elle rêvait. Mais là non. Là elle dort.

    Jeanne n'a pas besoin de rêver.
    De rêver qu'elle dîne. De rêver qu'elle vole. De rêver qu'elle aime. De rêver qu'elle écoute chanter les agrafeuses, là-bas, qui se mêlent au cri du coq.
    De rêver qu'elle prend sa faucille et s'en va couper des joncs. Jeanne tond. Jeanne-t-on ? Jamais assez dit-on ?
    De rêver qu'elle prend sa faux, cille, Jeanne donc ne rêve pas. Laisse la faucille et puis s'en va. S'en fout des champs et du chant là. De l'agrafeuse.
    Jeanne tond le réel, fait des tas, puis s'en va.
    Ailleurs.

    Mais Jeanne rêve tout de même ?
    Oui, parfois.
    Pas là.
    Là Jeanne dort.
    Foutez-lui la paix, puisqu'on vous dit qu'elle dort !

    Jeanne ?

    « Vous entendez bien que vous n'entendez rien !
    - Ça ?
    - C'est son souffle.
    - Ça ?
    - C'est sa peau.
    - Ça ?
    - C'est un bateau qui file grand largue, vent de 5 Beauforts, grand-voile toute bordée, génois gonflé, spi tendu sous deux bras, allons ! »

    Jeanne sous spi.
    Spi naked.
    Jeanne nue à la barre assure grave aux empannages.
    Songez-y.
    Pas elle. Qui songe pas. Qui dort.

    Jeanne, que fais-tu en ce moment ?

    «Je ne veux pas vous le dire, garnements. Prenez vos larmes et vos jouets, chut, et refermez bien le ciel en partant ; moi, je sors un instant.»

    Jeanne.

    ( texte publié avec l'autorisation de l'auteur )

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    Je pleure à chaque fois que je lis ce texte.

    Un mail espéré et inattendu, du bout du monde, un jour ou une nuit, nous n’étions plus à la même heure.

    Mais l’avons nous été un jour ?

    Un mail qui ne dit rien, un mail qui dit tout.

    Ce qu’il a vu en moi, ce qu’il a perçu et tout ce qu’il a si bien compris.

    Je ne l’ai jamais vu, je ne lui ai jamais touché la main…

    smile.JPGJe crois qu’il n’existe pas…

    Mais d’où me viennent ces mots qui trahissent ce que je suis si fidèlement ?

    Du ciel, après un orage cette nuit ?

    Du hell ?

    Duel en elle. 

    Oui, je dors…

    Mais ce sourire, il est pour toi.

    J’avance, suivant la marche lente des glaciers.  

    J'avance car je sais en mon cœur, « c’est moi qui ai vécu ».

     

     

    "Jeanne tond le réel, fait des tas, puis s'en va.
    Ailleurs."

     

     

      

  • à l'époque...

    Un samedi soir sur la terre.

    Un samedi soir à Folschviller.

    Revenir en arrière

    Quinze, vingt, vingt-cinq ans…

    Tant ?

     

    Mon frère bébé, ma sœur enfant, à la maison avec maman, un père qui s’investit dans l’associatif, et moi « la grande » qui le suis.

    Comme son ombre.

    Moi, sa fierté, sa fille, sa complice, presque son fils…

     

    Je suis retournée, 20 ans après, au gymnase.

    Il s’est refait une beauté, agrandit, modernisé.

    J’y suis retournée, avec mon père, tempes argentées.

    Juste pour qu’un ancien joueur, poivre et sel – ça doit être la mode – me reconnaisse et s’exclame :

    « - ha… le père et la fille…

    -          -    Ha ? tu la reconnais encore ?

    -          -   Bien, sûr… elle n’a pas changée… »

     

    hand action.JPGJe me suis assise à côté de lui, mon père.

    Match tendu,  Nationale I oblige, à ce niveau on joue au handball mais ça n’a rien d’un jeu : défendre, attaquer, marquer, le sportif est un guerrier. On prendra du plaisir une autre fois…

    Cette tension, les cris sourds, le son de la balle qui claque à deux mètres de moi, stoppée par des mains gluantes, des gouttes de transpiration, des hommes.

    Des hommes…

     

    Je vois cela aujourd’hui, adulte.

    Et dans ce brouhaha, sous les projecteurs puissants, entre deux coups de sifflet stridents, je remonte le temps.

     

    Mes années collège, mes années lycée, c’était le samedi au gymnase.

    Regarder l’équipe. Supporter, à domicile. Et puisque papa y allait, je pouvais aussi suivre les déplacements, en bus, en train, départ parfois le matin. France parcourue, campagne et banlieues, de Paris, de Lyon, Joinville le pont, Joinville sans pont. Les restos, les gueules de bois, les coups de gueule, j’étais bien, innocente, jeune, si jeune... Les vestiaires, les blagues un peu vulgaires, les caleçons qui volent, les hommes. Sur un coin de table, un ingénieur en short vert  m’aide à percer le mystère de mes devoirs de mathématiques, première S.

     

    hand regard vers.JPG 

    Ado, je ne trainais pas les rues,

    ado, je ne trainais pas les boites, la nuit,

    ado, je suivais une équipe de handballeurs…

     

     

    Assise à côté de mon père, dans ce gymnase sans rides, je vois tout ce qui a changé : l’esprit, les règles même, le public.

    Je ne me sens pas vieille, il m’a reconnue dès le début « Spoogy »…

     

    J’ai une place dans ce gymnase.

    Et ce gymnase a une place en moi…

     

    hand sol.JPGTrois coups de sifflet.

    Fin du match.

    Retour en 2010.

    Je quitte le bal du hand.

    Heureuse de ce bain dans ce qui fait ce que je suis.

    « C’est moi qui ai vécu ».

     

  • nuageux

    IMG00271-20101006-0728.jpgEn poussant ma porte ce matin, le ciel m’envoyait un message que je ne sus décoder.

    Je n’ai su que le regarder.

    Entre les câbles électriques des hommes, des lignes roses de nuages dans le ciel, aériennes compositions.

      

    Le soleil aidant, la vie prenant le dessous, j’avance dans la ville sans me retourner, vers un futur dont je ne sais rien.

     

    Mon futur est quelque part, suspendu.

    A tes lèvres, mon amour…

    A ses lèvres, mon oncologue.

     

    Et je ne sais pas si ces câbles sont là pour me pendre, ou si les nuages m’invitent à un nième voyage.

     

    Je poursuis ma journée, jaune comme les rayons d’un soleil d’automne, jaune comme les feuilles fatiguées que la chlorophylle abandonne, avant qu’un souffle de vent ne les cloue au sol.

     

    nuages avion.JPGLes nuages…

    je rêve en regardant par le hublot, dans un univers ouaté, je suis bien, nulle part, en lévitation, détachée de tout, détachée de toi, mais bien.

     

    Je vole et je vis, je vole à la vie.

    Souvent j’ai raconté cette histoire étrange, pour expliquer les années qui nous séparent, expliquer pourquoi tu as tant vécu sans moi. Je nous imaginais déjà amoureux, dans un autre monde, aérien, ouaté, dans les nuages, un monde appelé «le paradis des enfants», là où on habite avant de venir sur terre. Je connais l’adresse, j’envoie une lettre de temps à autre aux enfants que nous n’auront pas.  De ce paradis des enfants tu serais tombé très tôt, avant moi, qui un instant seulement avais lâché ta main. Et toutes ces années sans moi sur terre, tu as attendu que je vienne, que je naisse. C’est pour cela que mes parents ont du précipiter leurs épousailles : parce que j’étais pressée de te rejoindre.

     

    écho.JPGJe regarde mon échographie axillaire, indéchiffrable.

    Avec la parole faussement réconfortante de l‘opérateur « absence d‘hypertrophie des nœuds lymphatiques»

    On ne voit rien, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a rien.

    Je regarde plus attentivement.

    Elle est douce cette image en noir et blanc, ouateuse.

    On dirait des nuages…

    Sous ma peau il y a des nuages, cumulo-nimbus, radius et cubitus.

    Sous ma peau il voyage peut-être, le crabe, dans des avions globuleux qui laissent des traces rouges à l’aisselle.

     

    Tu es tombé trop tôt du ciel et il a fallu que tu attendes pour me connaître.

     

    Est-ce que mon cancer est tombé trop tôt du ciel lui aussi ?

    Est-ce que maintenant il doit m’attendre, avant de m’avoir ???

     

     

     

  • " homo sum "

    l’homme qui posait sa main sur les arbres pour trouver ses racines…

     

    On rencontre parfois les gens pour de mauvaises raisons, puisque pour découvrir, il ne faut pas chercher. Mais la vie, pas rancunière, nous réserve encore des surprises : sous les pavés, le sable émouvant.

      

    « Tu ne poses pas de question… »

    Sans doute a-t-il cru que je ne voulais rien savoir de lui.

    Sans doute n’a-t-il pas compris, lorsqu’il s’est agit de ne pas consommer, ce qu’était venu faire cette fille qui ne demandait rien.

     

    Je ne pose pas de question auxquelles on  pourrait répondre par des clichés sociétaux, je ne pose pas de questions qui pourraient ouvrir la porte à la banalité, réponses réchauffées, rayon traiteur des supermarchés.

    Je ne me pose même pas de questions à voix basse, je ne fais qu’ouvrir mes yeux, mon âme, mon cœur et tous les autres capteurs, pour récupérer à la dérobade ce que les gens laissent traîner derrière eux.

    Je collecte la vie qui s’échappe comme autant de vérités.

     

    roger.JPGLa seule question qui vaille est « qui es-tu ? », mais lui-même ne le sait pas.

    Je ne pose pas de question et il ne dit rien, il attend pour se construire et se définir, mes mots pour s’appuyer. Je ne veux pas de construction, pas d’image, juste l’essence.

    Et il est quoi au juste ? Ce que l’on voit trompe tout le monde et lorsqu’il se regarde dans la glace il ne se reconnaît que par habitude. Si chaque être est unique, on trouve souvent des mots pour les décrire, des cases pour les ranger. De lui on n’a que des fragments : des origines, une famille, une langue oubliée, un continent, puis un autre continent, des études, un métier, une vocation, un don, la descendance, la souffrance, le chant, les signes, les gens, la vie...

    Et cette couleur aux mains qui ne s’en va pas, même en frottant bien.

    Si ses mains sont si râpeuses, c’est pour dire les écorchures de la vie, même ses allergies sont des cris de son corps, de cet être qui est coincé à l’intérieur, qui voudrait être lui, pas victime, pas exemple, juste lui.

    Et le bleu dans le sombre de ses yeux …

     

    Je le regarde, lui qui fuit vers un demain qu’il aimerait certain, en oubliant de vivre ici et maintenant. Il dit Carpe Diem pour se freiner, ne pas oublier, s’excuser presque. Le temps, c’est pas de l’argent comptant, c’est de l’espoir et lui veut du savoir, en poésie. Je regarde son ombre sur le trottoir, elle va moins vite que lui, elle attend qu’on le retienne.

     

    Et ces yeux posés sur lui, dans le bus, qui lui rappellent ce qu’il parait, tuant encore plus ce qu’il tente d’être...

     

    Je suis revenue à moi, sans grand émoi, indemne, en apparence...

     Mais j’ai depuis longtemps appris à me méfier des « riens ».

     Depuis pourtant, je ne fais que me poser cette question : « QUI êtes-vous ? ».  

     Et cette éternelle question boomerang que je ne peux ignorer : " QUI suis-je ? "

     

    .