Le monde littéraire et ses mystères…
Pourquoi les gens écrivent, comment certains se font publier, ce qui fait que l’on achète, et que l’on lit, ou pas.
Je ne suis pas les modes, je ne suis pas les calendriers, je n’attends pas la rentrée, alors pour moi, le livre de l’été…
S’il fallait un prétexte, je prendrais celui du voyage.
Cette année j’ai traversé l’Atlantique pour rejoindre Bruges.
J’ai filé dans la brume vers l’Alberta, avec Benoît Chavaneau dans ma valise, passager clandestin.
Je ne sais qu’en dire. Que dire à son auteur... juste « merci de l’avoir écrit ».
Comme dans les jolis contes, un homme et une femme ont rendez-vous. Leur premier rendez-vous. Ils ne sont pas sûrs de se reconnaître, mais certains de déjà tant se connaître. Ils désirent se désirer, ils redoutent de trop espérer mais aimeraient oser et tellement vivre. Sur un pont de Bruges. Et si ce n’est pas celui-là, il y en aura d’autres, des hommes ou des ponts, on ne sait plus bien.
Tout commence si bien, Benoît écrit comme une femme, il se met dans notre esprit mais l’on voit que c’est un homme lorsque la pudeur et la douceur de l’évocation laisse place à l’inconnu des sensations grouillantes de la matrice.
Mais Benoît lutte et se refuse le bonheur.
Pardon, non : il NOUS refuse le bonheur de lire un livre trop facile, à l’eau de rose, au parfum de guimauve. Et l’on s’essouffle, et l’on a mal, à parcourir le reste de ces pages où les amants ne se retrouvent jamais, où l’on doute même qu’ils se sont rencontrés, et si c’était un mirage, un Nuage, et si tout n’était que Fumée ?
Il nous réinvente des histoires, il remet des personnages, mais ce n’est pas parce qu’ils sont plus jeunes ou plus beaux que l’on peut revivre la magie des débuts.
Benoît nous embrouille et tout est pourtant si clair.
L’auteur est le maitre.
Il écrit le roman, il écrit sa vie.
Il paraît qu’il y a 3 clés dans ce livre, Benoît nous livre des secrets : il est un peu tous ces personnages, il fut l’un, rêva être l’autre, aimerait tant devenir.
Et le livre dans tout ça ?
Le style est simple, précis, fluide et rythmé. J’aime beaucoup la typographie, des silences dans l’écrit, des rejets, à la ligne, des suspensions. Dramatiquement frais.
Parfois facile, mais c’est sans doute une qualité, de rendre invisible la trame, une vraie maitrise de l’écrit.
Parfois on se perd : le narrateur parle de l’auteur et on a, en plus, en italique, une annotation, comme un clin d’œil au lecteur, à la manière d’une NDLR.
Pour moi « Les fileuses de brumes » reste un livre qui déborde.
Qui déborde d’envie.
De dire et de vivre.
Faire la critique de mon livre de l’été, non, j’ai du mal. Que dire à son auteur, sinon « Pardon ».
Pardon d’avoir voulu lire une autre histoire que celle-là.
Pardon de vous avoir cherché sur le pont.
Pardon de m’être vue derrière Elle :
« Et puis Elle se remit en route,
Sans bagage,
Sans guide Michelin,
Sans étapes et sans but.
Sans contraintes.
Sans règles.
Sans montre ni miroir.
Aucune direction.
Aucun souvenir.
Une simple fugue au fil du cœur en somme. »
Benoît nous embrouille et tout est pourtant si clair.
Les fileuses de brumes est un roman nécessaire.
Il est écrit sur la couverture « roman d’amours », voici une clé : il n’est rien de singulier, même si tout est unique, il n’y a que des vérités.
Pour celui qui écrit, ou pour celui qui lit, il est des aventures, réelles ou imaginaires, un vécu qui nous fait devenir.
Vous pouvez encore faire cette expérience. Filer votre propre aventure, défaire les nœuds, libérer les pales du moulin, car il n’est pas de saison pour les amours, même si ce fut mon livre de l’été.
http://www.juste-pour-lire.com/71-les-fileuses-de-brumes-9782361510.html
http://livre.fnac.com/a3609287/Benoit-Chavaneau-Les-fileuses-de-brumes