Les sapins de la Montagne Brûlée
Sont encore debout
Les sapins de la Montagne Brûlée
S’accrochent encore
Droits et fiers
Ils regardent sur la verte colline,
En face,
Ce qu’ils étaient hier.
La nuit, un train traverse les Rocheuses.
Et moi dedans, je traverse le temps.
On avance dans la nuit,
Comme on avance dans la vie :
A l’aveuglette, en suivant une voie.
On avance, on avance, de secousses en accélérations,
On avance, on avance, sans être certain de la destination.
On ne prend pas toujours le temps d’observer le paysage,
Moi, je n’ai rien d ‘autre à faire, dans cet étrange voyage.
La lumière du wagon met sur l’extérieur un voile de pudeur,
La lumière du wagon nous empêche de voir à l’extérieur.
Mais quelque chose m’attire, je veux voir, je veux savoir.
Je colle mon visage à la vitre froide,
Mes mains autour des yeux pour rejoindre l’autre monde.
Le spectacle est d’une beauté terrifiante :
Je ne vois que des squelettes qui dansent,
Je crois voir la fumée de leurs âmes qui s’élèvent.
J’ai le corps dans la vie du wagon
Et le visage dans la mort.
Sur des kilomètres défilent les cadavres,
La nuit porte leur deuil.
Je me dis que ce pays-là, près de Kamloops, au Canada, ne doit plus connaître le soleil et qu’il faudra bien des larmes pour que renaisse la forêt.
Je suis dans la nuit, je suis dans le train.
J’avance dans la vie, je ne perds pas mon entrain.
Les arbres calcinés sont restés debout
Pour rappeler, à toi, à moi, à nous,
La magie et la fragilité de l’existence.
Descendre
Du train
Des cendres
Demain
Aujourd’hui
La Vie !