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  • la ligne sur une page blanche

    Jeanne Orient nous a rappelé ce matin l’expression idiote « reprendre le cours de sa vie ». (http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=33748 

     

    Tout le monde le sait, on en fait des films : la vie n’est pas un long fleuve tranquille…

    Alors reprendre son cours

                après un court-circuit

    il n’y a rien de pire :

    ce serait nier le meilleur, celui qui reste à venir,

    en gommant ce pire que l’on vient de dépasser, jusqu’au pire final.

     

    Un court-circuit, quelle expression pour désigner nos accidents de la vie…

    Est-ce que ça  raccourcit notre circuit ?

    Est-ce que ça nous court-circuite du monde des insouciants ?

     

    Non, on ne m’a jamais dit de « reprendre le cours de ma vie ».

    Show must go on, poursuivre n’est pas reprendre.

    « Reprendre, c’est voler ! »

    Rien ne sera comme avant et tant mieux.

     

    Moi, on ne m’a pas dit ça.

    Au contraire.

    Je suis sortie de l’hôpital greffée, comme un petit autocollant sur le mal, un bâillon, on ne peut pas nier, on ne peut pas l’ignorer.

    Il ne faut pas.

    Mais partant sans douleurs, je m’étonnais un peu.

    « Alors, c’est déjà fini, je sors ? Et c’est tout ? »

    Et il me l’a dit, le chirurgien : « non, ce que vous avez vécu, ce n’est pas rien ».

     

    Mais je me souviens de ce médecin qui voulait résumer ma vie d’un trait sur le papier, un trait tracé à la va-vite avec son gros stylo Mont Blanc.

    « Ça, c’est une vie sans accident… »

    vie1.JPG

     

    Je regardais ce beau trait long, sans accroc, un rien monotone.

     

     « Ça c’est comme vous voyez votre vie »

    vie2.JPG

    Il avait fait ce trait vertical, comme un cœur qui s’emballe.

    C’est amusant, sur les électrocardiogrammes, c’est l’inverse : la ligne droite qui marque la fin, ici, cette secousse marquait le début de ma fin.

     

    « Mais vous vous trompez, vous avez le choix

    Avec l’immunothérapie, votre vie ça peut être ça :     »

    vie3.JPG 

    « Sans immunothérapie, ce sera ainsi : »

     vie4.JPG

     

    Et moi qui regarde ces deux lignes, courtes l’une comme l’autre, plus courte que la monotone.

    Il ne m’a aidé en rien.

    Je n’ai rien entendu d’autre : j’allais mourir, un jour, bien plus tard, quelle grande nouvelle !

     

    Alors j’ai pris le stylo trop lourd et je lui ai dis :

     

    « ma vie, je la vois comme ça… »

    vie5.JPG

    Elle continue.

    Je ne sais pas combien de temps.

    Juste suspendue.

    Juste possible.

    Et je mets tous les rêves dans les interstices.

    Et tous les petits bonheurs qui se glissent.

     

    Ma vie n’est pas une ligne sur une feuille blanche.

     

    .

     

  • les jours d'après-demain

    Je ne me sens pas optimiste. Ni pessimiste.

    Mais je le vois bien en fréquentant les gens, j’ai une force en moi qui me pousse vers demain, qui me fait prendre toutes les mauvaises nouvelles comme des faits, des points de départ que l’on ne peut changer, mais d’où on ne peut que partir. Ca ne m’empêche pas de pleurer, ça ne m’empêche pas d’avoir mal, mais je ne sombre pas, je me laisse flotter dans le courant et doucement, j’avance.

    Mon père m’apprenait à faire la planche, sur la mer. A me tenir assez droite pour bien flotter, à me tenir assez détendue pour m’adapter au flux, au reflux, à ne pas me laisser submerger par les vagues, par la panique…

    Mon prof d’histoire de lycée, monsieur Martin, a mis des mots là-dessus « fluctuat nec megitur ».

     

    Et j’ai traversé la tempête, étonnée de ne pas avoir plus souffert.

    no exit.JPGMais sans me l’avouer, j’ai eu beaucoup de mal à me projeter dans le futur.

    En mai, on me parlait de Noël mais pour moi c’était fiction.

    Réserver un séjour en vacances, au dessus de mes forces : le faire me semblant prétentieux et ne pas le faire tellement défaitiste !

     

    Dans tes bras c’était bien, au jour le jour.

    Dans tes bras ça me suffisait.

    Et les mois passent.

    Et les années passent.

    On note sur les agendas, on fait des projets.

    De plus en plus lointains.

    Et un jour on demande à sa banque un crédit pour un autre cocon…

    Avec des économies et de la rigueur, 5 ans de remboursements pourraient suffire.

    Cinq ans, la banquière, ça la fait rire !

     

    Moi je suis toute troublée depuis que j’ai réalisé ce que je lui ai demandé…

    Je ne suis pas défaitiste, juste fataliste.

    Je refuse l’espoir en tant qu’exigence, mais je prends tous les bonus inattendus.

    Désirer, c’est s’exposer à une déception, je saisis les bonheurs sans préméditation.

    Je sais bien que je ne pourrais pas tout contrôler, mais bien droite, relâchée sur la mer qui grossit quand vient l’hiver, je peux encore flotter.

    fleur banff.JPG 

     

    Pour 5 ans, pour un peu plus, pour un peu moins, je crois que je veux bien commencer à envisager après-demain.

     

    Et si tu me donnes la main, on ira peut-être plus loin…

     

     

  • un train, la nuit, les Rocheuses...

    ta main.jpg 

    Je t’aime quand tu t’endors

    Quand le sommeil s’empare de ton corps

    Et le mène vers d’autres ports.

    Je t’aime quand tu t’endors,

    Ta main dans la mienne abandonnée,

    J’aime les spasmes qui la font croire hantée,

    Tremblante, juste avant le pays des fées.

    J’aime ces soubresauts,

                                   saouls avant le grand saut

     

    Je t’aime quand tu t’endors,

    A mes côtés

    Presque autant que je t’aime quand tu te réveilles

    A mes côtés.