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  • traces

    1.PNG

     

       J'ai une fascination pour les cicatrices,

       les plaies, les bosses,

       les boursouflures,

       les rides

       et toutes les traces du temps.

       J'aime ces déformations de mon corps.

    2.PNG   Je ne sais pas d'où cela vient,

    cette peur de ne pas avoir vécu,

    cette peur de ne pas être en vie.

    J’aime les traces du temps sur moi,

    les blessures,

    les marques indélébiles.

    Comme si j'avais besoin de ces signes extérieurs

    pour rappeler au monde ce que je suis à l'intérieur.

    4.PNG  Je sais d'où cela vient :

       du silence au monde,

       tenir secret un pan de nos vies,

       je sais que cela a existé

       mais les autres restent hors de ce monde,

       aveugles tenus dans l'ombre. 

     

    Je regarde mon corps et je lis mon histoire.

    Chaque imperfection est un témoignage de vécu qui me rassure.

    « c'est moi qui ai vécu ».3.PNG

    Et qui vit.

    Encore.

     

     

     

  • Toujours des mots, les mêmes maux....

    Je me fais un devoir de passer du temps avec ma grand-mère, 84 ans maintenant.

    Un devoir, c'est comme une obligation, c'est vrai que je me force un peu, parce qu'inévitablement je sais que ces visites vont prendre fin un jour.

    Je vais la voir pour l'écouter. Dès que quelqu'un passe sa porte, sa langue se délie, la solitude brisée, c'est une irrépressible logorrhée. Ce n'est pas un dialogue, c'est vrai qu'elle est un peu sourde, elle est si pressée de raconter et de re-raconter qu'elle écoute peu ce qu'elle n'entend pas. Elle raconte tout à partir de ses 14 ans, lorsque, certificat d'étude en poche, elle alla travailler dans un atelier de confection, c'était là le vrai début de sa vie. De 14 ans jusqu'en 1995, date du décès de son grand amour. Elle n'a plus de souvenir au-delà, vivre sans Lui n'est que lui survivre.

    Et hier une phrase :

    " - on habitait Buchenwald "

    Perplexité. Se pouvait-il que, bercée par le ronronnement répétitif de sa voix, je me sois endormie à ce point ? Je sais qu'elle passait clandestinement en Belgique, ramenait quelques morceaux de d'étoffes et de chocolat, je sais qu'elle allait en train en Normandie, chercher du beurre et autres produits fermiers mais ce n'était qu'une enfant, pas une résistante, pas juive, pas communiste, pas noire, comment pouvait-elle se retrouver à Buchenwald, j'ai vraiment du dormir, ou mal comprendre....

    Devant mon visage perplexe, elle m'explique :

    " C'était un ancien camp de prisonnier, on appelait ça Buchenwald, on habitait dans les anciennes baraques..."

    MERICOURT_CAMPS_DE_PRISONNIERS[1].jpg

    J'ai fait des recherches, aucune trace de ce surnom local. Le commandement allemand avait ordonné la construction du camp de Méricourt sous Lens et interné un millier de prisonniers russes, employés dans les mines voisines.

    D'où vient ce surnom de Buchenwald ? Est-ce ironie ou empathie ?

    Qui peut savoir vraiment ce qu'est la guerre sans la vivre ? Qui peut juger ?

    On trébuche sur les mots, s'indigne à raison d'un "détail" mais on ne peut décimer les dictionnaires parce que des tortionnaires ont souillé le vocabulaire.

    Il n'y avait plus de logements, après les bombardements, toute baraque debout était un palace, alors oui, les civils ont investi ces lieux de douleur et les cris des enfants couvraient le souvenir des râles soviétiques. Ce nom de Buchenwald, je le prends comme un hommage, un refus de l'oubli malgré la transformation des lieux.

    Il nous reste tant à apprendre, il nous reste tant à comprendre, et les vieux s'en vont.

    Encore des mots, toujours des mots
    Les mêmes mots... Rien que des mots
    Des mots faciles des mots fragiles ...

    Rien que des maux...

     

  • nombril de mon monde

     

    Je viens de ma mère

    Qui connut mon père,

    Je suis venue sur Terreombilic 1.PNG

    Accrochée, mammifère. 

    J'ai trouvé la liberté

    En poussant un cri,

    Réinventé ma liberté

    par ces écrits,

    Narcissisme sans excès,

    Exhibitionniste du secret.

     

    Ils ont changé mon nombril....

    Modifier l'indélébile,

    A coups de scalpel,

    Rafistolant mon réel.

     

    Je viens de ma mère

    Qui connut mon père,

    Attachée à mes racines,

    Des douleurs intestines

    Restent la cicatrice

    A l'identité spoliatrice.

    Suis-je encore celle

    Que tu connus bacelle ?

    Suis-je encore moi

    Recousue en bas ?ombilic 2.PNG

     

    Ils ont changé mon nombril

    Incisé, envoyé en exil

    L'enfant qui subsistait.

    Reste la femme, déroutée.

     

     


     

  • raccord au décor

    Dans la salle d'attente,

    Pour tuer la sale attente,

    Ou tuer le sale espoir,

    Y'a des chaises de couleur,

    Difficile de voir la vie en rose.

    Les dossiers font des vagues

    car personne n'en fait, faut se taire,

    les patients doivent patienter,firtion salle.jpg

    Tout est calme, on n'ose les mots

    hausse les épaules, n'ose les maux.

    Incertitude, « no se, senior »

    Inquiétude, nausée saigneur.

    Sur les murs, des tableaux,

    sur mes joues, de l'eau.

    Un jour

    Là-bas

    New-York

    Avec toi

    Encore

    Et ce corps

    Qui encore

    M'éloigne

    De toi

    Dans la salle d'attente,

    En rogne

    Flatiron

    J'attends

    Parce que...

    Un jour...

    J'irai.

     

  • larmes à l'âme

     

    Bien sûr il y a nos défaites
    Et puis la mort qui est tout au bout
    Nos corps inclinent déjà la tête
    Étonnés d'être encore debout
    Bien sûr les femmes infidèles
    Et les oiseaux assassinés
    Bien sûr nos cœoeurs perdent leurs ailes
    Mais mais voir un ami pleurer!

    (Jacques Brel )

     

    Mon grand-père était déjà malade, il était encore debout mais sa voix était déjà partie.

    Ma grand-mère raccompagnait quelqu'un à la porte, mon père -je crois- a glissé quelques mots à l'oreille du sien.

    Je ne sais plus bien, j'étais sur le canapé, je passais le temps quand il s'est suspendu, le temps, à cet instant où j'ai vu mon grand-père pleurer.

    Comment un homme comme lui pouvait pleurer ?

    Je n'avais pas de détail sur sa maladie, je culpabilise de n'en avoir demandé aucun, mais quel enfant a ces préoccupations ?

    Je le savais colosse aux pieds d'argile, toujours tendre et généreux, bien que taiseux, mais comment pouvait-il pleurer ?

    J'ai été bouleversée et je le suis encore, vingt-cinq ans plus tard.

    J'entends encore sa voix, cassée, son souffle court et sa gorge étranglée par l'émotion.

    J'ai tout de suite compris qu'ils parlaient de vie, ou plutôt de mort, la sienne n'était plus qu'une question de temps.

    Il pleurait et répétait «  je ne veux pas la laisser »

    Peut-être disait-il «  je ne peux pas la laisser ».

    Parfois on ne peut pas, parfois on ne veut pas, mais les choses arrivent, nous arrachent le cœur, nous arrachent à la vie.

    Il était prêt à partir, mais pas à la laisser.

    Émue de leur amour.

     

    Il m'a fallu des années pour comprendre l'abîme de ces mots.

    Se faire à l'idée de notre propre mort, ce n'est pas si difficile, on n'a pas le choix de toute façon.

    Mais on culpabilise toujours de la peine qu'on va faire, on se demande comme l'aimé va faire.

    J'aimerais être là pour toi, mais je sais que je ne le serai plus...

     

    Dis-moi que tu sais, fais-moi croire que ça ira et partons voir plus loin.

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