Bien sûr il y a nos défaites
Et puis la mort qui est tout au bout
Nos corps inclinent déjà la tête
Étonnés d'être encore debout
Bien sûr les femmes infidèles
Et les oiseaux assassinés
Bien sûr nos coeurs perdent leurs ailes
Mais mais voir un ami pleurer!
(Jacques Brel )
Mon grand-père était déjà malade, il était encore debout mais sa voix était déjà partie.
Ma grand-mère raccompagnait quelqu'un à la porte, mon père -je crois- a glissé quelques mots à l'oreille du sien.
Je ne sais plus bien, j'étais sur le canapé, je passais le temps quand il s'est suspendu, le temps, à cet instant où j'ai vu mon grand-père pleurer.
Comment un homme comme lui pouvait pleurer ?
Je n'avais pas de détail sur sa maladie, je culpabilise de n'en avoir demandé aucun, mais quel enfant a ces préoccupations ?
Je le savais colosse aux pieds d'argile, toujours tendre et généreux, bien que taiseux, mais comment pouvait-il pleurer ?
J'ai été bouleversée et je le suis encore, vingt-cinq ans plus tard.
J'entends encore sa voix, cassée, son souffle court et sa gorge étranglée par l'émotion.
J'ai tout de suite compris qu'ils parlaient de vie, ou plutôt de mort, la sienne n'était plus qu'une question de temps.
Il pleurait et répétait « je ne veux pas la laisser »
Peut-être disait-il « je ne peux pas la laisser ».
Parfois on ne peut pas, parfois on ne veut pas, mais les choses arrivent, nous arrachent le cœur, nous arrachent à la vie.
Il était prêt à partir, mais pas à la laisser.
Émue de leur amour.
Il m'a fallu des années pour comprendre l'abîme de ces mots.
Se faire à l'idée de notre propre mort, ce n'est pas si difficile, on n'a pas le choix de toute façon.
Mais on culpabilise toujours de la peine qu'on va faire, on se demande comme l'aimé va faire.
J'aimerais être là pour toi, mais je sais que je ne le serai plus...
Dis-moi que tu sais, fais-moi croire que ça ira et partons voir plus loin.
Commentaires
émouvant. Oui partons, dans l'espérance d'un plus loin!