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Le plus beau métier du monde

 

On a tendance à abuser des superlatifs.

Et à faire des raccourcis.

Et à généraliser.

Un monde en noir ou blanc.

Alors qu’il y a une infinité de nuances de gris…

 

Un film reprend ce titre pour parler de la profession de professeur : le plus beau métier du monde !

J’ai eu de la chance, il s’en est fallu de peu, d’un adjectif, pour que j’exerce le plus vieux métier du monde !

Comment se fait-il que je n’exulte pas tous les jours de joie à l’idée de rejoindre le collège ?

Comment se fait-il que je finisse, comme beaucoup, par compter les jours qui me séparent des prochaines vacances, ces avantages qu’on nous balance, à chaque fois, comme réponse à nos doléances ?

 

Je profite d’une éclaircie pour écrire cet article et dire combien j’aime mon métier.

J’ai toujours aimé préparer des cours, chez moi, bien au chaud, me documenter au niveau scientifique comme on dit pompeusement, mais surtout réfléchir à la meilleure manière de faire comprendre une notion, adapter mon vocabulaire sans trahir mon domaine de prédilection.

Même si cette année, une réforme aux forceps nous mène à devoir refaire les cours des tous les niveaux en même temps.

Je n’ai jamais détesté effectuer des corrections, chez moi, bien au chaud. J’ai plus souvent souri que désespéré. Je ne dis pas interrogation, je dis contrôle, juste une vérification des acquis, du compris.

J’ai tout un album de perles de collégiens, plus touchants que ridicules.

Même si, les années passant, les maladresses d’enfants se muent en néant, il y a plus de copies blanches que de ratures.carte.jpg

Je n’ai par contre pas toujours aimé donné mes cours, au collège, bien au froid.

Fatiguée d’avoir plus à éduquer qu’à enseigner, épuisée du bruit, des cris, des drames sans rapport avec mon programme.

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Alors j’ai réduit mon temps de travail…

Qu’importent les cotisations, si je vis assez longtemps pour toucher une retraite, je me consolerai en me disant que jamais je n’aurais pensé rester si longtemps en vie.

Faire autre chose ? Aussi modique soit la paie, elle reste honorable. Et puis il reste ces fameuses vacances pour se consoler, pour se retaper…

 

Le métier a changé.

Les enfants ont changé.

J’ai tellement changé…

 

Je profite d’une éclaircie pour dire mon bonheur…

J’ai des petits élèves de sixième adorables cette année.

Bonheur des classes peu nombreuses, 22 élèves au lieu de 30, ça change la vie, ça change l’enseignement ! On n’entend pas les mouches voler, mais le ventilateur du vidéoprojecteur fait un boucan d’enfer quand ces têtes pas toutes blondes réfléchissent !

La semaine passée une collègue a eu un malaise en présence de neuf de ces tous jeunes collégiens. Je me suis retrouvée à faire la cellule psychologique pour ces traumatisés en pleurs qu’on avait isolé, j’ai été une des premières personne à les écouter, à les laisser parler, à les obliger à verbaliser. Ils ont été solidaires, ils ont été exemplaires.

Une belle bouffée d’humanité.

En quittant le collège ce matin, je partage le chemin avec les élèves dont je suis professeure principale, ils sortaient de mathématiques et spontanément m’ont dit leur fierté d’avoir eu une bonne note, comme si j’étais leur maman !

 

Je ne suis pas leur maman.

Je ne suis pas une maman.

 

Je n’ai jamais trouvé de substitution, pour moi un élève n’est même pas vraiment un enfant, un élève est un apprenant. Un être unique et seul, détaché de son univers, plongé dans le bain républicain.

 

Ils sont formidables ces jeunes, encore épargnés quelques mois par les affres de l’âge qu’on nomme ingrat à juste titre.

Ce matin un petit rouquin pleurait, ayant du mal à terminer son contrôle : « ma maman, elle est fâchée si je n’ai pas un 15... ».

De quoi me faire mollir !

 

Mollir, moi ? Jamais !

Les plus âgés piétinent déjà devant la porte, j’entends des hurlements, des coups dans le mur et des insultes, qui n’en sont pas, juste des expressions amicales « fils de pute », « PD », celui qui n’en a pas son lot n’a pas la reconnaissance de ses pairs.

Les plus âgés sont là pour me ramener à la réalité : mon métier redevient un emploi.

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