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" je suis Elizé "

 

"Il y a, je crois, dans l'existence, un point de cécité qui en fait un perpétuel commencement en sorte que, bien que tout soit déjà dit, tout reste encore à dire. C'est là qu’apparaît la fécondité de ces métaphores essentielles où la vie et la mort se conjuguent sans qu'il soit possible de dire laquelle a surtout nourri l'autre."

Il est revenu, dans nos vies et sur les étals des libraires : Gaston-Paul Effa publie chez Gallimard « rendez-vous avec l’heure qui blesse ». Nous (re)découvrons le destin emblématiquement tragique de Raphaël Elizé, vétérinaire d'origine guadeloupéenne, premier maire noir en métropole, son métier et son engagement politique ayant comme point commun l'amour du vivant. La guerre nous embarque dans un wagon à bestiaux pour un voyage d'où peu reviennent : Buchenwald. Les pages défilent, les supplices s’enchaînent. La noirceur de la peau qui refuse à l'être son rang d'homme affronte la noirceur des âmes nazies qui ignorent l'idée même d'humanité.

« Connaissant ce qui, jadis, dans la nuit de la traite transatlantique, avait déjà eu lieu, il ne me restait qu'à assister à la répétition de l'histoire. Ce que nous vivions à chaque instant m'apparaissait comme déjà vécu. C'était pour moi un grand réconfort de savoir que je n'avais pas à intervenir dans le déroulement des événements ni à engager ma responsabilité mais que mon rôle de traducteur faisait de moi le témoin de notre aventure. »

Tout apparaît déjà perdu, et pourtant...

Raphaël Elizé résistera, à sa manière, même si nous avons tous, un jour ou l'autre, « rendez-vous avec l'heure qui blesse »

La tentative de « critique » pourrait s'arrêter là, mais voilà...

On dit que Gaston-Paul Effa a écrit une quinzaine de romans déjà... c'est faux : c'est son premier. Le premier où ne se cache plus derrière le narrateur, plus d’étudiant africain déraciné gardien d'une tradition qui s'éloigne. Cette fois il se glisse dans la peau d'Elizé en racontant son combat pour être reconnu et accepté en tant que vétérinaire dans sa campagne sarthoise, car la couleur de peau étant la première chose qui s'offre aux yeux, trop de monde oublie encore de regarder avec le cœur. (Est-ce d'ailleurs si différent ?)

On pourrait penser aussi que c'est un livre d'histoire qui éclaire des heures plus sombres que les heures sombres, il n'y a pas de hiérarchie dans l'horreur mais qu'est-ce que quelques noirs devant des millions de Juifs... non, ce n'est pas non plus un roman historique, c'est un roman humain : Gaston-Paul Effa se glisse non seulement dans la peau l'Elizé mais surtout dans sa tête, en maïeuticien, il nous plonge dans les tréfonds de l'âme humaine, et fait resurgir des expériences passées nos connaissances pour demain.

Rendez-vous avec l'heure qui blesse n'est pas un  roman « noir »,

ce n'est pas un livre d'histoire, RDV couv_15319.jpg

c'est une œuvre universelle,

un hymne à l'humanité,

malgré tout.

 

 

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