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  • L'oUÏe

    La mémoire est mystères et délices.

    La mémoire est misères et dérives.

    Des souvenirs nous hantent, viennent et reviennent titiller nos nuits, dévaster nos vies.

    D'autres s'évanouissent on ne sait où, au point de douter, de penser que cela n'a jamais existé, l'oubli pire que la mort : le déni de bonne foi.verlaine.jpg

    Et ce qu'on ne voudrait jamais oublier : la voix des êtres chers...

    "Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
    L'inflexion des voix chères qui se sont tues"

    ( Verlaine – mon rêve familier )

    On se concentre pour entendre encore les échos au plus profond de notre âme, dans un repli du cœur et puis un jour on n'entend plus cette voix, on la croit partie.

    C'est faux, la voix reste en nous, tous les sons aussi, on ne les entend plus mais ils sont là, à portée de pleurs.

    On ne les entend plus mais on saura les reconnaître, parmi cent, parmi mille, parmi des millions.

    Sons uniques, imprimés en moi.

    Comme une voix qu'on n'a pas entendu depuis si longtemps que l'on reconnaît à la première seconde, même avant que ne sonne le téléphone.

    C'est en moi.

    C'est à moi.

    Un homme me gamahuchait.

    L'ordinateur jazzait doucement, pour accompagner le mouvement.

    Un homme me gamahuchait et je pleurais.

    Déboussolé, il s'appliquait, flatté de son effet.

    https://www.youtube.com/watch?v=dJqUZFunBsk

     

    Je pleurais...

    Passait, en fond sonore, la bande originale de ma première fois.

    Nous en étions arrivés là.

    Se faire gamahucher au bord du lit, au bord de la Vie.

    Un coup de langue comme un coup de poignard.

    J'en étais arrivée là.

    J'étais arrivée.

    Boucle bouclée, pensais-je.

    Comme une fin.

    J'étais morte, comme Weronika.

     

    DSCN4751.JPG

    J'ai encore la cassette audio de la première fois.

    Je la regarde et elle ne fait pas de bruit.

    Je la regarde et je n'entends rien.

    Elle contient mon essence, là où tout commence et où tout finit, du début de la femme à la fin du mélodrame.

     

    Mélodrame : genre théâtral caractérisé par l'emphase du style, l'exacerbation des émotions, le schématisme des ressorts dramatiques et l'invraisemblance des situations opposant des figures manichéennes. Les élans dramatiques étaient par ailleurs soulignés par des plages musicales et le paroxysme y était allègrement employé pour susciter l'émotion du spectateur. Ce genre est presque immédiatement utilisé dans le cinéma muet.

     

  • enfer et rédemption

    Un autodafé, c'est d'abord un actus fidei, un acte de foi.

    Mais comme l'inquisition ne donnait guère de choix dans la foi et finissait par brûler toute suspicion, le feu pour purification, expiation...l’autodafé est devenu destruction.

    On connaît peu Diego de Landa, un moine franciscain envoyé évangéliser le Yucatán, qui fit brûler d'inestimables Codex Mayas en 1524, comme si effacer la mémoire modifiait le cœur...

    On connaît plus le grand autodafé du 10 mai 1933 à Berlin, brûler les ouvrages des grands auteurs juifs pour nier leur contribution à l'humanité, tenter d'effacer tout ce qu'on pourrait devoir à l'autre et se purifier de ces odieuses pensées... Jeter des livres au feu en criant des hourras, cracher encore pour attiser les flammes, et Goebbels très fier qui annonce l'avènement d'un nouveau monde, sans souillures....

    Je suis allée à Berlin.bebelplatz-pictures-1-2.jpg

    J'ai posé mes pieds à l'endroit...

    Au milieu des pavés, un mètre carré vitré, une bibliothèque, virginale, vide...

    Et une plaque de cuivre où l'on peut lire la citation prémonitoire de Heine

    DSCN4612.JPG

     

     

    « Dort, wo man Bücher verbrennt, verbrennt man am Ende auch Menschen ».

     

    Comment imaginer, en 1820, que là où on brûle des livres, on finira par brûler des hommes ?

    Je ne vais pas revenir sur la barbarie, sur l'extermination.

    Pour moi, brûler un livre, comme brûler un drapeau, c'est plus qu'un symbole, c'est pour moi d'une violence inouie, non par la douleur physique, mais par les objectifs du geste : nier l'autre, l'effacer, tenter de se purifier...

    Les pieds à l'endroit, je regarde autour de moi, dans le froid de l'hiver tout est calme, propre, la vie ne s'est pas consumée, l'Allemagne s'est relevée.

    Et nous n'avons pas oublié.

    Je me demande souvent ce qui restera de moi quand je ne serai plus que cendres... Pas grand chose de tangible, rien vraiment de palpable mais de l'inéfable j'espère, de l'inéfaçable, dans le coeur de ceux qui m'ont aimé, que j'ai croisé...

    bérénice rebelle ludovic florent.jpg

    ( Photo " Bérénice rebelle", Ludovic Florent http://www.ludovicflorent.com/  )

    Ce n'est pas orgueil de l'écrire, je sais que ces souvenirs seront blessures pour eux. Il faut transformer la douleur en douceur, la chaleur du moment partagé, le poids du réel, que même les flammes ne sauraient effacer.

    J'ai "écris un livre" qui s'intitule autodafé...  J'avais besoin, à un moment de ma vie, de brûler mon idole, de me purifier peut-être , même si on ne retrouve jamais sa virginité.

    Autodafé comme acte de foi, je crois en moi, je crois en toi. Je tourne la page et j'avance. Je suis en Vie.

    Je regarde devant.

    Je n'ai plus mal.

    Je peux avoir mâle.

     

     

     

  • peau d'âme

     « Mon grand-père disait que pour les Noirs la peau est un mystère insondable, et il le disait sans chercher à savoir si nous comprenions, ni si, à Lamentin, on se souciait de la peau des esclaves, la mer, seule, évoquait quelque chose pour nous puisqu’elle n’était jamais bien loin, qu’elle nous nourrissait, qu’elle n’aurait jamais fini de charrier nos expériences originelles. Ce que voulait dire mon grand-père, c’était peut-être que la peau d’autrui et sans doute la sienne, et aussi la mienne aujourd’hui, est un détroit où l’on ne peut que se perdre »

    Gaston-Paul Effa «  rendez-vous avec l'heure qui blesse » 

    La peau d’autrui … est un détroit où l’on ne peut que se perdre...

    La peau d’autrui … est un détroit où l’on ne peut que se perdre...

            LA PEAU D'AUTRUI...

    EST UN DETROITOU L'ON NE PEUT QUE SE PERDRE... 

    Je relis cette phrase, encore et en corps, je sais que la clef est là, dans la peau, depuis toujours.

    Réceptacle de tous les mots, doux,

    exutoire de tous les maux, fous.

    Le chasseur utilise l'appeau pour attirer sa proie, effroi

    Le lover utilise la peau pour attirer la soie, émoi.

    « je t'ai dans la peau » répétera la midinette,

    « je t'ai dans la peau », lui répondra la tatoué

    « Je suis bien dans ma peau » semble crier la jeune-fille nue à la fenêtre..

    Et ma peau à moi elle dit quoi ?

    Peau de chagrin ?

    A fleur de peau !

    Jouer sa peau ?

    Je tiens à ma peau !

    Etre dans la peau d'un personnage ?

    Peau de vache !

    Dans le grain de ma peau on peut tout lire :

    la génétique héritée,

    mes grains qu'on dit de beauté qui conduisent à la folie lorsque l'on veut les compter, qui ramènent à la poésie lorsque l'on veut les conter,

    mes boursoufflures et mes rides, nés des excès de plaisir, d'excès de rire, d'appétit de vie

    mes cicatrices, les petites et la grosse, une bataille gagnée mais guerre n'est jamais finie.

    J'aime ma peau et ses défauts qui font qui je suis.

     

    Un signe de toi...

    L'appeau fonctionne,

    ma peau frissonne,

    sceau d'homme et go more....

    Ta peau à toi...

    Elle me hante,

    Elle me manque,

    Elle me tente... 

    IMGP0485.JPG« Montre-moi encore
    Le monde à l'envers
    L'envers de ton corps
    Me donne des vertiges

    Sous ta peau
    Douce et lisse
    Tu me laisses
    Entrevoir
    Les coulisses
    Où tout se passe »  

    ( « sous ta peau », M. )

    La peau d’autrui … est un détroit où l’on ne peut que se perdre...

    Parfois aussi c'est un endroit où l'on se retrouve, soi, où l'on retrouve l'enfant que l'on était, celle qu'on était avant de devenir, la peau originelle où erre le fantôme de l'hymen. Un endroit chaud où se blottir. Régresser. Progresser.

    Une caresse et un monde de soupirs s'ouvre : douceur des souvenirs, douleur du devenir.

    Ta peau, comme j'aime m'y perdre quand on se retrouve...

    Illusion de fusion, je sais que je me consume mais j'assume, serait-ce si beau si ce n'était pas vain ?

    Ta peau restera à jamais mon drapeau,

    un étendard au loin,

    un phare réconfortant qui me rappelle d'où je viens,

    mon héritage, mon héros pas sage.

    Jusqu'au dernier soupir, jusqu'au dernier souffle,

    je ferme les yeux et tu restes sous ma pau,pière.