C’était vers l’an 2000, c’était l’année zéro.
A Worms, avant la synagogue, avant le musée, un vieil homme nous a laissé la clé du Mikvé.
Je ne savais pas ce que j’allais voir, je crois même que je n’avais aucune idée de ce qui se cachait là. Je n’avais que mon amour inconditionnel des persécutés, d’immodestes bouffées de tendresse pour effacer tous les crimes. Des principes, des théories, pas de vécu.
On a poussé la porte, descendu quelques marches, vu les niches où les femmes se déshabillaient, redescendu quelques marches.
Je ne les ai pas comptées. J’aurais aimé dire qu’il y en avait quinze, autant que le temple de Salomon en comptait, mais je n’en savais rien.
A presque trente ans, je ne savais rien, je n’avais fait que courir et m’engager dans la vie sur une route tracée par mes parents, sans questions, sans aucune remise en question non plus. Il en allait de même pour ma spiritualité.
Je ne me souviens pas de toutes les phrases, des quelques explications laissées dans mon oreille, ce bain, rituel, cette eau, de la terre et du ciel, cette eau de Dieu et non des hommes, cet espace privilégié et presque secret, ce rendez-vous de femmes, cette purification.
Je n’ai vu que la surface.
Mais je suis partie troublée, avec quelque chose au fond de moi.
Le souvenir de Worms attendait de germer.
Le mikvé restait dans les limbes.