Ami, entends-tu
Le vol noir des corbeaux
Sur nos plaines?
Ami, entends-tu
Les cris sourds du pays
Qu'on enchaîne?
Ohé! partisans,
Ouvriers et paysans,
C'est l'alarme!
Ce soir l'ennemi
Connaîtra le prix du sang
Et des larmes !
Je suis de ces profs indignes que les musées barbent, de ces mauvaises enseignantes qui n'osent pas dire de brûler les livres (le traumatisme de l'Autodafé ) mais incite parfois les mômes à ne pas les ouvrir, pour vivre par eux mêmes.
Alors je préfère aller à la Boisserie qu'au nouveau mémorial, tout beau, tout neuf, too much, didactique, pédagogique, démagogique.
J'aime voir la maison, cossue mais tellement emprunte de normalité, je n'aime pas le culte mais je cherche mon expérience, tenter de ressentir, de me projeter dans l'histoire, même dans le passé. Je regarde la fenêtre d'où il écrivait ses mémoires. On l'a ouverte comme s'il n'était pas parti pour longtemps.
Je regarde la vue qu'il avait. Elle n'a pas pu changer. Cette partie de la France respire mais ne change pas. Il en parlait avec justesse, de ces "vastes, frustres et tristes horizons ; bois, prés, cultures et friches mélancoliques ; relief d'anciennes montagnes très usées et résignées ; villages tranquilles et peu fortunés dont rien, depuis des millénaires, n'a changé l'âme, ni la place " ( Autodafé - les cahiers au feu et la maitresse au milieu, page 133 ).
Mais je vais quand même au mémorial, par conscience professionnelle, par curiosité, pour juger après avoir vu. Et l'on se laisse prendre au piège du patriotisme. Dans le noir de l'exposition permanente, on chemine au fil des années, au fil des aventures de cet homme grand devenu grand homme.
Moi je me demande quand même d'où il est sorti ce type, pour faire tout ça.
Chapeau ( ou Képi plutôt ) !
Je ne reviendrai pas sur le personnage, sur le contenu scolaire, non, juste sur ce sentiment rassurant : la fierté d'appartenir à une nation qui a une histoire.
Je suis émue de voir ses mots reproduits sur les murs, comme si tous les mots couchés sur le papier ne finissaient pas tous par mourir. Je vibre lorsque mon passage devant la cellule photo-électrique déclenche la diffusion de l'hymne national, je suis prise aux tripes. Je me sens conne mais je laisse aller mon émotion, je sais bien que je vais sortir de ce tunnel, de ce musée, de cette immersion dans l'Histoire pour retrouver mes petites histoires.
Je ne boude pas mon plaisir, je regarde ces gens, les autres.
Je regarde ce couple derrière la vitre. Le regard évasif de Charles qui contemple ces gens qui le contemplent, comme un tête à tête de l'au-delà.
Qu'avons nous fait de sa France ? Sa France n'était-elle pas morte avant lui, avant 68 même ?
Qu'importe. Le passé donne la matière première au présent.
Il y a de Lui en Nous.
Il y a de Toi en Moi.
Commentaires
Jeanne, la chute de ton propos me rassure, à défaut d'un mot plus exact. Il y a eu cette lamentable histoire où un syndicat, je crois, a trouvé anormal que Charles figure parmi les écrivains dignes de ce nom.
Grand Homme, il le fut, même si, pour fédérer un peu plus, il a laissé accroire que la France toute entière avait été résistante...
Je peut comprendre la fierté d'appartenir à une nation qui a une histoire ( cette somme d'histoires connues ou pas, déformées souvent, tordues parfois). Ce qui ne cesse de me questionner ( rien de grave) c'est: " comment peut-on être fier de ce que l'on est" ? Personnellement, je me sens " de langue française" et rendre hommage à cette langue, qu'elle soit d'oc ou françoise, s'impose à moi et me ravit. Il faut réssusciter Marot, d'Aubigné, Mallarmé et honorer tous ceux pour qui la langue de Molière ne réduit pas à de la communication. Bonsoir. G.S. R.
Votre beau texte m'émeut. Il est à la dimesnsion de l'homme, de sa solitude, du grand chêne qu'on abat. Je suis de ceux qui ont regardé France 2 et je pense que Moatti a en partie raté son affaire. La tentative était louable mais il est vrai que le docudrama est un genre difficile. La confrontation de l'acteur avec l'image d'archive s'agissant surtout du Grand Charles ne pouvait-être qu'impitoyable pour l'acteur.Mais je dis celà peut-être parceque je suis d'une génération qui a gardé le personnage dans la peau. Pour des raisons personnelles j'ai vécu intensément cette saga (celle des années 60) qui se confond avec mon adolescence. Je vous en reparlerai. Comme vous dites il y a de lui en nous. Bonne nuit.