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  • De(ux)troit de Cook

    Carnet de vacances - été 2018

     

    Sur le chemin qui mène plus au Sud encore des antipodes, je suis les traces de James Cook.
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    On quitte Wellington comme on y arrive : avec une douce facilité, le monde s’ouvre à nous, le monde s’offre à qui regarde l’horizon.

    La côte est découpée mais domptée par les hommes qui accrochent aux collines leurs maisons .

    Le phare de Pencarrow Head nous laisse partir, bientôt il n’y a que du bleu autour de nous, mer de Tasman.
    Je crois reconnaître les rivages.
    Ont-ils changé ?
    M’ont-ils attendue ?
    Debout sur le pont du ferry, je suis sereine, je me sens si forte d’être revenue, d’être toujours là.
    Dix ans de vie, dix ans de survie. Je n’en reviens toujours pas mais aujourd’hui je reviens le traverser, le détroit de Cook.
    J’ai l’impression que ce bout du monde m’appartient. Ou plutôt d’être à ma place. J’appartiens à ce monde et m’y tiens debout, ne cède pas.
    Certains rivages me semblent si familiers, mais j’en découvre d’autres.
    Pourtant, depuis James, le passage n’a pas changé.
    Est-ce que nous avons changé ?
    La mémoire fait son œuvre, fixant des images, en supprimant d’autres, sélectionnant, réorganisant.
    Alors, comme Annie Ernaux écrivait dans Passion Simple cette question qui m’a toujours hantée « où est notre ( mon ? ) histoire ? ».
    Je peux me demander de même : où est le réel ? Qu’est-ce que connaître ?
    Toute appréhension est personnelle et partielle. Je suis là, mais j’oublie. Je vis mais ne vois pas tout.

    Où est donc notre histoire ?
    Qu’avons-nous vécu ?
    Peut-on seulement dire « notre réel » ? Ce que je vis est unique, insaisissable et ne peut être totalement partagé. Chaque événement traverse mon corps et mon âme, je modifie sans le vouloir ce simple vécu pour le faire mien. Un chant polyphonique maori va me tirer les larmes alors que cette femme assise là-bas, qui entend le même chant, pense à son repas du soir et a hâte que ce cirque finisse.

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    Les Marlborough Sounds sont en vue. Je rejoins le pont supérieur pour ne rien manquer. La nature m’entoure, je suis au centre du monde, au cœur de la vie. Comme il y a dix ans. Comme James en 1769. Les rivages sont vierges, abordés par quelques pêcheurs, c’est un univers bicolore : bleu et vert. J’ai mis dans mes oreilles les mêmes musiques pour me faire croire que je suis la même. Derrière le bateau une traînée blanche. Qui va disparaître. Comme ta trace entre mes cuisses.

    Y penses-tu seulement, de temps en temps ?
    Les événements passent par notre propre filtre avant d’exister vraiment.
    Nous avons partagé des moments mais avons-nous le même vécu ?
    Je sais que cela a existé, que tu étais là, qu’il y a eu tes doigts sur moi.
    Le reste, c’est interprétation.
    Qualifier ces moments, mettre un Nous, c’est mon filtre, ce sont mes désirs.
    La fusion, la communion, voilà d’utopiques concepts romantiques.
    Reste le chemin que nous avons partagé, côte à côte, un réel rétréci, presque froid, dépassionné pour que personne ne puisse le nier.
    Je sais, Annie, où est mon histoire.
    Elle est en moi.
    Personne ne peut vraiment en voir l’étendue, la beauté, la folie, la passion.
    Personne ne saurait ressentir cette faim, décrire mon envie.
    Elle est si belle mon histoire.
    J’aime que tu l’aies partagée, en partie, même un instant.
    Personne ne pourra me la voler.
    C’est moi qui ai vécu.

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    Picton se cache encore un peu dans sa baie.
    La parenthèse introspective entre L’Île du Nord et L’Île du Sud se referme.
    Je reste immobile sur le pont, apaisée par la majesté de l’endroit, rassurée par sa permanence. L’érosion a fait son œuvre, imperceptiblement, comme le temps sur mon visage mais nous sommes toujours là.
    Le détroit et moi.
    Toi et moi.

  • Envie

    Carnet de vacances - été 2018

     

    J’ai envie

    Je suis envie

    En vie.

     

    J’ai l’impression d’avoir toujours envie.

    Je flâne dans le musée « Te Papa Tongarewa » (en maori, « le lieu des trésors de cette terre »).

    Je musarde, me hasarde et me dis « j’ai envie de baiser ». envie 1.PNG

    Je dis cela parce que je ne le dis qu’à moi, qu’il ne faut pas travestir les mots de bienséance lorsqu’on dialogue entre soi.

    C’est une étrange sensation. Ce n’est pas désagréable, je vis avec ça, c’est un état permanent.

    Je ne suis pas affamée, je pourrais l’être.

    L’envie ne souffre aucune désillusion, il n’y a pas d’impératif de réalisation.

    Je me demande pourquoi j’ai tout de même envie mais je me réjouis : c’est une preuve de vie. Celui qui n’a plus envie meurt.

    Je n’ai pas envie d’un rapport normé, convenu, oublié avant qu’il ne commence.

     

    Je me demande si cette envie n’est pas une envie de toi, uniquement de toi.

    Cette envie, sans faim impérieuse, est sans doute une forme d’attente.

    Je t’attends toujours.

    Je n’ai pas fait ton deuil.

    Je suis envie.

    Tu es en vie.

     

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    ( photos JM : murs du musée Te Papa, Wellington)

     

  • Wellington

    Carnet de vacances - été 2018

     

    Au bout du monde, Wellington est un finistère, toutes les routes y mènent et se jettent dans la baie, toutes les routes en partent et desservent L’Île du Nord.

    Wellington est une ville où on arrive et d’où l’on part.   well.PNG

    Je me demande s’il y a des personnes qui y restent.

    Le vent s’engouffre avec force dans les rues, le vent nous pousse à bouger le vent nous emporte ailleurs.

    La ville ouvre ses bras vers le détroit.

    James Cook imaginait-il cela ?

    La nuit tombe.

    Demain le bal des porte-conteneurs et des ferrys va reprendre, amenant et emportant hommes et marchandises.

    Je me promène dans les rues, comme il y a 10 ans.

    Je n’y étais restée que quelques heures, comme toute cette effervescence en transit et pourtant tout me paraît familier : les odeurs, les ambiances, le vent.

    Je suis en terre connue, je suis presque chez moi.

    Cette atmosphère avait marqué ma mémoire alors que je n’ai fait qu’y passer.

    Comme si la ville était entrée en moi pour me marquer à jamais.

     

    Il ne faut pas toujours beaucoup de temps pour marquer la mémoire à tout jamais.

  • le lundi volé

    carnet de vacances - été 2018

     

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    J’ai chaud

    j’ai froid

    je respire

    mon cœur bat

    je somnole

    je rigole quand tu veux gonfler l’oreiller de voyage.

    Je m’endors sur ton épaule,

    la chaleur de ta peau me rassure.

     

    Pourtant je vis un jour qui n’existe pas.

    Décollage dimanche soir, retour sur terre mardi en fin de matinée.

    Ils font quoi, les hommes en bas ?

    Est-ce qu’ils sont sages ?

    Certains vont mourir, d’autres divorcer.

    Moi je suis là,

    suspendue entre un hier et un demain qui va se vêtit d’aujourd’hui.

    Il n’y a plus rien à faire, le sort en est jeté.

    A moi de sortir de cet avion et de vivre,

    dans un autre pays, presque un autre monde.avion fuseau.jpg

     

    Qui me rendra le lundi perdu ?

     

     

  • Verbena

    Carnet de vacances - été 2018

    Six heures d’avion,

    puis seize heures d’avion…

     

    Je me suis aspergée de Verveine,

    je voyage dans un nuage de fragrance citronnée,

    la même que je dépose entre mes seins quand je sais que tu vas venir,

    ce parfum qui accompagne nos nuits gourmandes.

     

    Cette odeur me calme et m’apaise,

    déposant mon inconscient sur un oreiller de douceur.

     

    Et si je ferme les yeux,IMG_2816.JPG

    enivrée de cette senteur,

    je voyage vers toi,

    je sens presque ta main sur mon sein

    et tes yeux un peu plus loin.

     

    La Verveine est comme un autre voyage,

    intérieur.

     

    La Verveine me ramène à toi.

     

    La Verveine me ramène à moi.

     

  • Les Autres

    Carnet de vacances - été 2018

     

    Dans les aéroports, on devrait se retrouver entre soi, entre gens chanceux de voyager, avec nos tenues estivales, décontractées mais neuves, avec notre teint blafard, mais provisoire.

    Si la clientèle est triée, si les exclus sont exclus, le seul point commun est souvent la destination.

    Dès le comptoir, on les voit, les Autres.

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    Ceux qui voyagent en groupe, en meute, en clan alors que l’on se tient encore amoureusement par la main.

    Ceux qui en sont la premier voyage, couple reformé qui espère.

    Ceux qui enregistrent des tonnes de bagages et gardent encore une valise à roulettes comme bagage dit "à main" en cabine alors que toutes mes affaires du mois tiennent dans un sac.

    Ceux qui stressent.

    Ceux qui s’engueulent.avions 2.jpg

    Ceux qui voyagent avec des enfants qui hurlent.

    Il y a des femmes en pantalon de lin blanc, le vêtement le plus salissant et le plus froissable qui soit.

    Il y a des gens en tongs, il y a des gens en short. Et moi je me trimballe en veste d’hiver.

    Il y a ceux qui partent pour le plaisir, ceux qui partent par obligation, ceux qui vont travailler, ceux qui vont s’amuser…

    Des enfants voyagent seuls, escortées par des hôtesses, avec leur grosse étiquette autour du cou, stigmatisés enfants de divorcés, ils rejoignent maman ou papa pour l’été.

    Il y a ceux qui rentrent chez eux, dans ces pays où tout le monde part.

     

    Aéroport International.

    Dans le même endroit mais tellement différents.

    On est entouré d’Autres…