La région de Drumheller, à l’est de Calgary, Canada, est réputée pour ses dinosaures.
Je n’ai jamais été attirée par ces bestioles, je n’ai jamais été jurassique-maniaque.
Mais aller à Drumheller m’intéressait, surtout pour le milieu, la géographie.
Alors aller à Drumheller pour les Hoodoos, ces cheminées de fées, tellement magiques.
Alors aller à Drumheller parce qu’on appelle cette zone les Badlands et que moi je me dis qu’un pays ne peut être si bad, que le Bad a une âme et une histoire plus forte peut-être que les zones où s’écoule le miel. Alors oui, ces Badlands sont immenses, interminables et parfois monotones, mais toujours authentiques et magnifiques, démesurés.
Ayant fait la route, je suis tout de même allée voir les dinosaures…
Si on en a trouvé beaucoup ici, c’est que la géologie a favorisé à la fois la conservation et la mise à jour de nombreux vestiges plus beaux et incroyables les uns que les autres.
Même une néophyte trouve à s’émerveiller dans les allées du Musée Royal Tyrrell.
Le musée est surpeuplé, plein d’enfants qui grouillent, plein de poussettes en ce mois de juillet.
Des pièces exceptionnelles sont exposées, par leur taille ou leur valeur.
J’y ai vu des ammonites magnifiques aux couleurs féériques, j’ai été émue par ces morceaux de roches, troués d’empreintes de dinosaures.
Vraiment émue.
J’avance et je vois ces squelettes.
Un sentiment étrange ne me lâche plus.
Je regarde ces os comme je regarderais ceux de Pompéi, ces dinosaures couchés et recroquevillés.
Je me sens chanceuse de les voir, mais je suis gênée, comme si je rentrais par effraction dans leur intimité.
Le hall « lords of the lands » porte bien son nom : dans cette salle plongée dans l’obscurité, un grand Ty-Rex semble courir encore, voler dans l’espace, avec ses petits amis, on ne voit rien des supports, l’éclairage ne souligne que les os.
Je reste sans mots.
Sur les murs de cette pièce noire d’étranges tableaux de famille, encadrés d’or.
Je ne peux détacher mon regard de ce « tableau »…
Je ne peux m’empêcher de me demander s’il y a quelque part des tableaux de la sorte, avec des os d’humains, je ne peux m’empêcher de me dire que ce morceau d’être qui fut vivant a eu une famille, je ne peux m’empêcher de me demander si nous aussi un jour serons sous cloche et observés par des foules en tongs….
Je n’ai jamais eu la passion des dinosaures.
A Drumheller, j’ai eu la compassion des dinosaures.
Commentaires
Héhé!
Excellent article, plein de sens pour le "jurassique-maniaque" que j'ai été, et plein d'intrigues (nouvelles?) pour le métaphysicien que je suis. Plusieurs phrases m'ont particulièrement ému:
"le "Bad" a une âme et une histoire plus forte peut-être que les zones où s’écoulent le miel." De la souffrance naissent les expériences, des erreurs naissent les succès.
"Même une néophyte trouve à s’émerveiller dans les allées du Musée Royal Tyrrell." Un néophyte dans un musée, c'est déjà une victoire.
"Je ne peux m’empêcher de me demander s’il y a quelque part des tableaux de la sorte, avec des os d’humains" Y aura? Ou pas?
"je ne peux m’empêcher de me dire que ce morceau d’être qui fut vivant a eu une famille, je ne peux m’empêcher de me demander si nous aussi un jour serons sous cloche et observés par des foules" Oui... La mortalité, la vacuité de l'être.... La subjectivité de notre prétendue suprématie...
J'adore.