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les Caprices de l'Existence

Merci Bernard…

 

Bernard Giraudeau est mort. Il ne nous a pas quittés, il n’est pas parti, il est mort.

 

On a beau savoir qu’on va peut-être mourir, on oublie souvent qu’on mourra.

C’est une question de notion du temps, pas de conjugaison.

 

BERNARD ado.jpgBernard, je l’aimais ado parce qu’il était beau.

J’avais cette photo sur mes cahiers, au collège, je ne voyais que lui, le Ruffian, les Longs Manteaux, l’Année des Méduses…

Puis en grandissant, j’ai compris que le cinéma, ce n’était pas toujours uniquement pour les yeux. Après l’Amour, une Affaire de Gout,  Gouttes d’eau sur Pierres Brûlantes.

Et les Caprices d’un Fleuve…

 

Je suis arrivée sur les mots de Bernard, un Marin à l’Ancre, les Dames de Nages, Mon Amour…

L’image qu’aimait l’ado n’avait plus aucune importance, l’homme qu’aimait l’adulte était devenu bien plus beau, de l’intérieur.

 

Puis Bernard a dit « cancer ».

Ce n’est pas parce qu’on prononce le mot qu’on meurt.

Mais moi, je suis touchée, en ricochet.

 

Bernard secoue, dit qu’on se crée son cancer. Alors moi, cancer de la peau pour celle qui se sent mal dans sa peau ? Cancer de la peau pour celle qui voudrait changer de peau ?

 

Bernard étonne, dit «  je le savais, je m’y attendais » et je partage, moi suis entrée à l’hôpital, le bras bandé en disant «  j’ai un mélanome hémorragique ». J’avais déjà posé le diagnostique, je le savais. Le moment de m’en occuper était juste venu. Je le savais.  Et je n’ai pas trainé avant de me faire traiter, j’ai juste attendu d’être prête.

 

Bernard conjure «  le patient ne doit pas se faire voler son cancer », c’est moi qui décide et même si je tremble, même si je voudrais que l’on me dise, que l’on me garantisse, c’est moi qui décide. Ça fait mal de choisir, alors qu’on n’en sait rien, ça fait mal de dire «  je refuse l’immunothérapie » avec le regard des autres qui ne comprennent pas, qui nous croient lâche ou suicidaire. Ce n’était pas une fuite, j’ai juste osé faire ce que mon corps et mon âme me disaient à ce moment là de ma vie, j’ai eu le courage de dire « non ».

 

Bernard  n’était pas complaisant, ni avec lui, ni avec la médecine, rejetait l’apitoiement, utilisait les mots, nus, ceux qu’il faut.

« Mon fatalisme, n’est pas un pessimisme », je pense qu’il aurait accepté cette phrase que je répète souvent à ceux qui sont choqués de mes paroles, les bien-vivants qui pensent avoir déjà pensé la mort mais ne l’ont pas vécu dans leur chair.

 

Je vais mourir mon amour.

 

bernard gira horlaoge.jpgBernard m’a fait pleurer, dans le Magazine de la Santé, parce qu’il a mis des mots sur mes maux.

Porte-drapeau des cancéreux, derrière lui je n’ai pas honte de montrer ma carte de membre, tatouée à mon bras. Je voulais lui dire, je voulais lui écrire, j’aurais aimé le rencontrer. Pour tout ce qu’il est, pour tout ce qu’il m’a donné, au fil de mes vies, la première et la deuxième qui j’ai entamé il y a deux ans.

 

Bernard le disait si bien :  la maladie «  un long chemin vers soi, une deuxième vie ».

 

véro horloge.JPGJe suis déjà morte.

Je vis.

Je n’ai pas de double vie, j’en ai une deuxième.

 

 

Je tournais un petit film entre amis ce samedi lorsqu’un SMS m’informe de son décès.

Putain…

Je suis choquée de ce rappel au réel.

Une fraction de seconde je suis découragée, si les porte-drapeaux se permettent de mourir, où va-t-on ?

On a beau savoir qu’on va peut-être mourir, on oublie souvent qu’on mourra…

Je reprends ma respiration, pas une vie à perdre, je vais toute les vivre en une fois.

Ce n’est pas que je m'éparpille, je me répartis.

Partout.

Et l’horloge qui tourne ne fait que repasser sur le XI.

 

Merci Bernard…

 

J’ai mal tout de même, à ma vie, à mes envies.

J’ai mal pour les autres qui n’ont peut-être pas intégré ma notion nouvelle du temps.

Je ne serais peut-être pas là pour finir ce film.

Je ne serais peut-être pas avec toi pour regarder vomir les volcans d’Hawaï.

 

Mais j’avance, sur ce long chemin vers moi.

 

Et je suis de plus en plus.

 

 

Et souviens toi que je t'attends
J'ai eu le courage de regarder en arrière
Le cadavre de mes jours
Et toi mon cœur pourquoi bats-tu
Comme un guetteur mélancolique
J'observe la nuit et la mort
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont, je demeure.

(Apollinaire)

 

http://www.bonjour-docteur.com/actualite-sante-bernard-giraudeau-son-combat-contre-le-cancer-2630.asp?1=1

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