« La maladie, c’est aussi un voyage immobile.
Un voyage extrêmement violent, contraignant, unique, que l’on ne trouvera nulle part ailleurs, même chez un autre malade atteint du même mal.
Je ne me suis jamais demandé « pourquoi moi ? » mais « pourquoi ? ». Il y a une raison, elle existe. Est-ce que je suis ce que je dois être ? Est-ce que je suis à la bonne place ? La vie est si complexe qu’on reste sourd et aveugle, longtemps. La maladie m’a appris à vivre l’instant.
La notion de bonheur est plus calme, plus franche, plus immédiate, je ne suis pas en quête. C’est un long voyage que de renaître.» Bernard Giraudeau, VSD, 2009.
Cher Bernard,
Vous êtes parti.
Je pars aussi.
En voyage mobile.
Le voyage immobile dont vous parlez n’est pas, pour moi, terminé : je fais tamponner mon passeport régulièrement et renouvelle mon permis de séjour pour trois mois à chaque fois. Il n’y a pas de hiérarchie dans la souffrance, il n’y a que des vécus, uniques.
A cette étape du voyage au fond de ma vie, je ne me demande même plus « pourquoi », je ne verbalise plus, je vis et contemple, boulimique de sensations, j’observe et attends paisiblement toutes les réponses. J’ai changé de rythme, dans ma deuxième vie, je ne demande plus, je reçois.
Je pars en voyage, au delà du cercle pôlaire, à la frontière du monde. Je remonterai le temps dans les vallées glaciaires, je relierai l’infiniment grand à l’infiniment petit, mais c’est bien moi que je pars explorer, poussière dans l’immensité, perdue j’espère me trouver.
Il faut que je laisse derrière moi les images de moi, le carcan des habitudes sociales, les couvertures.
Au rorbu du monde, je ne veux rien faire d’autre qu’être moi.
Je penserai à vous.
Commentaires
Oui, Jeanne, la maladie est un moment de guérison vers soi.