Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Examen, de conscience

    Ils m’ont foutue là : dans la salle du cancéreux.

    J’aurais pu surveiller les adolescents exubérants, les petits merdeux déjà fiers d’eux, les inconscients qui se croient déjà grands.

    Et je me retrouve là, à surveiller le condamné, c’est ma peine.

    salle mangin.JPG

    Je pensais que je ne supporterai pas de le voir, gonflé, enpansemensé, rougi, bouffi, presque impotent même si les cheveux cachent les cicatrices.

    Pour qu’il soit traité comme les autres, j’ai contrôlé son identité, mais je sais bien que c’est lui. C’est lui que je fuis depuis qu’il est revenu au collège, depuis qu’il est revenu dans cette vie, avec un morceau de crabe en moins, avec des espérances de devenir en moins.

    Le croiser dans la cour m’est insupportable, comme un mauvais reflet : est-ce ainsi que les gens meurent, dans l’indifférence d’une foule grouillante ? Je le croise dans la cour, ses jambes gonflées ont du mal  le porter, il avance droit mais on voit tout ce qu’il porte, on dit bonjour et l’on sourit pour s’excuser d’être en vie et l’on baisse les yeux : dans quelques instants ça ira mieux.

    Je contrôle sa convocation, nonchalamment. Sa carte d’identité nationale.

    Comme tous les ados, elle est assez récente, il a sa tête d’enfant.

    Non, il a sa tête d’AVANT.

    Je le connais bien, il était dans ma classe. Je m‘interdis de comparer, je ne veux pas voir qu’il est méconnaissable. A quinze ans, il n’a pas encore vécu pourtant il a déjà eu deux vies.

    Moi je suis là et je me demande si un jour quelqu’un se demandera qui est cette femme sur ma carte d’identité.

    Combien de fois peut-on renouveler un CDD ?

  • réduction

    enfants fête.JPG

     Jamais je n'aurai cet enfant qui pleure
    Un enfant qui rit auprès de moi
    Pourtant je l'invente dans des rêves
    Je le prends la nuit dans mes bras
    Il grandira dans le ciel et le froid
    Il apprendra les étoiles sans moi...
    ( Yves Simon )

     

    J’aurais pu m’ennuyer, m’endormir, je me demande si je n’aurais pas du m’enfuir.

    Je me suis retrouvée devant la scène, à attendre l’après.

    J’ai vu  tout ces gens, avec des poussettes et des choses dedans

    Tous ces vieux aussi, et des trucs autour qui courent en disant mamie

    Et sur une chaise comme un intrus : mon cul.

    Bien sûr, il ya eu des fausses notes en bouquet, des couacs en gerbe et des blancs qu’on n’a pas pu effacer…

    Mais je l’ai vue, la petite fille à la guitare bleue :

    Ses couettes, ses joues rebondies et ses lunettes…

    guitare enfant.JPG

    Je me suis vue,

    Du temps où mes pieds ne touchaient pas encore par terre…

    Je me suis vue…

    Comme si la reproduction de moi que je n’ai pas m’avait été volée.

     

     

     

    Ce que je n’ai pas ne me manque pas, la plupart du temps.

    La plupart du temps, ce n’est pas tout le temps.

    J’aurais pu m’ennuyer, m’endormir, j’aurais du m’enfuir.

     

  • pièce à conviction

     

    300px-Victor_hugo.jpg Ça m’a un peu impressionnée de le trouver là,

    Victor

    Moi qui étais partie à l’aube, à l’heure où blanchissait encore ma campagne

     

    balzac.jpgÇa m’a un peu impressionnée de le voir là,

    Honoré

    Moi qui me sentais Rastignac en déambulant dans les rues de Paris.

     

    J’ai pris le temps

    Mon reflet dans le comptoir

    Pour me voir là

    Une image pour exister

    Un cliché pour ne pas oublier.

    DSCF7880b.JPG

    Je dépose mon roman

    Je confie mes mots

    J’assume et je suis fière.

    J’avoue…

    Ce que tu as déposé en moi

    Qui a grandi

    Et tout le gluant qui en est sorti.

    Je viens d’accoucher

    DSCF78851b.JPGEt à l’état civil de la littérature

    Je viens déclarer mon enfant

    Autodafé est son prénom

    Victor et Honoré sont ses parrains.

    Merci la vie.

     

     ( date de naissance : 27 mai 2009 )

  • sortir du lot

    La vie est comme un champ de blé...

    blés.JPGDans la foule anonyme des épis bien comme il faut, tous normés, gras et gros,


    dépassent des épis tout ébouriffés, poilus qui dansent au vent, insolents...


    Ils ont ma préférence...

     

     

  • le siège de l'âme

    attente.JPG

    Salle d’attente de la vie,

    Il y a de  sièges pour tous les culs…

    Les culs gonflés, les culs rembourrés

    Peuvent discrètement s’étaler

    Sur leur chaise molletonnée,

    Les culs coincés, les culs serrés

    Peuvent rester bien droits

    Sur la chaise en bois,

    Les culs modernes, les culs libérés

    Peuvent feuilleter les magazines

    Sur leur chaise framboisine,

    Les culs innocents, les culs juvéniles

    Peuvent tenter d’échapper au monde grand

    Sur leur chaise en plastique couleur océan.

    Des sièges, il n’y en a pas un pareil,

    Pour nous faire croire que chaque cul est individuel.

    C’est vrai, mais le dernier sommeil,

    Ça, c’est universel…

     

     

    (photo réalisée sans mise en scène, salle d’attente service dermatologie, CHU Nancy, 10.05.10)

  • bon sang d'bon temps !

    Le bon temps, c'est quand ?
    Quand on est vivant.
    Le bon temps, c'est quand ?
    Quand on est vivant, seulement.
    Vous les bons Dieux, les rois du ciel,
    Les planteurs d'arbres de Noël
    Qui surveillez toutes mes conneries
    Pour m'interdire vos paradis,
    Sachez que je lève mon verre
    Aux années qu'il me reste à faire.

    ( Michel Sardou )

     

    CIMG1758b.JPGSous le bras, dans l'axillaire, j'ai une porte d'entrée - porte de sortie aussi - .

    A coup de scalpel on a pêché les ganglions et parce qu'ils n'étaient pas atteints on m'a dit en sursit.

    Le temps a blanchi la cicatrice, on ne voit rien.

    Souvent je fais semblant de rien.

    Mais ce matin, j'ai mal.

    Rien de palpable, mais "j'ai les boules"... dans la gorge déjà, la colère qui enfle.

    Cela monte comme une vague en moi, un tsunami parfum vomi.

    Si je cours c'est pour vivre, pas pour fuir.

    Ce rappel permanent, je ne le supporte plus.

    Je serai là au rendez-vous,

    je n'ai pas peur,

    mais d'ici là accordez-moi une faveur :

    "Ganglions, taisez vous ! "

     .

     

  • amours contre nature

     

    Il était une fois un pouce qui aimait un orteil.
    Il le regardait tous les matins et cachait précieusement son amour sous la laine.
    Le soir il vérifiait qu’il était toujours là, bien au chaud.
    Même ongle, même peau, mêmes os…
    Il voulait y croire : main froide, pied froid, même combat.
    Les autres doigts le mirent à l’index : des amours comme ça, ça n’existe pas…
    Il était une fois un pouce qui aimait un orteil…
    Il est vrai que ce pouce avait un grain !pied.JPG