Elle écoute pousser les fleurs
Au milieu du bruit des moteurs
Avec de l'eau de pluie
Et du parfum d'encens
Elle voyage de temps en temps
Avant de partir, il faut donner une bonne correction à la nature, pour s'assurer qu'elle ne va pas reprendre ses droits en notre absence. Mon herbe est déjà coupée, ma petite pelouse personnelle est rase, rasée même. Sur les bordures, c'est plus flou, c'est plus fou, les haies prennent de l'ampleur avalant le chemin, plongeant mes pas dans l'obscurité.
Alors j'ai pris le taille-haies. Mais on ne se méfie jamais assez de l'eau qui dort, ou des haies qui poussent... "Troène m'a tuer", c'est le mot qu'on a retrouvé, écrit en lettres de chlorophylle. La guerre contre le vert a fait un mort : Flymo easycut. Quel nom prédestiné, il s'est suicidé, et a coupé lui-même son cordon ombilical, vraiment easy.
Je regarde son cadavre, là, dans la brouette qui lui sert de cercueil et je me demande si c'est à conseiller, de couper les ponts, de couper le cordon. Parfois, on en meurt...
J'ai tout de même pu mener à bien mon massacre à la tronçonneuse, avec un taille-haie free lance, le malheur des uns fait le bonheur des autres... Terminé, toutes les branches bien alignées, anarchie éloignée, triomphe temporaire de l'humanité sur la nature...
Toutes ? Non... Il est resté une branche rebelle qui tentait de s'élever vers le ciel malgré le bruit menaçant des cisailles. Il est une branche même pas si rebelle que cela, juste pleine de vie et d'envie qui n'a pas voulu se conformer à la soumission des masses feuillues voisines. Je jalouse son courage, sa force insolente. Elle ne veut pas forcément être différente mais elle veut sans doute exister par elle-même, en dehors du groupe, elle veut être. Elle danse au gré du vent, elle me regarde...
Et je la laisse vivre, trop heureuse qu'elle existe.