Je suis retourné lire sous le grand saule, avant que le vent de l'hiver ne m'en empêche. J'aime être dehors, avec le murmure des feuilles qui dansent en laissant passer à leur convenance les rayons du soleil qui viennent éclairer les pages par intermittence.
"je suis près de toi mais si loin de vous", en lisant je deviens un peu moi aussi la fausse veuve.
J'ai refermé le livre juste avant la fin, comme si je pouvais, par ce geste, éviter que l'histoire ne meurt.
En rentrant chez moi, en retournant dans ma vie, je passe à côté des framboises et picore les derniers fruits avant que les plants n'hibernent. Plaisir de gosse.
En remontant la petite allée de pierres, je passe devant mon rosier favori, celui qui donne des fleurs couleur coucher de soleil.
Il n'a pas fleuri cette année, attaqué par une étrange maladie, triste destin des rosiers non remontants, une attaque parasite et c'est toute une année pour rien, pas de fleurs, jamais, des feuilles qui ne servent à rien, comme une femme sans enfant.
Je passe à côté de lui, son feuillage est tâché, des branches entières déséchées. Je passe et je vois...
Un bouton, un beau petit bouton tout rose qui relève fièrement la tête.
Je me rends compte que je n'étais pas là, au printemps, lorsqu'il aurait dû fleurir.
Nous étions tous les deux attaqués, affaiblis par la maladie.
Je regarde cette jeune pousse comme un miracle, émue et amusée, je rentre chez moi le sourire aux lèvres et je me dis que mon rosier et moi avons vaincu...
Pour cette année du moins.