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  • traces de moi

    Moi, ce que j’aime, ce sont les traces.

    Ces témoins immobiles et muets qui nous disent :

    il y a eu de la Vie ici.

    J’aime chercher ce qui ne saute pas aux yeux,

    j’aime voir ce que personne ne regarde.

    traces roues.jpg

    Pas du tout historienne, je serais plus archéologue,

    à la recherche des signes d’un passé oublié,

    ramener des êtres à la vie en combattant l’oubli.

    J’aime les bâtiments enfouis dont ne subsistent que les fondations,

    je ferme les yeux et j’imagine les volumes,

    j’aime voir, à l’entrée d’un château fort ,

    le grès creusé par les roues des charriots,

    un regard et j’entends le son des sabots.

    J’aime les coups de pioches sur la roche,

    ils signent le travail des sculpteurs lorsque s’est évaporée la sueur

    j’aime les marches d’escaliers érodées.

    J’aime les lieux abandonnés,

    les villes fantômes.

     

    J’aime bien aussi toutes les traces que l'on peut lire dans la nature qui ne sont pas humaines.

    oxbow.jpg

    Les stries laissées par les glaciers sur les rochers de Central Park,

    les oxbows dans les champs qui laissent deviner l’ancien cours de la rivière, à la faveur d’inondations,

    les bourrelets morainiques,

    tout ce qui a disparu mais se lit tellement dans les paysages.

     

    Enfin, j’aime les traces sur mon corps.

    Les cicatrices avant tout qui sont mon histoire,

    elles racontent mon parcours,bras.png

    le dégradé de leurs couleurs laisse deviner la chronologie.

    J’aime mes cheveux blancs et mes rides

    j’adore dire que je suis vieille

    car cela signifie que je suis encore en vie

    tant pis si je n’ai « que » cinquante ans.

     

    Je sais par contre que je ne laisserai pas beaucoup de traces.

    Exceptée mon emprunte carbone, mes déchets non recyclables,

    mes milliers de litres de pisse et de merde,

    puis enfin mon corps, en cendres.

    Sans enfant, je ne m’accroche pas eu leurre de la transmission.

    Je vais disparaître, c’est tout.

    J’aurais aimé publier un beau roman, abouti,

    pour fixer mon histoire, immodestement.

    Une trace de qui je suis vraiment.

    Je me contenterai plus sûrement des traces que je laisserai dans la vie des gens,

    ces souvenirs de moi qui constituent mon puzzle :

    une petite fille sage, une élève timide et discrète,

    une grande sœur, un professeur bienveillant,

    une pipe d’anthologie, une maîtresse inventive,

    une fontaine imprévue, une amie à l’écoute,

    une belle-fille dévouée, une malade philosophe,

    une nageuse régulière, une actrice enthousiaste,

    des sculptures amusantes, des poèmes érotico-intellos,

    une cliente chiante, le femme de,

    la voisine aux mains vertes…

     

    Je dois me contenter de cela : l’infime trace laissée dans la vie de ceux qui m’ont croisée.

    Ces traces infimes définissent notre humanité.

    Elles disparaissent avec ceux qui les portent et je ne serai plus qu’un nom dans un registre.

    Faut-il chercher à laisser une trace plus importante, une œuvre ?

    Pensée orgueilleuse ou naïf espoir : changer le monde.

    Rien n’est éternel.

    Tout est périssable.

    On finit tout de même par passer de mode, tomber dans l’oubli.

    Ou pire : être critiqué, enterré au nom d’une morale différente, de mentalités qui ont évolué.

     

    Notre ambition doit se limiter au présent.

    Il y a comme une urgence à vivre.

     

  • Suitcase ( sweet case )

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    Dans ma valise il y a

    un pantalon de randonnée,

    pour faire le tour des cratères inondés,

    aux eaux bleues et vertes,

    pour parcourir les chemins jusqu’aux miradouros et chopper le vertige,

    pas celui des hauteurs

    mais celui d’une sorte de bonheur,

    de ces bouffées de Vie qui rendent ivre.

     

    Dans ma valise il y a

    un maillot de bain noir et blanc

    pour affronter le ressac de l’océan

    et me plonger dans les bains chauffés par les respirations de la Terre

    comme dans le ventre d’une mère,

    retrouver la chaleur des entrailles dans des odeurs de soufre.

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    Dans ma valise il y a

    ma brosse à dents et puis une autre,

    ce petit détail qui dans les films fait comprendre que la fille ne voyage pas seule,

    qu’elle partage son intimité.

     

    Et puis dans ma valise il y a

    tout ce que l’on ne voit pas,

    tout ce qui m’a parfois empêché d’avancer,

    tout ce que je trimballe depuis toutes ces années,

    ce que je n’ai pas jeté,

    ce que je n’ai pas digéré.

    Dans mon surplus de bagage il y a toi tout entier.

    Mes souvenirs, mes désirs, ma réalité,

    tout ce que j’ai vécu, dans le noir et le silence.

    Du haut du Miradouro do Inferno

    j’aimerais bien te jeter, pour me sentir plus légère.

    Mais je sais que je me sentirais vide.

    Peut-être que mon cœur tomberait aussi.

    Alors, je te ramènerai, discrètement.

    C’est comme cela.

    Certains traînent des casseroles,

    moi, je trimballe un homme.

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