Dans le lac
chercher dans le lac
fouiller dans ce qu'il y a de plus épais
et de ce monde trouble et opaque
ramener le monstre
caché dans le lac.
Il y en a qui rêvent de Grand Canyon, de Statue de la Liberté, de Muraille de Chine. J'ai honte de mes privilèges : déjà vus.
Amoureuse de la Terre et curieuse de ses mystères, je n'en suis pas pour autant blasée, je sais encore rêver. Mon rêve de cet été était en Cascades, la chaîne de montagne...
On prend la route, on prend une carte et on y va. On ne se méfie pas. Et on ne voit rien venir, l'altitude s'élève doucement mais les pins gigantesques jouent à maintenir le suspens. Un parking. Un petit chemin qui monte. On ne se méfie toujours pas. Et puis le voilà : Crater Lake.
Le souffle coupé, une barrière en bois retient nos émois. Vertige délicieux.
Des eaux si bleues que l'objectif se noie dans une folie monochrome. Vision magique qui ne rassasie jamais, parce que jamais le lac ne se laisse embrasser dans son intégralité, d'un seul regard.
Alors on marche sur la crête pour tenter d'en faire le tour...
Il a inspiré des films hollywoodiens fumant d'extra-terrestres, les tribus indiennes racontent qu'il est le résultat du combat entre de la divinité maléfique du feu qui résidait sur le mont Mazama et de la divinité de la neige qui occupait le mont Shasta.
Moi, je connais son secret.
Je regarde ce trou immense imparfaitement circulaire, magnifiquement net. Bien avant les hommes ne maitrisent le feu, la Terre respirait et en s'étirant, en bâillant, elle a formé une bosse que d'autres appelleraient "cône volcanique". Eruption. Chambre magmatique vide. Effondrement. Caldeira. De la neige, de la pluie et voilà le travail caché sous un lac d'apparence si innocente...
Moi, je connais cette histoire. Cette divinité maléfique, ce feu qui couve, qui pousse de l'intérieur jusqu'à former une bosse et qui disparait en laissant une trace, un trou imparfaitement circulaire. De la peau, du temps et voilà le travail... sous une marque d'apparence si innocente...