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  • Méandres

    Lorsque vient l’automne, tout ce que la planète compte de géographes se retrouve à Saint-Dié-des-Vosges pour le festival international de Géographie, le FIG pour les intimes.

    Enfant du Grand Est, j’y suis souvent allée ces trente-trois dernières années.

    J’ai aimé cette année me replonger dans cette ambiance festive et scientifique, comme lorsque j’étais étudiante. De nombreuses conférences sont données, des cours, des tables rondes. D’un niveau revigorant, je redécouvre l’usage du mot paucité, je m’interroge sur le sens d’un autre. J’aime reprendre mes études, j’aime m’élever.

    Au Fig il y a aussi à boire et à manger, pour le corps comme l’esprit.

    Il y a un salon du livre magnifiquement dangereux.

    Magnifique car les références ont énormes, uniquement consacrées à la géographie, un peu d’histoire admettons, un peu de sociologie, bref, la vie.

    Dangereux car il faut garder les mains dans le dos pour ne pas tout acheter.

    On voit des livres merveilleux et intelligents dont on ne connaissait même pas l’existence, on se dit que l’édition n’est pas si mal en point. On se demande comment les auteurs font pour vivre avec une si faible visibilité.

    Quand soudain je l’ai vue, la carte œuvre d’art.mississipi 2.jpg

    Elle accroche médiatement mon œil.

    Je me suis dit quel génie ! Prendre de vieilles cartes et peindre par-dessus, customiser l’ancien pour lui redonner vie.

    Je trouve cela trop beau, je la veux !

    Je m’approche et je comprends, non sans émotion.

    Cette beauté n’est l’œuvre d’aucun artiste.

    Cette beauté est l’œuvre de la nature !

    Il s’agit d’une carte géologique du cours inférieur du Mississippi avec tous les états du fleuve depuis le début du pléistocène. Il y a 2,5 millions d’années.

    Là, sous nos yeux, nous avons un résumé de ce qu’est la vie, celle du fleuve et la nôtre aussi.

    Nous sommes une successions de couches, notre vécu nous compose, il ne faut pas oublier les anciens méandres, ils nous ont conduit où nous sommes aujourd’hui.

    J’ai accroché ce tableau dans mon salon, je le regarde en répétant ma phrase fétiche «  c’est moi qui ai vécu ».

  • je pense à toi

    Je pense à toi tout le temps.

    C'est ce que je ressens, une impression un rien coupable et réconfortante à la fois,

    je sais que tu es là quelque part, que tu existes, que tu vis.

     

    Je pense à toi tout le temps.

    N'est-ce qu'une impression ou plutôt quelque chose d'imprimé en moi ?

    Cela n'a rien de nouveau, c'est ainsi depuis la chambre noire, depuis la première lettre peut-être.

     

    Je pense à toi tout le temps.

    Et je fais la paix avec moi, et je fais la paix avec toi, il n'y avait qu'une guerre intestine, inutile, je t'ai peut-être volé et tu m'as prise, formée et déformée, tu es un composant de moi, une pièce fondatrice. Bien plus que les centimètres qui me pénétrèrent et s'évaporèrent, tu es et restes au plus profond de moi. Tu me constitues, il n'y a pas à culpabiliser, rien à renier, rien à refaire, rien à délier, tout à re-taire.

    Il n'est pas question d'amour, il n'est pas question de haine, tu es juste une composante du sang qui coule dans mes veines.

     

    Je ne pense pas plus à toi qu'avant.

    J'ai juste peur de t'oublier. Les fondations, ça s'enfouit dans le sol, on les perd vue.

    Je ne t'oublie pas mais les sensations s'estompent. La première brûlure, ta chevelure en bas, tes doigts à l'humide, cela reste. J'ai perdu ton goût, ton odeur, ta présence physique en moi.

    Je promène avec moi ce vécu invisible, je cherche la trace pour être certaine de ne pas avoir rêvé, je me rassure en me disant que seuls les vécus les plus exceptionnels ne peuvent être imaginés. Les traces de toi sont bien rangées dans ma mémoire, je sais qu'il leur suffira d'un rien pour se réveiller, souffler un peu la poussière, pousser la porte.

     

    J'aime savoir que tu es là.

    J'existe, tu existes, nous avons existé.

    J'ai peur.

    Comment peut-on autant se connaître en étant autant étranger l'un à l'autre ?

    Je veux...

    Je n'imagine pas...

     

    Je pense encore à toi.

    Et je sais pourtant que ce n'est pas toi.

    Je sais aussi que cela restera indissociable de toi.

    J'ai construit du réel dans les espaces, je t'ai imaginé dans les interstices, il y a ton corps quelque part et mon esprit fait le reste. Tu ne t'appartiens pas vraiment, celui qui m'accompagne est à moi, il est même de moi, fait de mes espoirs, à mes couleurs, partage mes fragrances de verveine. Il est un peu rebelle - les filles sages aiment les voyous - en chemise bois de rose... Il ne peut me décevoir, il est toujours à mes côtés, personne ne peut rivaliser. Il porte ton nom mais je sais que ce n'est pas toi, mon Pierre imaginaire. Rien de ce que tu pourrais dire ou faire ne saurait écorner son image, mon mirage mourra avec moi.

     

    Je pense encore à toi.

    Tu ne devrais pas le lire.

    Ne pas te méprendre en me pensant éprise ou prisonnière.

    Tu voulais une relation hors du monde, je suis la seule aujourd'hui à continuer à m'y refugier.

     

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