Je décolle…
Encore une fois…
On attend au bout de la piste, l’ombre des nuages part déjà sans nous.
Les moteurs tremblent, on accélère, la carlingue se tort sans rompre, on quitte le sol.
Je quitte la terre encore en vie.
Je regarde les paysages germaniques mais très vite on change de dimension, on entre dans la brume.
Il faut oublier ce(ux) que l’on laisse, entrer dans le brouillard des possibles.
On attend le sommet de la brume, on atteint le troupeau de nuages moutonnant.
Je ne me lasse pas de cette beauté magique qui cachent les douleurs des hommes en contrebas.
Les nuages immaculés effacent les cris du monde.
Très vite on perd la notion de vitesse.
Je me dis que je pourrais rester là.
En rester là.
Entre deux mondes.
En l’air.
Un peu nulle part, un peu partout.
J’ai laissé la peur au sol, je n’ai pris que mes envies.
Et mes rêves.
Je veux changer l’air de mes poumons, sentir la terre vivre sous mes pieds.
J’ai l’Islande dans mes veines.
Aujourd’hui je suis en veine.
J’ai laissé derrière moi mes habits de professeur.
Les derniers mots de mes derniers cours furent pour Samuel Paty.
Je laisse la barbarie en bas.
Je veux me retrouver moi, nue.
Mais si je m’approche de moi, est-ce que je m’approche de toi ?
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