Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Backstage

Je suis une fille de coulisses.

 

V kid.jpg

D’aussi loin que je me souvienne, je regardais le monde, de loin.

Enfant, on me posait sur le tapis et j’observais les grands.

On finissait par m’oublier mais je ne manquais rien de ce spectacle fascinant.

Grandissant, je restais dans un coin de la pièce, silencieuse, pendant que les adultes parlaient, échangeaient, refaisaient un monde que je ne connaissais pas encore.

Seule enfant dans un univers de géants, on n’a que peu babillé avec moi, j’ai vite parlé, j’ai vite aimé les mots.

Et en jouer.

Timide, introvertie, oui, comme un volcan qui sommeille...

 

Enfant j’allais à la messe. Je dois même dire qu’il a été des années où j’y allais seule. Un devoir au départ, une éducation imposée, certes.

Et puis on m’a proposé d’y participer.

Lire des textes, parfois écrire les prières universelles.

Tout un monde s’est alors ouvert à moi : m’exprimer devant un micro, devant une foule, tenir un rôle, assurer le show.

J’adorais aussi aller dans la sacristie, accès de privilégié.

Accéder aux coulisses de cette mise en scène. Les objets sacrés banalisés, lavés, essuyés, rangés. Tous ces artifices repliés. Et le prêtre qui retire son aube pour redevenir homme ordinaire.

L’envers du décor.

Je n’ai pas trouvé Dieu.

Que des hommes, imparfaits.

 

Puis la télé couleur est arrivée.

Je regardais ce spectacle merveilleux, ce monde à paillettes, où la vie semblait si facile, les gens si heureux.

Ils utilisaient parfois des mots que je ne comprenais pas, ce devait être des gens importants… je me sentais moins intelligente, mais cela constituait un challenge.

Et derrière c’est comment ?

Alors j’ai écris aux gens de la télé.

Certains ont répondu et m’ont laissé voir.

De l’inattendu, de l’inédit, jamais ce que j’imaginais.

Invitée en coulisse, je n’ai jamais assisté au 20 heures du type en charentaises mais j’ai vite appris qu’il y a des choses que l’on ne montre pas.

Tout cela c’est du spectacle.

 

Ancrée dans la bonne société, j’ai pu assister à des conférences de presse, m’incruster à quelques inaugurations très officielles, autant de mises en scène, de réorganisations du réel. Arrangement avec l’histoire. Intercepter des « off », boire de ces verres qui délient les langues, les mains et plus bas parfois…

 

Aujourd’hui encore, quand je vais au concert, je reste une fille de coulisse.

 

backstage.jpgJ’ai parfois la chance d’aller saluer les artistes, ou d’assister aux répétitions. L’homme est rarement le même que celui qui vient plus tard sur scène, maquillé, grimé, ayant endossé la rôle de lui-même.

Souvenir de cette réalisatrice de documentaire sur Pierre Rabhi qui venta son expérience en conférence-débat, puis, devant son jambon à l’os n’a pas mis un verre de vin à dire à quel point cet homme l’avait déçu. Mais on ne crache pas sur ce qui nous fait vivre.

Souvenir de Futoshi Sato, réalisateur japonais, vraiment désagréable en coulisse, adulé par les spectateurs en débat.

Je le regarde sans le mépriser, je souris, détentrice d’une sorte de secret.

L’impression, avec une vision de l’envers du décor, d’entrevoir un tout, de m’approcher d’une sorte de vérité plus vraie.

 

J’ai été moi-même dans les coulisses, avant la représentation théâtrale, actrice amateure.

Je crois que c’est ce que je préfère : les instants d’avant.
On prépare, on tente de prévoir l’imprévisible, on envisage, on répète et on se lance.

Encore une fois, même dans les coulisses, je suis spectatrice.

De ces amis, de ces potes acteurs amateurs qui stressent, qui pleurent, qui entrent en eux, qui ont besoin de câlins.

Des choses que le spectateur ne voit jamais, des petits riens si précieux qui font l’intérêt de l’humanité.

Un peu plus de réel, au-delà des projecteurs.

VID-20190530-WA0004 (1).mp4

Je crois que ce qui m’intéresse, c’est de voir l’envers des choses pour ensuite faire une synthèse être/paraître.

Je crois que ce qui m’intéresse, c’est de voir l’envers des gens.

J’aime les retrouver nus, débarrassés du social.

Ceux qui n’ont plus besoin de jouer un rôle.

J’aime trouver leur humanité à des moments d’intimité qui auraient justement autorisé l’expression de leur bestialité.

Trouver les failles, les fragilités voire les faiblesses.

Ces moments d’ivresse et de totale liberté, où l’on ouvre enfin les yeux, même dans le noir, constituent une autre prison, celle du secret.

Parce que tout cela n’existe pas aux yeux du monde.

Tout ce qui est tu, n’existe pas.

 

Boulimique de réel, je me balade dans la rue avec ces secrets, mes vérités.

 

Et toi, est-ce que tu me vois ?

Est-ce que tu sais qui je suis ?

Viens, dans mes coulisses

Viens, coulisse...

 

 

 

.

Les commentaires sont fermés.