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le jour d'avant

Au rendez-vous d’anesthésie, j’ai eu droit à toutes les consignes que je connais par cœur : se laver, être en jeun…

J’ai eu droit à toutes les questions : antécédents, dents qui bougent, prise de médicaments…

Au dernier moment, j’ai eu droit à tous les avertissements : ne prendre aucune décision importante dans la journée qui suit, ne signer aucun engagement de crédit. Ce jour là, la jeune praticienne slave est d’humeur rieuse, elle a du prendre mon côté blasé pour de la décontraction et rajoute «  ne décidez pas de divorcer lundi »… Comique…


Je ne dois prendre aucune décision car j’aurais le cerveau en vrac, sans même m’en rendre compte.

Je ne dois prendre aucune décision car, revenue à moi, je ne serai pas encore moi.


Le cerveau en vrac, je l’ai déjà maintenant, sans anesthésiant, c’est sans doute pour cela que cela fait mal.

J'aurais du vous écrire bien avant, à présent je n’ose plus envoyer de mail.


Je n’ai pas réellement peur de l’examen en lui-même, qui devrait être court, même si l’anesthésiste trouvait que cela fait beaucoup d’anesthésies générales pour une seule personne…

- Est-ce qu’au bout d’un moment, le corps oublie de se réveiller ? -

L’anesthésie générale est un miracle de la science moderne.

On se prépare au pire, souvent on le vit mais sans s’en rendre compte, sans en garder souvenir.

On se réveille et on est après.anesthé.jpg

Il manque des morceaux, censurés.

Il me manque parfois des morceaux, prélevés, analysés, carbonisés.

On se réveille et rien n’est pareil, on a une cicatrice de plus, au corps ou à l’âme.

On ne se réveille jamais sans séquelle, imperceptiblement on profite de notre inconscience pour tuer notre innocence, notre confiance en demain.


J’ai peur de la suite.

Je suis fatiguée d’une suite qui recommence sans cesse, comme on trébuche, qui nous fait revenir en arrière, en convalescence, et arrête notre course par un nouvel examen, par une nouvelle sentence.


Cette sentence je ne veux pas l’entendre.

Je supporte sans qu’on me laisse assez d’élan pour traverser définitivement cette épreuve.

A quoi sert de survivre si on n’a plus le temps de vivre ?


Depuis la dernière anesthésie pourtant j’ai aimé.

Depuis la dernière anesthésie, j’ai voyagé.

Depuis la dernière anesthésie j’ai repris goût en mon métier.

Depuis la dernière anesthésie, j’ai repris la natation, j’ai repris le théâtre, j’ai repris la poterie…

Par cette nouvelle anesthésie, me laisserai-je reprendre ma vie, moi qui n’ambitionne que de la continuer ?


Que ceux qui me plaignent en lissant ces mots se détrompent : ma vie est bien plus facile que la vôtre. Parce que je n’ai pas de choix à faire, ou très peu.


Je vais aller faire cet examen, demain.

Je ne veux plus être coincée de l’autre côté.

Incapable de faire des projets, incapable d’avancer.


J’ai rempli tous mes bulletins scolaires, j’ai préparé TOUS les cours de ces nouveaux programmes, mis à jour quelques textes, je suis prête.

Il me reste à vous dire que je vous aime.

Il me reste à te dire que je t’aime.
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A après.

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