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  • Loca-Terre

    A qui appartient le monde ?

     

    Souvent, en discutant avec ma grand-mère, je la regarde en souriant, avec empathie, je l’écoute, entre admiration et lassitude.

    Elle parle, je l’écoute, la frustration est cependant souvent au rendez-vous.

    J’aimerais partager, partager vraiment, mais souvent je ne fais que prendre en me disant que je profite, très rarement je peux donner, à défaut de quelqu’un pour recevoir.

    Je me dis souvent qu’elle est morte en même temps que Lui, que sa vie s’est arrêtée lorsqu’il nous a quittés. Tous ses souvenirs datent d’avant, lorsqu'ils étaient deux, tous ceux qu’elle aime raconter du moins : les vacances en Tunisie, le camping à Harprich, les bals de la cité des Cheminots…

    Pourtant elle ne se sent pas décalée, pour elle, tout cela, c’était hier, certains hiers étant plus éloignés que d’autres.

    Toutes ses expériences conservent une actualité jamais remise en cause.

    Elle pense que sa Tunisie existe encore, elle voit le sol des salles de bal où on jetait la cire en poudre pour mieux virevolter.

     

    Je n’ai pas le droit de lui dire que son monde n’existe plus…

     

    Un jour, c'est sûr, on oubliera

    Qu'y avait des banquises et le froid

    Des oursons blancs dans nos bras

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    Un jour, y aura que toi et nous

    Pour prier le soir à genoux

    Que la terre ne nous brûle pas

     

    Un jour, c'est sûr, on oubliera

    Qu'y avait des grêlons, des frimas

    Une mer de glace pour toi et moi

     

    Un jour, c'est sûr, on oubliera

    Qu'y avait des neiges éternelles

    Des hivers longs, des hirondelles


    Un jour, c'est sûr, on oubliera….

     

    ( Des Oursons Blancs Dans Nos Bras -  Yves Simon )

    Je regardais le gris de ses yeux, écoutais le grain de sa voix, en me disant qu’un jour je ne serai plus en mesure de le faire…

     

    C’est vrai qu’elle est dans son monde ma grand-mère.

    Il est rempli d’émotions son monde.

    Plus personne ne le changera, plus personne ne lui volera.

    Elle nous laisse entrer.

    Un peu.

     

    Mais il appartient à qui, le monde ?

     

    J’ai quarante ans de moins qu’elle mais suis-je vraiment DANS le monde ?

    Moi aussi je commence à ne garder du monde que ce qui m’intéresse, à fermer les yeux sur ce qui gène, ce qui est moins beau, moi aussi je commence à laisser le monde passer.

    Je ne pourrai pas le changer, je n’ai que ton cœur à entretenir.

     

    Enfant on attend, on attend d’être grand, on prend notre respiration....

    Puis le temps passe.

    Et le monde passe…

     

    Je ne sais pas à qui appartient le monde…

     

    Nous ne faisons que passer
    Dans l'ombre et la lumière
    Nous ne faisons que traverser
    Des océans des déserts

     

    ( Help myself ! - Gaëtan Roussel )ombres-lumiere-islande-m.jpg

    Je suis déjà vieille, je n’y suis déjà plus.

    Egoistement, je m’en moque…

    Je vis, je croque.

    Et je comprends mieux ma grand-mère.

     

    Je regrette juste que les générations ne puissent que se juxtaposer, se succéder, on se passe un témoin mais on ne court pas ensemble.

     

    Finalement, qu’importe à qui appartient le monde…

     

    Nous le traversons.

    Qu’importe que l’on ne fasse que se passer le témoin..

    Comme une course de fond, nous nous partageons la médaille,

    nous nous partageons la mémoire…