Je n’ai que mon corps,
À offrir au regard du monde,
Rien que mon corps
Et son ombre.
Je l’ai arrondi,
Illusion de douceur,
Je passe dans cette vie,
J’voudrais pas vous faire peur.
Je n’ai que mon corps,
Une enveloppe discrète,
Mais lorsqu’il sera mort,
Attention à qui me dissèque.
Je n’ai que mon corps ,
Et je ne laisserai rien
Que des bonheurs orphelins,
Pardonne-moi mon amour de te lâcher la main.
Si l’on ouvre mon cerveau on verra
Les chemins que je n’ai pas suivis,
Les cailloux sur lesquels j’ai trébuché,
Les existences que j’aurais pu faire miennes,
Envisagées l’espace d’une nuit,
Evanouies au lever de la Raison.
Je n’ai que mon corps
Et je ne t’ai jamais accompagné aux diners du siècle,
Tu ne m’as plus souhaité mon anniversaire, après la messe de 20 heures,
Je n’ai pas bu à la santé de ton dernier roman,
Je n’ai pas fais monté les enchères,
Je n’ai pas applaudi,
Je n’ai pas repris en chœur le refrain de ce gospel...
J’ai gouté ces possibles, avancé sur des rives,
Mouv-hantes,
J’ai regardé par la fenêtre le vent qui soulève les rêves de mieux,
Ecarté les rideaux pour bien voir la poussière de Fata Morgana.
J’ai fermé les yeux et j’ai avancé.
J’ai laissé partir les trains,
Je t’ai regardé sur le quai,
Emportant avec moi
Les émois.
Je me suis promenée sur la crête
Pour regarder l’océan,
J’ai tendu la main, écarté les bras pour serrer l’univers,
Je regarde tous les « j’aurais pu »
Comme on contemple, satisfait, ses enfants doucement s’éloigner pour faire leur vie.
Si l’on ouvre mon cerveau
On verra sans doute ce que je me suis jurée de ne jamais oublier,
Mais si l’on ouvre mon cœur
Qu’on ne s’effraye pas de sa taille
Il fallait bien cela pour cacher mon bonheur
D’avoir suivi ton p’tit bout d’chemin.
Si l’on ouvre mon cœur,
Qu’on fasse bien attention
Il y a un endroit, beau et fragile
Un endroit qui battra encore
Et encore
Même après le raidissement du corps
Un endroit doux et chaud
Qui porte ton nom : Kinogo.