J’ai déjà suivi bien des lignes, suis sortie du droit chemin, ai même flirté avec l’au-delà, moi, la border line.
Je suis profondément géographe, ce n’est pas nouveau, mais comment vous dire…
Il n’est d’ivresse à perdre le Nord que quand on sait où il se trouve, aussi invisible soit-il.
Il n’est de vertige que lorsqu’on a conscience de la hauteur, même les yeux fermés.
Et le symbolisme est un voyage imaginaire pour lequel j’ai un passeport perpétuel.
Alors… aller à Greenwich…
Remonter l’histoire des hommes qui tentent de redessiner la Terre,
rejoindre l’endroit où les hommes ont voulu faire leur le monde infini,
se placer pile à l’endroit où tout commence, où tout finit : les heures, les minutes, les secondes et les milliards d’humains qui se calent et se décalent, qui avancent leur montres et les reculent en passant les lignes,
se trouver à l’endroit du choix absolu : Est ou Ouest en un pas…
mettre mes pieds de chaque côté et ressentir le monde entre mes jambes,
me tenir bien droite à la surface du globe, lancer mon regard au loin et me dire : "je suis vivante",
emplir mes poumons et respirer un concentré d’univers en une folle bouffée d’air.
Aller à Greenwich….
Ce ne sont pas mes pieds sur la photo. Je suis arrivée trop tard, l’observatoire du haut de la colline était fermé.
Alors j’avoue : j’ai triché, j’ai photographié une photo de pieds pour ce post.
Mais témoigner de ce moment, ça, aucun musée fermé ne m’en empêchera.
Tu m’as suivie sans chercher à comprendre, il fallait faire vite avant le dernier ferry.
Je suis montée sur la colline.
J’y étais.
C’est moi qui ai vécu.
Et qu’importe si je n’avais pas mes pieds sur la ligne créée pour les touristes.
J’étais sur le méridien,
j’ai marché sur l’impalpable, parcouru l’origine, foulé le début du monde.
Et j’ai aimé.
On quitte Greenwich par le fleuve comme on prend la mer.
On devient border line, à zéro degré et quelques secondes.
On quitte Greenwich et tout peut commencer.