Je sais qu’avec l’actualité certains n’apprécieront pas et me jugeront nombriliste ou irrespectueuse des souffrances. Cette dramatique actualité souligne des évidences et me permet de mieux me voir. J’assume le nombrilisme.
Un homme qui ne me connaissait pas discutait sur Facebook.
« Tu es si forte… »
Je me sens Japon.
Je suis construite à l’intersection de plaques mouvantes, de plaques qui s’affrontent en moi : le bien, le mal, toi, eux, mes rêves, le devoir, mes lâchetés…
J’ai une longue histoire, je suis née à la confluence des désirs de la terre. J’ai grandi doucement, dans un archipel d’amour, j’ai appris, je me suis développée, suis devenue indépendante, ai constitué une place forte, à l’Est.
La peste brune m’a atteinte.
Puis Hiroshima : un cratère à mon bras.
Et je me suis reconstruite, comme j’ai pu.
Aujourd’hui, ceux qui ne connaissent pas mon histoire ne soupçonnent pas.
Je ne mange plus de crabe, c’est tout.
Et je me balade dans les rues, et je vais travailler le matin, et je vais au cinéma, et je sculpte, et j’écris, et je vis. Et je dis « je n’ai pas survécu pour ne pas vivre », et j’exporte mon savoir-faire, je communique, je déborde de moi.
Survivre, c’est sur-vivre, vivre plus.
On vit tellement qu’on en oublie souvent les failles, les fêlures souterraines.
Je tremble pourtant, tous les trimestres, tous les ans, lorsque l’on me scanne, lorsque l’on mesure, oui je tremble et le sol se dérobe sous mes pieds.
« Tu es si forte. »
Oui, je me tiens debout, je suis prête.
Je sais qu’il viendra peut-être, le Big-One.
« Tu es si forte. »
Non, je ne suis pas forte, je suis toute fêlée dessous, il y a tant de forces qui s’opposent en moi.
Et quand ça tremble, quand s’ébranlent les fondements, quand s’écartèlent les entrailles, quand se rouvrent les fissures, tout s’effondre.
Et parfois déferle un tsunami de larmes sur mes joues, des soubresauts, le souffle coupé, des hoquetements, un empire qui s’effondre.
Et parfois de l’ouverture sort des mots, dégueulent des cris, éruption, cratère, cicatrices, signes extérieur de malheurs.
Puis vient le matin où on voit qu’on est encore vivant.
« Tu es si forte. »
Je me sens Japon.
Je suis si fragile.
Les aléas ne sont pas risques sans humains, je me risque donc à vivre.
Mon fatalisme n’est pas un pessimisme.
Carpe diem quam minimum credula postero.
Commentaires
Si c'est du nombrilisme, je suis alors le maître du monde, EGO 1er.
Bravo !
Tout est dit . Ça résonne en moi.
Et puis : toute force proviendrait-elle d'une fragilité.
Bravo !
Tout est dit . Ça résonne en moi.
Et puis : toute force proviendrait-elle d'une fragilité.
Ce récit allégorique, se construit et prend son relief au regard d'une douloureuse actualité. Cette prose analogique, ( aux métaphores filées) elliptique, où s'exprime des idées justes et des sentiments généreux vient se substituer aux idées généreuses et aux sentiments justes. C'est un texte humain, (plus qu'humanitaire), où le coeur est à la bonne place, en ce sens.