Vérone

Vous qui croyez avoir tout vu
Vous qui avez voyagé, qui avez lu
Que plus rien jamais n'étonne
Bienvenue à Vérone

Vous qui le soir vous endormez
En étant certain d'être aimés
Ici, on n'est sûr de personne
Bienvenue à Vérone

 

Lorsqu'au-delà de la Suisse, au-delà du Gothard, je vois s'ouvrir l'Italie, toujours je chantonne.

En dépassant Bergame, perchée sur son rocher, je me dis que "si j'étais un homme, Je te ferai construire une villa, Mais je suis femme et, quand on est femme, On ne dit pas ces choses-là."   ( http://video.mytaratata.com/video/iLyROoaft-6V.html )

En poursuivant allégrement sur l'autoroute, le soleil devient plus joyeux : "Faire une virée à deux, Tous les deux sur les chemins, Dans ton automobile, Tous les deux on sera bien, Et dans le ciel il y aura des étoiles, Et du soleil quand on mettra les voiles."  ( http://www.youtube.com/watch?v=1yesl60S0j0 ) Et je bois du Campari en riant.

Une halte dans un climat de hasard guidé et me voilà cette année à Vérone. Malgré l'hiver qui finit, tout est vert dans ma tête, comme l'espoir, comme Véronèse. Vérone m'interroge, Vérone sans hic ou Vérone sans nique ? Un porche, une cour, dans une rue piétonne du centre-ville : Roméo et Juliette se sont aimés là. Un balcon et l'on se trouve bête de ce presque carton-pâte qui appâte les appareils photo des touristes japonais. A Vérone, la légende se doit de rejoindre l'histoire, les histoires de Shakespeare se sont inscrites dans une ville où il n'a pas mis les pieds. On a placé une tombe pour Juliette, en 1937, trop de touristes demandaient après. Alors on met. C'est faux, mais tout le monde est content. On croyait Juliette morte, mais elle n'est pas là, elle n'a jamais existé.

Et moi je suis là, c'est moi qui ai vécu.

Que reste-t-il de l'amour dans ce décor d'artifice ?

Comment ne pas s'attendrir de ces amoureux qui cherchent bénédiction, auprès d'idoles, par ces milliers de mots accrochés au mur, sous le faux balcon ? 

Je chante encore : "Vérone Qu'as-tu fait Des deux amants si beaux Qui s'appelaient je crois Juliette et Roméo ? "  (http://www.ina.fr/divertissement/chansons/video/I06268534/isabelle-aubret-les-amants-de-verone.fr.html ) 

J'aime cet endroit comme le mur des lamentations...

Ces messages, ces témoignages, ces espoirs.

Ces traces de vie.

Ces traces d'envie.

Toutes ces feuilles que l'on punaise, témoins d'amours naissantes, témoins d'amours déjà mortes, dégoulinent d'humanité.

En contemplatrice, je reste à l'écart.

Je retourne dans la rue. C'est vrai que j'aimerais ta main dans ma main, c'est vrai que j'aimerais tes lèvres sur mes lèvres. Mais tu sais à quel point je fuis ces réflexes, à quel point j'ai peur des obligations sans désir.

A Vérone, c'est sur le Pont de Pierre, Ponte Pietra, que s'échouent les sentiments des vivants : un amas de cadenas abandonnés, pour l'amour de l'art, pour l'amour de l'amour, symbole du lien amoureux. On s'enchaîne et on jette la clé dans le Pô.

A Vérone je n'ai pas trouvé de réponse, j'ai perdu toutes les clés... Peut-être que la solution est tagguée dans la roche : I LOVE LIFE.

 Et c'est tout ce qui compte...