Télécran

Faire à nouveau connaissance
De la fureur et du bruit
Du désir qui recommence
Que jamais rien n'assouvit
De joies en désespérances
Et d'enfer en paradis
Faire à nouveau connaissance
N'en avoir jamais fini

(Diane Tell)

Gamine, dans un coin, je passais des heures, sans heurt, sans pleurs. Renforçant au passage l'image trop sage des boucles blondes. Dans un coin, j'offrais un tableau idyllique, moi, la vraie icône, j'étais là avec sur la tête mon auréole dorée.

Là, sur mon écran je réinventais un monde dont la rectitude me rassurait, moi la cartésienne, moi, la (f)rigide fille de l'Est. J'apprenais par la même occasion la déception, je m'habituais à la frustration. Parce que ce monde fourbe n'était pas courbe. Tout au carré, bien rangé, aligné, régulier.

Je pestais : souvent me prenait la folle idée de vouloir écrire, mettre des mots sur mon écran, lier des lettres, écrire ton prénom avant de te connaître. Mais je persévérais, pas question de noircir une feuille, addicte, clouée devant mon écran, je titillais encore les boutons, en douceur, pour former les lettres de mon plaisir, les unir à l'image, moi qui ne me savais pas encore femme de papier, former le mirage des mots.

Télé-cran, tel écran, tel est pris qui voulait voir, telle éprise, quelle méprise...

Gamine dans un coin  j'y passais des heures, sans peur, sans heurt. Lorsque ça part de  travers, lorsque ça dérape, il suffit de retourner la situation, on secoue et tout peut recommencer. Effacé, l'écran, vierge de promesses, redevient terreau des possibles.

On secoue, en musique, pluie métallique.          -  Mets ta trique  -

L'adultie fait le deuil de l'enfance sans en ignorer les expériences. Je veux secouer l'écran, de ma télé, de mon ordi, de ma vie.

Faire à nouveau connaissance,

Revenir avant ma con - naissance,

Faire à nouveau connait - sens,

S'unir pour une co - naissance,

Utopiquement tendre à la co - essence.

 

 

 

 

 

" moi je sais que les vertiges sont les seuls dieux à aimer, je sais bien qu'ils nous obligent à tout recommencer "Yves Simon.