Après, t'allais voir de drôles de garçons
Pour qu'ils te parlent de révolution
Quand tu les croises aujourd'hui tu fais même plus attention !
Joe ! T'as plus le temps
T'as trop d'argent
Tu es trop grand maintenant
(F. Cabrel )
Quand j’étais petite, il y a avait le mythe des habits du dimanche, ceux que l’on ne mettait pas tous les jours et qui finissaient bouffés par les mites sans qu’on les ait jamais porté. Et comme je suis vite de venue grande, les habits du dimanche sont vite aussi devenus les habits trop petits.
Devenue adulte (Si, Jeanne, il faut en convenir…) je retourne le mythe, histoire de le dépoussiérer tout en rendant hommage à mon éducation d’un autre siècle, moi, fille du XXème élevée par une grand-mère distinguée mais paysanne issue du XIXème.
La semaine je porte un costume, métier de représentation oblige, je me glisse dans la peau d’une personne respectable, devant donner l’exemple, devant offrir à une jeunesse perdue un peu de repère, un peu de sérénité, dans un esprit neutre, tellement laïque, égalité obligatoire, liberté illusoire, bâillon des déterminismes.
Et le dimanche…
J’ouvre mon armoire comme on se replonge dans le passé. Que j’aime prendre ces vieilles chemises, au coton élimé, si doux, des témoins de tissu, revenus d’hier.
Qu’est-ce que j’aime me replonger dedans, comme un vieux doudou, j’en viendrais presque à re-sucer mon pouce…
Le dimanche je me fais croire que je n’ai pas grandi, je mets des vieilles chemises unisexe aux motifs improbables pour me faire croire que je ne suis pas une femme.
Je sais bien que demain commence une nouvelle semaine, je vois sur le cintre la jupe que je porterai, je sais bien…
Mais le dimanche j’aime sortir un peu de moi, comme si je mettais ma condition en pause, je me jette dans ce vieux chemisier comme on aimerait replonger dans le ventre de sa mère, retrouver le doux ouaté du liquide amniotique, ne plus penser à rien, ne plus rien avoir à assumer.
Je me regarde dans la glace et je me sens bien.
J’ouvre un bouton, deux.
Et je les vois, mes nichons dans leur nichoir de dentelle noire…
L’habit ne fait pas le moine, la chemise ne ramène pas l’innocence.
Je me demande si toi aussi tu n’aimerais pas, juste une fois, replonger en moi comme je me glisse dans ces fripes, offrir un cocon tout doux à ta trique, oublier un instant ta condition, revenir dans ma matrice, ne plus penser à rien, ne plus rien avoir à assumer…