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  • Tes silences

    28 juin.

    Trois mois sans signe d’activité.2verres.PNG

    Sur les réseaux ou sur la toile.

    Rien.

    Trois mois sans nouvelles de toi.

     

     

     

    À l’heure où les gens meurent.

    À l’heure où le virus frappe, aveuglément.

     

    Je me dis que tu me manques puis le week-end passe, la semaine reprend.

    Je me demande ce que tu fais puis je suis convoquée, je dois surveiller, corriger.

    Je m’inquiète pour toi puis je m’endors.

     

    Je repense aux derniers mots envoyés, toujours cette peur de te décevoir.

    Que ma nudité d’âme t’effraye.

    Tout dire n’a pas que des vertus.

     

    L’habitude crée son nid, ton absence redevient la norme.

    La conscience de ton absence est encore preuve de ton existence.

    Je vis de riens.

    La peur me quitte.

    J’aurais bien fini par apprendre ta mort.

    Tu vis.

    Loin de moi, mais tu vis.

     

    « Le vide me remplit » et toutes ces formulations pour positiver le manque…

    Me dire que je ne te déteste pas.

    Foutaise.

     

    Je finis par me dire que ce silence est volontaire et bienveillant.

    Que tu abandonnes tes projets narcissiques pour me protéger.

    Que tu renonces à te servir de moi.

    Je sais bien qu’il ne faut pas, que ce n’est pas raisonnable.

    Mais puisque tout est vain, pourquoi renoncer ?

     

    L’emprise perdure.

    Je t’imagine plus pervers que tu n’es.

    Je t’imagine plus humain que tu n’es.

     

    Dans ton silence il n’y a sans doute rien de tout cela.

    Juste de l’indifférence.

    La Vie qui t’emmène et toi qui m’oublies.

     

     

     

     

     

    «  A partir du mois de septembre, je n’ai plus rien fait d’autre qu’attendre un homme : qu’il me téléphone, qu’il vienne chez moi.

    J’allais au supermarché, au cinéma, je portais des vêtements au pressing, je lisais, je corrigeais des copies, j’agissais exactement comme avant, mais sans une longue accoutumance de ces actes, cela m’aurait été impossible, sauf au prix d’un effort effrayant. C’est surtout en parlant que j’avais l’impression de vivre sur ma lancée. Les mots et les phrases, le rire même se formaient dans ma bouche sans participation réelle de ma réflexion ou de ma volonté. Je n’ai plus d’ailleurs qu’un souvenir vague de mes activités, des films que j’ai vus, des gens que j’ai rencontrés. L’ensemble de ma conduite était factice. Les seules actions où j’engageais ma volonté, mon désir et quelque chose qui doit être l’intelligence humaine ( prévoir, évaluer le pour et le contre, les conséquences ) avaient toutes un lien avec cet homme.»

    Annie Ernaux