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  • géo logique

    Dimanche soir en période de Covid.miroir.jpg

    Enfin, je crois que nous sommes dimanche.

    Je vais aller me coucher.

    Envie d’un peu de chaleur, envie de réconfort.

    Je saisis mon doudou d’adulte, mon portable.

    Je tape ton prénom.

    Rien de neuf sur ta page Facebook.

    Rien de neuf non plus d’après Google.

    Dois-je me contenter de ce statu quo, croire en l’adage «  pas de nouvelles, bonnes nouvelles » ?

    J’ai juste besoin de savoir que tu vas bien, que tu vis, ailleurs.

    Le Covid donne des prétextes, le Covid instaure des doutes, emporte aveuglément.

    J’ai besoin de me connecter à toi mais cela m’est interdit.

    Tu ne m’appartiens pas, je me fais croire que je ne t’appartiens pas.

    Nos liens sont tus, cela me tue.

    Tiens, ça fait longtemps… et si je tapais le nom de tes enfants ?

    Sur Google. Facebook c’est pour les vieux.

    Immédiatement je reconnais les traits de l’aîné, il a des airs de toi, jeune. Ces airs que je te prête sans les avoir jamais vraiment vus, ces sourires que tu ne m’as jamais donné.

    Je clique sur le lien. C’est Linkedin.

    Je lis et découvre qu’il suit de brillantes études de… géographie. C’est une blague ?

    Il a mon amour des volcans, cet enfant que nous n’avons pas eu ensemble.

    Bon. Je vais regarder son petit frère.

    Tiens, il a suivi un cursus… de géographie. Encore une blague ?

    Ça commence à faire lourd, ça commence à faire louche.

    Un peu plus dans la géomatique, mais cela ne change rien.

    Putain, elle fout quoi la Vie ? Elle manque d’imagination !

    On parlera de hasard, de coïncidence.

    Un jour, j’ai découvert le mot synchronicité. Besoin de donner du sens à ce qui n’en a pas en apparence, besoin de comprendre, besoin d’ordonner et de trouver ma place dans ces histoires hors de l’ordinaire, dans notre histoire.

    Déjà la Vie m’avait dit malicieusement « l’homme qui t’accompagnera a les initiales du prince charmant et a suivi un cursus à l’IJBA », je n’avais pas envisagé qu’il pouvait y en avoir plusieurs.

    Un jour j’ai trouvé ces initiales sur un livre et j’ai cru qu’il venait de toi.

    Entre la peur et l’espoir que tu contrôles ma vie.

    Que faisais-je, des années plus tard, devant le Châtelet pour ce concert auquel je n’aurais pas dû assister ? Je t’ai vu et il n’y a plus eu de questions. Je t’ai vu et le monde autour est devenu un décor informe. Je me suis évadée avec toi et nos corps sont restés là, avec d’autres. Seule mon enveloppe poursuivait le chemin prévu, prévisible. Mon âme s’est évadée, mon âme s’est enfuie, laissant mon corps enfoui dans le bitume du trottoir parisien. Mon cœur a battu dans ton univers quelques heures. Et je suis restée en apnée.

    J’ai toujours aimé chercher ces détails d’apparence anodine pour les associer, voulant croire en une puissance supérieure qui jouerait avec moi, pour être moins responsable. J’ai toujours aimé me placer en spectatrice de ma vie.

    Parce que c’était plus facile à croire, moins engageant aussi.

    Jusqu’à imaginer une atteinte psychiatrique, qui excuserait tout.

    Comment expliquer autrement, puisque tu n’existes pas, puisque tout ce qui me tourmente n’est pas dans le réel.

    Tu m’as invitée à une expérience hors du monde, sans regard qui juge, même pas le nôtre. Dans le noir d’une chambre anonyme. Dans le silence aussi, pas de mots pour s’accrocher au quotidien. Juste nos corps, des soupirs, des désirs qui enflent et la liberté absolue, être sans avoir à devenir.

    La confiance aussi, totale.

    L’abandon de soi pour en arriver à nous.

    J’ai écrit et imaginé, pour m’échapper, pour explorer aussi.

    Ce serait plus simple de dire que tu n’existes pas, plus cohérent aux yeux du monde.

    Je me suis imaginée dans un hôpital psychiatrique, tentant de te nier, plaidant affabulation, la perte du discernement.

    En ai-je manqué ?

    Parfois je me dis que tout cela n’existe pas vraiment.

    Tout. Pas seulement toi. Le collège, la lumière de cet écran, les gens qui passent.

    Enfin, plutôt que c’est une production semblable aux rêves.

    Une conception du cerveau, d’un cerveau.

    Comme à la fin de Soleil Vert, quand la personne « part » dans ses souvenirs, dans un monde agréable mais artificiel, dans une éternité qui va au-delà de l’existence.

    Comme dans Matrix aussi.

    Est-ce que ce que je crois vivre se déroule réellement ?

    J’imagine une sorte de Matrice qui me projette un film.

    Et ce soir, le soin apporté aux détails périphériques est vraiment faible, le scénariste a fait des copier-coller maladroits.

    Combien de fois déjà croiser des gens en ayant l’impression de déjà vu, combien de fois déjà découvrir des paysages avec cette même impression ?

    Je suis dans une réalité toute relative, Ready Player One.

    J’avance, je vois mes pas, mes doigts sur le clavier à cet instant mais qu’est-ce qui me pousse à écrire ? Où cela va-t-il me mener ?

    Qui va sonner à ma porte ?

    Dis, quand reviendras-tu ?

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    Il est tard.

    Ce n’est pas cette nuit que je démêlerai le mystère de mon existence.

    J’ai déjà reçu deux avertissements qui me laissent une cicatrice au bras et une entaille profonde au dos.

    Je vais encore davantage lâcher prise puisque je n’ai prise sur rien.

    Je vais continuer à me regarder, je vais continuer à te chercher, partout.

    Je vais errer dans ce programme parallèle, moi qui ne peux vivre qu’en dissociant mon corps et mon esprit, moi qui ai besoin de m’ancrer dans un réel d’apparence pour m’évader.

    Il n’y a plus d’enjeu, je veux jouer encore.

    Je vais chercher le sommeil. Mais pourquoi dormir au fait ?




    Je n’en reviens pas, c’est quoi cette connerie, des études de géographie ?

    La Vie se fout de ma gueule.

     

     

     

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