C'est étrange, sur la route... de plus en plus de petits objets qui volent au vent, des choses que la pluie colle sur le sol. J'ai bien vu hier le cantonnier avec sa pelle tenter de faire disparaitre les preuves.
A traverser la forêt, je trouvais cela de plus en plus étrange, on dirait que les arbres ont fait les soldes, changent de manteau tous les jours, oubliant leur veste verte, essayant un patchwork de jaune, d'or et de rouge.
Je n'arrive pas à m'y faire : l'automne est là.
Je n'y crois pas, ce n'est pas possible, je revois le magnolia en fleur depuis la fenêtre de l'hôpital, c'était hier.
Dans la rue, les gens ont sorti leur grand manteau d'hiver, pas moi, ce n'est pas possible.
Je me demande combien de temps je vais pouvoir tenir avec cette certitude en moi, combien de temps je vais pouvoir vivre à une autre saison que les gens, je me demande pourquoi ils font tous semblant d'être en automne.
Combien de temps peut-on lutter contre une certaine réalité du monde ? Combien de temps pourrais-je vivre avec MA vérité, bien au chaud sous la couverture de mes illusions ?
Hier tata a lu cette histoire... Aujourd'hui je regarde mes crayons, qui ont fait sortir du mur des êtres et des histoires, comme dans ce livre pour enfant. Et je me dis que c'est ça ma vie, écrire et faire vivre les choses, même celles qui n'existent pas. Je m'endors, comme le héros prénommé Bruno, sereine. " C'est moi qui ai vécu".
Je résiste encore, je cherche un tube de colle pour raccrocher aux arbres les feuilles qui se lassent.
"Elle se balance entre deux airs,
Un côté sombre un côté clair.
Elle dort complètement réveillée.
Elle joue à faire mieux qu'exister.
Elle se balance entre deux ciels,
L'un sous ses pieds, l'autre au-dessus d'elle.
Elle vit encore à l'heure d'été.
Elle veut qu'il fasse beau toute l'année." ( M. Sardou)