J’ai laissé passer une année. Disons aussi que cette année m’a laissée la traverser sans me faire trébucher. Difficile d’y croire. Pas envie de faire trop de bruit de peur de rappeler que je suis là, de réveiller le mal. Besoin de profiter du rien.
Traverser une épreuve, bien sûr que c’est pénible mais les décisions à prendre ne sont pas si difficiles car cela se résume souvent entre vivre et mourir. Je choisis le premier verbe ! Et du coup on fait ce qu'il faut pour... On essaie de rationaliser, mais cela n'enlève pas le stress, ni les éventuelles douleurs, ni l'espoir suivi de ses désillusions...
Mes bras n’en peuvent plus d’être piqués. Ras le bol de ne pas avoir de veine, de tomber sur des infirmières qui ne trouvent pas mes veines. Besoin de profiter du rien. On s’y habitue si bien. Traverser le couloir jusqu’au scanner, la dernière fois, fut plus pénible que de sortir du bloc. Les malades perdent leur confiance en la vie. La digestion est plus longue, un bout d’intestin en moins.
Ne plus être un numéro, ne plus être.
Se permettre encore une fois,
l’échappatoire du noir.
Fermer les yeux,
se retrouver sans la vue,
sans le regard du monde,
vierge,
sans cicatrice.
Vivante sous tes doigts.
Pour clore 2017, j’ai choisi cette photographie, prise en avril sur l’île de Mull, en Écosse.
J’aurais pu trouver mieux pour vous faire rêver : le soleil a du mal à se lever, la végétation est encore groggy d’un hiver humide et neigeux mais je me souviens m’être arrêtée là, sur le bas-côté, d’être sortie de la voiture et de m’être mise à respirer.
Je me suis dis : voilà, j’y suis.
Voilà, je suis.
C’est là que je me sens bien, poussière dans une nature qui nous dépasse, roseau sous le vent, debout, affrontant les éléments.
Je suis toute seule.
On est toujours tout seul.
Je ne suis personne. A quoi sert un nom dans cette immensité ? La vacuité de l’existence prend fin dans cet infini. Il n’y a rien à faire, rien à chercher. J’ai les pieds sur cette terre, j’emplis mes poumons de cet air, la vie s’incarne en moi, je suis une passeuse.
Enfant, je ne souviens pas avoir rêvé être professeur, ni même maîtresse. Le futur ne me faisait pas peur, j’étais juste en attente. Me revient une image, une sensation. Ma vie de femme, je la voyais au bord d’un immense champ d’herbes hautes, vertes, mouvantes sous les caresses du vent. Autour de moi, j’entends des cris d’enfants, mais ce ne sont pas les miens.
Il me reste encore des routes à parcourir, pour trouver ce champ…
« Guti Rutsch »
Dans la région on se souhaite littéralement une bonne glissade d’une année à l’autre.
Que le passage vous soit donc doux…
Et que l’on se retrouve...
Et que l’on se retrouve...