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8/12

25 août – 25 avril

8 mois

Je ne porte pas de montre.

Depuis des lustres.

Ça me manque seulement lorsqu’il faut prendre le train, le ferry, lorsqu’il y a un départ fixe et définitif.

Il y a des repères partout dans mon quotidien : une sonnerie qui retentit toutes les heures au collège, une cloche qui sonne tous les quarts d’heure dans mon quartier, les lycéens qui passent dans la rue, les employés qui rentrent chez eux.

 A quoi sert une montre ? Les minutes et les secondes diffèrent de l’une à l’autre nous laissant cependant dans un même mouvement, côte à côte.

 

fraises.PNGJe suis assise à la table de ma cuisine, je regarde vers la fenêtre, vers le soleil qui se lève, il doit bientôt être 7 heures.

J’ai mis quelques pieds de fraisiers en jardinière pour goûter plus tôt à l’été, bien à la lumière mais protégés des dernier frimas du printemps mosellan.

Je les observe doucement pousser, les petites fleurs blanches se forment fièrement. Chaque jour est une découverte.

Je vais encore devoir patienter pour les voir rougir.

 

Nous courons beaucoup trop.

Nous avons perdu le sens du temps.

 

Dans le parc, les marronniers se parent de leur habit vert, les cerisiers du Japon exultent en rose.

La nature nous ramène au réel, au rythme parfois oublié de la vie.

Lent mais immuable.

 

Bien sûr il y a eu Charlie, le Bataclan, Bruxelles…

Bien sûr il y a eu une laparotomie, deux…

 

ny dedicate.PNGA New-York, à côté du mémorial 9/11, une fresque a été mise au mur en mémoire plus particulièrement des pompiers. Un homme s’attelait à la faire briller. Un bénévole, un SDF, peut-être un parent d’une victime. Avec sa petite bouteille de produit et son chiffon, sa façon à lui d’entretenir la mémoire. Il frottait, et il hurlait « never forget », il frottait, et il hurlait « remember Nive Eleven ».

La tristesse s’empara de moi.

Il fallait bien l’avouer : même à cet endroit, à l’ombre effacée des tours effondrées, même à proximité immédiate de tous les mémoriaux, on oublie.

On vient en visite comme on va au musée ou à Disneyland.

On a oublié.

 

J’ai vécu la chute du mur de Berlin, j’ai grandi avec des histoires de Rocky contre les méchants soviétiques. Les enfants d’aujourd’hui n’en savent rien. Faute de mémoire et de culture, les cours d’histoire sont de la science-fiction. Et ceux qui lèvent les bras au ciel, ceux qui tentent d’avertir, sont qualifiés de vieux cons.

 

Mon con à moi a pris de l’âge, mais il se souvient de toi.

Mon corps à moi a pris de l’âge, mais il se souvient.

Combien de temps encore pour que cela devienne du passé ?

Combien de temps encore pour douter que cela s’est passé ?

 

La cicatrice s’estompe, mais elle est là.

Les traces sont là, pour qui sait les regarder.

C’est nous qui avons vécu.

C’est moi qui ai survécu.

 

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