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  • 10/12

    25 août – 25 juin

    10 mois

     

    Dix mois, dis-moi…

     

    Eh toi dis-moi que tu m'aimes

    Même si c'est un mensonge et qu'on n'a pas une chance

    La vie est si triste, dis-moi que tu m'aimes

    Tous les jours sont les mêmes, j'ai besoin de romance

     

    Les paroles du premier 45 tours que mes parents m’ont acheté.

    J’avais 8 ans et allez savoir pourquoi je chantais à tue-tête « amoureux solitaires » de Lio.

     

    Eh toi, dis-moi…

    J’attends cela : qu’on me dise, non qu’on m’aime – mais vous pouvez, ça fait toujours plaisir !- mais qu’on renouvelle ma concession de vie.

    Pas de nouvelle, bonne nouvelle ? On verra…

     

    Tout s’arrête autour de moi.

    zebreee.jpgFin de l'atelier céramique, on cuit les dernières créations, on émaille à la chaine, on compte les heures à regret.

    Fin de l’année culturelle et de sa ribambelle de spectacles, on arrache le dernier billet au carnet de réservations en voyant sur la souche les mois écoulés, les rires, les émotions partagées.

    Fin de l’année scolaire bien sûr, avec les examens à surveiller, les dernières copies, les réunions inutiles, mais aussi quelques moments de convivialité.

    Tout s’arrête mais tout s’apprête à continuer : nouvelle programmation, nouveaux programmes, réforme sans transformation.

    A peine une pause pour reprendre sa respiration et se retourner sur l’année passée.

    L’impression d’avoir laissé passer beaucoup de choses, et de ne revenir un peu plus dans la vie qu’aujourd’hui, quand tout finit.

     

    Mais cela va reprendre…

    N’est-ce pas que cela va reprendre ?

    Dis-moi…

    Dix mois !

     

     

    Je vous fais des photos de ma cicatrice depuis des mois,

    voir les traces qui s’estompent sans s’effacer.

    L’œil au quotidien lisse les images,

    fait des raccords sans notre accord,

    on n’a pas toujours conscience de l’évolution.

    Je n’ai jamais voulu cacher mes cicatrices,

    elles me constituent,

    me racontent,

    mais à force de vivre avec, on ne les voit plus.

    Mon ventre, je l’oublie.

    Il me fait rarement souffrir, il me laisse en paix, bien camouflé sous les tissus bariolés.

    Personne ne le regarde, plus personne ne soupçonne.

    Il n’y a que le matin…

    Il n’y a que le soir…

    Lorsque je m’habille, me déshabille devant le grand miroir de la salle de bains.

    Il me saute à la gueule, le balafré.

    Chaque jour je sors de la salle de bains en tentant de reprendre ma respiration.

    Une collègue intriguée m’a demandé ce que j’avais au bras.

    Surprise de l’explication elle me décerne une médaille en quelques mots :

     « tu es donc une survivante ».

    J’ai toujours aimé ce mot car je me veux sur-vivante, au sens vivre plus.

    Maintenant que j’ai repris une vie dite normale, presque routinière, je vais devoir m’atteler à la question du plus.

    Attention, j’arrive !

     

     

  • chronique de maladie

    Quand c'est ? Quand c'est ?
    Que tu cesses tes avances ?
    Quand c'est ? Quand c'est ?
    Que tu pars en vacances ? Quand c'est ?
    Quand c'est ? Quand c'est ?
    Quand est-ce que tu y penses ?
    Quand c'est ? Quand c'est ?
    Ça nous f'ra des vacances.

    C’est la mode, c’est de la com’…

    De nos jours, on court contre le cancer.

    On nous donne un t-shirt rose et on court.

    Et tout le monde est content, ça donne bonne conscience.

    J’ai participé à une de ces « courses ».

    10 euros, dont seuls les bénéfices sont versés à la recherche.

    Combien au juste sur les 10 euros ? 4 ? 5 ?

    C’est quoi l’exploit de faire un don de 5 euros ?

    J’ai vu quelques femmes que je savais malades dans la foule, quelques infirmières.

    Je ne sais pas à quoi je m’attendais… Une fête du cancer ?

    Ce n’était même pas une kermesse : on court ou on marche 5 kilomètres et chacun rentre chez soi.

    Fier !rose.jpg

    ?

    C’est mieux que rien.

    Mieux que l’indifférence.

    Low-cost de la bonne conscience.

    Opium des gens qui ne sont pas (encore) malades.

     

     

    Cancer, cancer
    Dis-moi quand c'est
    Cancer, cancer
    Qui est le prochain ?
    Cancer, cancer
    Dis-moi quand c'est
    Cancer, cancer
    Qui est le prochain ?

     

    Je suis allée m’asseoir, dans la cathédrale de Strasbourg.

    On vient juste de scanner mon corps, du haut en bas, à la recherche des cellules trop vivantes pour me laisser en vie.

    On m’a laissée repartir sans réponse et me voilà, assise dans la cathédrale de Strasbourg.

     

    Je n’ai pas rendez-vous avec Dieu. Lequel d’abord ?

    Je ne crois pas vraiment en celui-là. J’ai trop grandi pour en garder cette vision étriquée. S’il existe une force supérieure, elle n’est pas ce qu’en imaginent les hommes qui s’entre-tuent en son nom.

    stras.jpg

    J’ai rendez-vous avec moi.

    Moi qui déambule seule dans ces rues pour rejoindre le centre Paul Strauss…

    Quelle belle idée que de ne pas l’appeler « centre du cancer », les cancéreux sont les nouveaux lépreux. Strauss, un nom symphonique et pourtant il n’a pas de lien avec la musique, ni avec le cancer d’ailleurs. Strauss comme un nom de code, pour repousser la maladie en ne la nommant pas.

     

    Il n’y a presque que des touristes ici, ou des gens qui viennent se reposer, au frais.

     

    Tu me disais «  on est toujours tout seul »

    Mais alors… qu’est ce qui garantit que je suis vraiment là ?

     

    Je suis là, assise à feuilleter ma mémoire, grimoire de moments magiques.

    Je suis là, à deux pas de l’endroit où un homme découvrit ma source.

    Je suis là, à deux pas de Jeanne.

     

    Je me suis mise assise dans cette cathédrale pour écrire en paix, pour écrire au frais.

    Mais j’ai seulement envie de pleurer.

    Comme un contrecoup.

    La Vie en boomerang.

    Je fais cet examen sans inquiétude particulière.

    Et pourtant, j’en ai assez.

    L’infirmière, pourtant aguerrie dans ce genre de centre, a tournicoté deux fois l’aiguille en vain dans mon bras avant d’appeler à la rescousse.

     

    J’en ai marre.

     

    Dans le tunnel pour la première fois je me suis dit «  je ne veux plus continuer »

    Bien sûr j’ai des projets, bien sûr je veux vivre demain mais je ne me sens plus la force pour me battre. Plus envie.

     

    Il n’y a aucun contrôle de sécurité à l’entrée de la cathédrale de Strasbourg…

    Étrange remarque de la part d’une fille qui ne veut plus vraiment vivre me direz-vous…

    Erreur : je ne veux pas RE-vivre tout cela.

    Je ne peux plus.