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  • autant en emporte l'aorte

    Ça ne se fait pas, de survivre, de garder ses cheveux, de continuer sans que le monde entier ne se doute.

    Alors, au premier scanner, au premier anniversaire, l’interne de service n’a pas pu me laisser repartir comme ça. D’accord, il n’avait pas vu de crabe, en miettes ou en boite, rien. Mais on ne dira jamais « vous allez bien ». Juste un « c’est bon » sur le même ton que « c’est fichu », comme si c’était plié d’avance. Dans un couloir, alors que les corps s’éloignent, la blouse blanche fait un pas en arrière, hésite et demande «  savez-vous que vous avez une ectasie de l’aorte ? »

    L%20arbre%20Aortique.jpg

    L’aorte c’est cette canne rouge sur laquelle s’appuie le cœur,

    Comme un appui nécessaire au système

    On parle d‘arbre aortique, arbre de vie, généalogie des organes,

    A la sortie du cœur, c’est le dispatcheur de sang.

    « C’est quoi une ectasie ? Non, mais ne vous inquiétez pas, c’est très léger... Je pensais que vous saviez… »

    Que je savais quoi, blouse blanche dans un couloir, entre deux portes, entre la salle d’attente et les rayons nocifs, que je savais quoi ?

    Que je risque l’anévrisme, un rien, juste un passage, vers l’au-delà, une hémorragie interne et on ne se parle plus, un épanchement de sang, pschitt, une petite fuite ? !

    aortique-debakey-type-i-456x499_tb.jpgVous savez ce qu’elle vous dit mon aorte ? Vous savez ?

    Mon aorte, elle est tellement gourmande de vie qu’elle a un peu abusé des bonnes choses, c’est vrai, elle s’est enflée, qu’elle a épaissi ses parois, je veux bien l’avouer…

    Mais ce que je ne peux pas vous dire, c’est que si mon aorte est plus grosse que la moyenne des gens, c’est qu’elle espère bien se faire remarquer, qu’elle ne supporterait pas d’être « dans la moyenne » et qu’elle se moque bien de ce qu’on peut dire d’elle… Elle qui en secret fait de son mieux pour apporter au cœur tout ce qu’il a besoin, ce débit anormalement élevé de sang sert à alimenter tout ce que je cache en moi, à arroser mon jardin secret : mes souvenirs de vous, mes désirs de toi.

    Mon aorte est une canne bien nécessaire, épaisse et solide pour ancrer un cœur qui veut voler plus haut que mon corps.

    coeur.jpg 

    Mon ectasie de l’aorte ?

    Une extase de toi,

    à peine dissimulée.

  • petits riens, bouts de moi

    Arrêt sur image – Norvège 1.

    roros géné.JPGLe désert intérieur de Roros est une curiosité, comme une bêtise que les hommes essaient de camoufler. A tant couper les arbres, pour les maisons, pour le feu et surtout l’étayage des mines de fer, le vent frappant sans vergogne un sol dénudé a crée des petits bouts de Sahara et l’on trouve à Roros des amas de sable en été, comme il y a des congères en hiver. Les politiques de reboisement cachent cette réponse aux offenses faites à la nature, mais parfois cela échoue.
    Je me suis promenée sur les dunes, de sable pas doux, de sable pas doré, un peu gris, de sable pas chaud.
    Juste le bruit de mes pas en descendant la dune.
    Mes pas dans le silence de silice.
    Grain de poussière sur grain de sable, je hurle à la vie.

    Ecoutez : je suis !

    roros pied.JPG



    Arrêt sur image – Norvège 2.

    oppdal géné.JPGOppdal, station de ski l’hiver, station aussi l’été, au vert. Le téléphérique a troqué ses sièges pour skieurs contre des petites cabines pour promeneurs. Quelques minutes pour attendre les sommets, voir le panorama, emprunter les chemins aux moutons en cloches.
    Quelques minutes pour redescendre sur terre, retrouver la route n°6. Cette cabine-là ne se fermait pas. Barrière de sécurité. Plein air.
    Assise sur mon petit banc de bois, je prends le vent.
    Je prends le vent. Et tout ce qu’il me donne : la folie dans mes cheveux, la fraîcheur à mes poumons, des picotements à mes joues et les larmes à mes yeux, sans que l’on sache jamais si cela est dû au vent froid à mes pupilles ou à un trop plein de vie, qui déborde soudain.


    Moi, je sais….

    oppdal air.JPG


    Arrêt sur image – Norvège 3.

    vague géné.JPGJe regarde les vagues que crée le ferry.
    Cette danse magique que les eaux font à son passage,
    comme une haie d’honneur de dentelles.
    Je regarde toutes ces bulles doucement mourir au loin, en silence.
    Eloge de l’éphémère.
    Sans ce bateau, ces eaux dorment. Leur persévérance à exister m’émeut.
    Ces bulles sont de l’art, elles ne servent à rien, rien qu’à l’émerveillement de mes yeux à cet instant précis.
    Les autres passagers sont blasés.
    Moi je regarde le spectacle et j’applaudis des paupières.

    Tu es là.

    vague geiranger.JPG



    Arrêt sur image – Norvège 4.

    pont geiranger géné.JPGIl y a un vieux pont abandonné, où passait naguère les chariots, où passait naguère les chevaux, à Geiranger, sur les hauts.
    On prend ce bru en photo.
    J’y passe à pied, prends le temps de la voir, de le sentir, le parcourir.
    Je cours un peu, pour voler un maximum de temps où il n’y aurait personne, sur le pont.
    Je ne sais pas ce qui me prend, je trottine, j’emplis mes poumons.
    Je ne sais pas ce qui me prend, j’écarte les bras et je crie : « je suis Jeanne ».

    Je pense à toi.

    pont geiranger.JPG